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Je reviens de l'école toute épuisée par cette longue journée de classe. Je rentre toujours toute seule. Si vous vous demandez si je n'ai pas d'amis pour faire route, je vais vous dire que non. La seule élève qui habite mon quartier est en Terminale, on se salue mais on n'est pas amies. J'ai beaucoup de connaissances mais peu d'amis. Car pour moi l'amitié est très sacrée et quand j'ai deux ou trois personnes de confiance à qui parler, cela me suffit. D'autant plus que j'aime rentrer seule afin de comprendre un peu tout ce qui m'arrive en si peu de temps. J'entre dans la maison et constate que mes parents sont absents. C'était toujours ainsi, enfin presque...

Après avoir pris un bain, je pars me préparer quelque chose à manger dans la cuisine. Je ne suis pas un cordon bleu mais je me sais me débrouiller. Mon père dirige un grand auto parts et ma mère est une esthéticienne. Je suis fière d'eux. Ils se sacrifient chaque jour pour le bien-être de notre famille. N'allez pas comprendre que je viens d'une famille aisée, nous avons seulement les moyens de vivre une vie du mieux que l'on peut. Notre situation financière était meilleure même mais tout a chamboulé ce jeudi où notre économie commence a dégradé...
Notre servante qui travaillait quotidiennement doit se présenter une fois par semaine pour la lessive et le nettoyage.

J'aime beaucoup le métier de ma mère. Et du vivant de Cassy, quand elle habitait encore la maison avant son mariage, nous allons toutes les deux presque tous les après-midis après les cours au lieu de travail de notre mère. Souvent nous lisons les magazines ayant les coiffures simples ou excentriques. Et Cassy ne manquait de dire à maintes reprises :
《 Ah! Cette coiffure est magnifique, maman! Il faudrait bien que tu recommences à me coiffer un de ces jours afin que je sois plus attirante》.

Attirante ? Oui. Cassandre Jheenaelle Dorval l'était. Ma sœur était d'une allure mince avec une belle et longue chevelure, un regard pétillant et une démarche assurée. J'ai toujours voulu avoir son physique. Elle était modeste, simple avec un fort tempérament; une fille très créative et si fragile.
Moi, j'étais tout son contraire. J'ai des cheveux courts avec une petite taille et une corpulence potable.

Tout à coup, j'entends frapper à la barrière et je m'empresse d'aller ouvrir. Ce sont mes parents, ils rentrent toujours ensemble. Pas le couple parfait mais le plus beau à mon avis. Je les embrasse et nous rentrons en silence.

- Ça va, mon ange ?

- Oui, maman. Ça va aller, murmuré-je en souriant mais sous pouvoir dissimuler ma fatigue et mon chagrin.

- Nous l'espérons, Jenny, articule mon père à ce moment.

Il soutient mon regard avant d'ajouter :

- Ça nous fait encore plus de peine, à ta mère et moi, de te voir dans un état pareil. Je sais que c'est très douloureux pour toi mais ce n'est vraiment pas une raison de baisser les bras. Je sais reconnaître une fille désespérée surtout lorsqu'il s'agit de la mienne. Tu tentes de cacher tes peines, tes souffrances, mais au fond de toi tu sais bien que tu n'y arriveras pas. Oui, ma belle Cassy n'est plus malheureusement... mais tu dois continuer à croire que le meilleur est devant toi.

Je reste abasourdie par les mots de mon père. Jefferson Dorval, ainsi s'appelait-il, est silencieux ces derniers jours, mais très observateur, aucun doute là-dessus.
Il me regarde de loin sans intervenir, mais pourtant il est au courant de chaque petite chose qui se déroule dans ma vie.

Moment très gênant.

- Ta sœur a réussi sa vie et elle a fait notre fierté tout au long de ses vingt-neuf années d'existence. Et toi, je veux que tu me rendes encore plus fier de toi à un niveau que je n'aurais jamais espéré. Oui, mon coeur. Rends ta mère et moi fiers de toi. Je sais que tu peux te surpasser, tu peux surpasser cet événement tragique qui a rongé notre famille, il y a tantôt un mois. D'ailleurs de mes deux filles, tu as toujours été la plus courageuse. Si Cassy est aujourd'hui le sujet de mon désespoir, ou plutôt de notre désespoir, alors deviens toi-même le sujet de notre courage, de notre fierté, et pourquoi pas le sujet de notre joie, hum ? Je ne compare pas à elle mais je sais que tu peux bien faire les choses à ta façon.

Le discours de mon père a eu son effet, ses mots m'ont frappé en pleine conscience. C'est comme si j'étais inconsciente et je me suis réveillée tout à coup. Avais-je l'air aussi pitoyable ? Dîtes-moi.

Depuis la mort de ma sœur, c'est la première fois qu'il me fait un aussi long discours. Il ne m'adressait la parole que par des phrases bisyllabiques. Et pour être sincère, cela me mettait mal à l'aise. Mais voilà qu'aujourd'hui il m'accouche le fond de ses pensées, et au lieu de me réjouir, je me sens toujours mal à l'aise. Surtout à l'idée d'être le sujet de sa fierté et de sa joie.
Joie ? Je crois que ce mot a disparu de mon vocabulaire, il y a déjà un mois. Comment être le sujet de joie de mes parents quand j'ai moi-même perdu toute cette notion ? Voilà ce qui m'intrigue.

Levant les yeux, je remarque qu'ils me fixent avec une expression indescriptible.

- Oui, papa. C'est très difficile pour moi en ce moment et même très douloureux. Mais je ferai de mon mieux afin de faire votre fierté et faire renaître votre joie, affirmé-je avec une assurance dans la voix tandis que des larmes perlaient déjà des mes yeux et roulaient silencieusement ma joue, noyant mon coeur.

- Tu vas y arriver, ma chérie. Et d'ailleurs, viens là !

Oui, là était ma place. Dans les bras de mon père. Il me garde contre lui et me serre très fort avant de poser sa tête sur le haut de mon crâne, sans dire un mot. Et ma mère nous rejoint. Leur geste me réconforte beaucoup. J'avais vraiment besoin d'une étreinte de ce genre.

- Merci, leur soupiré-je. Je crois que j'ai énormément faim, à présent.

- Ce n'est pas grave, ma belle. Je vais préparer un excellent repas pour les deux adorables femmes de ma vie, répond mon père avec un sourire radieux.

- Alors maintenant tu vas cuisiner, Jeffry. Je serai heureuse de voir ça! s'exclame ma mère.

- Ce sera succulent ! Vous allez voir, ajoute-t-il en quittant déjà le salon pour se diriger vers la cuisine.

Ma mère le suit. J'aime tellement les voir ensemble. Et j'en profite pour me rendre dans ma chambre en emportant avec moi du pop-corn.

Et Si On Se Trompait...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant