Après la révélation, je filai dans ma chambre. Tout était calme dans la maison. À un moment, j'entendis ma mère préparer le dîner dans la cuisine. Elle monta me dire que c'était pour prêt, depuis le palier. Je lui répondis que je n'avais pas faim. Elle n'insista pas. Elle ne pénétra même pas dans ma chambre. Ensuite, je perçu vaguement des bruits de couteaux et de fourchettes - mais pas de conversation. Rien. Il dînaient en silence. Même Salomé ne pipait pas un mot.
Je m'en voulais. C'était terrible comme je m'en voulais. Tout ça, c'était ma faute. J'avais tout gâché. De gros soupirs soulevaient ma poitrine. Je m'étais assise sur mon lit. J'avais laissé ma porte entrouverte (inutile de la fermer maintenant) et guettai les bruits provenant du rez-de-chaussée. À un moment, très tôt dans la soirée, tout le monde monta dans sa chambre. Mes parents vinrent faire un bisou à Salomé. Puis, plus rien. Je me tordais les mains toute seule sur le lit.
J'avais peur. Mes parents n'avaient pas réagi comme je m'y attendais. Ils ne m'avaient pas engueulée, ni punie. Mais leur silence était pire. Ce regard qu'ils avaient, leurs visages décomposés. Je les avais rendus tristes. Je les avais déçus. J'avais peur qu'ils ne m'aiment plus.
En même temps, quelque chose en moi s'était dénoué. Je me sentais soulagée. Je respirai mieux. La vérité était sortie et même si c'était dur, même si mes parents trinquaient, ça me faisait un bien fou. C'était peut-être égoïste, mais c'était comme ça. À présent, la situation était claire, je n'avais plus rien à cacher. J'étais assise sur mon lit, en short et en t-shirt moulant, avec mon ventre proéminent. Je n'avais plus besoin de tricher.
Un peu plus tard dans la soirée, je tandis l'oreille. J'entendais des éclats de voix venant de la chambre de mes parents. Ils s'engueulaient. À cause de moi. Mon père parler de contraception, un truc comme ça. J'entendais pas du tout. Mais il y avait du reproche dans sa voix. Il reprochait à ma mère que je sois tombée enceinte ! J'enfouis ma tête entre mes bras. C'était horrible !
Une porte claqua. Puis j'entendis ma mère dévaler les escaliers. Elle allait passer devant ma porte. Je me redressai.
- Maman ?
Elle s'approcha de ma porte, l'ouvrit en grand.
- Tu dors pas ?
Je secouai la tête, incapable d'articuler un son.
Elle s'approcha de mon lit et s'assit sur la couette. Elle était en robe de chambre, le visage tiré. Elle avait pleuré. Mais quand elle parla, elle fit un effort pour avoir l'air normale.
- Bon. Écoute... demain je vais prendre rendez-vous chez le docteur, et on fera le point.
- C'est pas la peine... Je suis retournée au planning hier et ils m'ont dit de passer la deuxième échographie juste avant les vacances de Noël, j'expliquais machinalement.
- Ah bon !
Ma mère me regarda, abasourdie. Elle prenait sans doute conscience que j'avais géré ça toute seule. J'étais là à lui parler d'échographie comme un truc normal, moi, sa fille de seize ans !
- Maman, je l'ai pas fait exprès, tu sais... balbutiai-je avec une toute petite voix.
- Je sais ! souffla-t-elle.
- Tu m'en veux ?
- Oh oui, franchement, Clem ! lâcha-t-elle. On avait parlé des capotes... Je t'en avais même achetées. Pourquoi t'as pas fait attention ?
- Mais c'était une fois...
- Mais une fois suffit ! Et si en plus tu te réveilles deux-trois semaines trop tard, plus personne n'y peut rien... C'est comme ça, la vie !
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Clem maman trop tôt
Teen FictionD'abord, je n'entendis rien. Puis à nouveau, un battement cardiaque. Mais il était différent du premier, plus sourd, et plus rapide aussi, venant des profondeurs. - Oh, putain, c'est quoi ça ? je lâchai, d'une toute petite voix. Le docteur Bertin me...