Qu'est-ce qui s'était passé cette nuit-là ? Pourquoi un revirement si soudain ? J'avais bien vu que la relation de mes parents n'étaient pas au beau fixe cet automne. Ils se disputaient de plus en plus souvent. Mais de là à rompre la nuit même de Noël ! Si c'était ma faute, jamais je ne me le pardonnerais. Et c'était sans doute ma faute. A cause de ma fichue grossesse. De ce maudit bébé. Et de moi surtout, de ma sombre connerie. J'étais une grosse nulle.
J'espérais vraiment qu'ils se remettraient ensemble. Je n'arrivais pas à admettre que mes parents puissent rester séparés. Pour moi, c'était de l'ordre de de l'impensable. C'était contre nature. Tout allait forcément s'arranger. Ils s'aimaient, j'en étais sûre. Ma mère traînait comme une âme en peine. Elle pleurait tous les soirs dans son lit. Elle s'était éteinte, comme une petite lumière qui brille dans la nuit et puis soudain, pouf, qui disparaît. Je ne l'avais jamais vue comme ça.
Je commençais à comprendre ce qu'avaient pu ressentir certains de mes copains, dont les parents étaient séparés.
Mais eux, ils étaient plus jeunes quand ça leur était arrivé. Et surtout, ils n'y étaient pour rien. Tandis que moi, j'avais tout détruit. Tout cassé. Je me haïssais.Demain, les cours allaient reprendre. Mon père n'était toujours pas revenu. Maman nous avait dit qu'il logeait chez un copain, Bruno. Tout ça, c'était un beau gâchis. Mon papounet me manquait. Le voir en survêt, tout transpirant de retour de son jogging, me manquait. Ses réflexions de caporal me manquaient. Ses rôtis tout cramés aussi. Je l'aimais, mon papounet. Qu'est-ce qui s'était passé ?
Ce dimanche, maman avait jeté toutes les décorations de Noël dans la rue, et le sapin aussi, même s'il n'avait pas perdu ses aiguilles. C'était fini la magie de Noël. Et ça n'avait jamais existé. Enfin, oui... avant.
Le soir, j'attendis que Salomé se soit endormie, et j'allai voir maman dans sa chambre. Elle était allongée toute seule, dans le grand lit, à sa place habituelle. Ça faisait vide sans papa. Elle faisait semblant de lire un magazine. En réalité, je voyais bien qu'elle pensait à autre chose. Elle avait les yeux tout gonflés. Elle avait dû se les essuyer vite fait en m'entendant monter. Je lui demandai si elle avait besoin de quelque chose. Elle me réclama un verre d'eau.
En revenant lui porter, je m'assis sur le lit, à côté d'elle. Elle but une gorgée, puis posa le verre sur sa table de chevet. Elle avait l'air d'une petite vieille, avec son pull, ses yeux tout rouges et sa tête fatiguée.
- T'as parlé à papa ? je lui demandai pour tâter le terrain.
- Oh non !
Elle avait répondu d'une voix sourde, voilée, et reprenait déjà son magazine pour faire semblant de continuer à lire.
- Tu l'aimes plus... je soupirai.
Je le disais comme un constat, mais en fait c'était une question.
- Je ne sais pas... C'est pas si simple, répondit ma mère sans lever les yeux. Des larmes brillaient en dessous.
Elle poussa un gros soupir.
- Je suis decue, c'est tout !
Et elle se mit à pleurer pour de bon.
- Tu sais... je risquai. Il nous ma'que à Salomé et à moi.
Nouveau gros soupir.
Je continuai :
- C'est à cause de moi que vous arrêtez pas de vous engueuler et que maintenant papa dort chez Bruno ?
- Non, répondit aussitôt maman.
- Mais ça n'a pas aidé ?
Elle fit une petite grimace.
- Pas vraiment...
Je commençai à pleurer moi aussi.
- Je sens bien que c'est de ma faute... Je te demande pardon, maman.
Elle se mit à caresser mon ventre.
- Non, ma chérie, tout n'est pas de ta faute. Le monde ne tourne pas que autour de toi... même si tu es très enceinte !
- Oh pleure pas, ma petite maman ! »
Je l'enlaçai. Elle sanglotait carrément.
- Non, je pleure pas ! chiala-t-elle. Je vais le tuer...
- Non !
- Si ! Je vais le couper en rondelles !
Elle disait des bêtises mais elle était tellement triste. Ça me retournait le cœur de la voir ainsi. Je n'avais pas l'habitude. Normalement, c'était moi qu'elle consolait. Et là, les rôles étaient inversés. Ça me faisait bizarre.
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Clem maman trop tôt
Roman pour AdolescentsD'abord, je n'entendis rien. Puis à nouveau, un battement cardiaque. Mais il était différent du premier, plus sourd, et plus rapide aussi, venant des profondeurs. - Oh, putain, c'est quoi ça ? je lâchai, d'une toute petite voix. Le docteur Bertin me...