18. Mélusine

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- Alors, voilà ! m'annonça Lydia. Voici ton « espace de vie »... ou ta chambre, si tu préfères. Et je te présente Mélusine, avec qui tu vas la partager. Mélusine, je te présente Clémentine. Bon... je vous laisse faire connaissance, les filles. Mélusine, tu lui expliqueras comment faire si elle a faim ou soif en dehors des repas ?

- T'inquiète ! répondit Mélusine.

Lydia referma la porte avant que j'aie eu le temps de lui dire merci.

- Salut ! je lançai.

- Salut !

Je m'avançai jusqu'à mon lit (celui où Mélusine n'était pas allongée) et posai mon sac sur la couverture.

- Tu vas voir, c'est super cool ici ! commença alors ma coloc. Et elle enchaîna direct : T'aimes quoi comme musique, toi ? Si tu veux, je peux te prêter des écouteurs. Je voulais emmener des enceintes, mais j'en avais pas de petites, alors...

Je la coupai :

- Euh... excuse-moi mais chuis un peu crevée, là. J'ai pas trop envie de parler et tout...

- Ah ? bah... OK, y'a pas de problème.

Je m'assis pesamment sur le lit. Mélusine me jeta un dernier petit coup d'œil, puis pris prit ses écouteurs et se replongea dans la lecture de son magazine.

***

Une semaine passa. Je m'étais adaptée très rapidement à la vie du foyer. C'était réglé comme du papier à musique. Petit déjeuner entre 7 h et 8 h 30 le matin. Déjeuner entre 12 h et 13 h 30. Dîner entre 18 h 30 et 20 h. Tous les après-midi, à 16 h 15, j'avais rendez-vous avec une psy, Mme Lejeune, pendant vingt minutes. Le reste du temps, on s'occupait comme on voulait. Il y avait des ateliers dessin et musique. Certaines filles suivaient des cours par correspondance et bossaient dans la bibliothèque une grande partie de la journée. D'autres ne foutaient rien, mais on les laissait tranquilles. Personne ne posait des questions.

Au premier, c'était l'étage des « jeunes mamans ». C'est comme ça que Lydia l'appelait. On les voyait pas trop. Elles se levaient de bonne heure pour s'occuper de leur bébé et prenaient leur petit déj' souvent avant nous (je veux dire, nous, les filles enceintes). En tout cas, c'est ce que Mélusine m'avait expliqué. Elles vivaient en décalé. Parfois, j'en apercevais une qui se promenait dans le jardin avec son bébé dans les bras, ou dans une sorte de poche sur son ventre. Ou bien dans un couloir. Certaines restaient dans la salle de télé à mater le poste pendant qu'elles allaitaient. Mais moi, je ne mettais pas les pieds dans cette salle, j'étais juste passée devant une fois. Quand j'avais vu le tableau, je m'étais barrée vite fait.

Parfois, la nuit, on entendait un bébé gueuler, tout seul dans le silence. Et puis, plus rien. La fille qui était avec lui... enfin je veux dire, sa maman... devait lui donner son biberon. Ou le sein, comme les filles que j'avais vues dans la salle de télé. Ça me faisait trop bizarre. C'était hors concours.

Avec Mélusine, on avait un peu fait connaissance au fil du temps. Elle m'avait appris qu'elle avait quinze ans. Quinze ans depuis six mois et elle était enceinte de sept et demi. C'était de la folie, elle avait couché à quatorze ! Elle ne parlait jamais de ses parents, ni de celui qui l'avait mise en cloque, ni même de sa grossesse et pourtant, elle était énorme. Elle parlait juste de musique et potins. Moi, je ne lui posais pas de questions. Je lui parlais pas beaucoup non plus. Mais c'était une fille sympa. Pas du tout pétasse ni rien. Ça se voyait juste que ses parents devaient avoir un peu moins de tune que les miens, qui roulaient déjà pas sur l'or mais bon ça allait. J'avais l'impression de partager ma chambre avec une gamine. Une gamine qui n'avait même pas conscience qu'elle était enceinte.

Clem maman trop tôtOù les histoires vivent. Découvrez maintenant