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- Et qu'avons-nous fait pour mériter tout ça, mon Dieu ?

Cette voix désespérée me réveille de mon sommeil. Qui est-ce ? Et que signifie tout ceci ? Où suis-je ? Que m'est-il arrivé ?

Toutes ces questions s'imposent à moi dès que j'ouvre les yeux. Je me vois sur un lit d'hôpital avec un respirateur artificiel qui me recouvre le nez et la bouche et des accessoires branchés à mon bras, ce qui me tracasse. D'autant plus que je ne me souviens pas de ce qui s'est passé. Je me sens très fatiguée.

En parcourant la pièce du regard, je vois une dame assise à mon chevet, la tête baissée. Elle semble inquiète. Elle relève la tête aussitôt, comme si elle sentait mon regard se poser sur sa personne.

- Oh! Ma belle! Que je suis contente que tu te réveilles enfin !

C'est ma mère. Je la reconnais. Elle pose sa main sur le haut de mon front. Je lui adresse une mine incompréhensible.

- Ça veut dire que tu es restée inconsciente pendant six heures, mon ange. Ton père et moi... sommes très inquiets à ton sujet. Et je n'ai même pas pu fournir de grandes explications au docteur concernant ton inconscience car c'est la première fois que cela t'arrive.

Alors mon corps m'avait réellement lâché. Je m'en souviens petit à petit... Six heures ! J'ai passé six heures dans un état comateux. Mais qu'est-ce qui m'arrive, bon sang ? Je frappe un poing sur le lit. Si tel est mon destin que je meurs et que tout ça prenne fin franchement. J'en ai marre de souffrir. Moralement puis physiquement. Et quelle sera la prochaine étape alors ?

- Tu as intérêt à te calmer, Jenny. Ça ne va vraiment pas, me dit ma mère.

Et tout à coup, la porte s'ouvre pour laisser passer un homme de grande taille portant une chemise bleue et un pantalon noir avec une longue blouse blanche dessus. C'est le docteur sans aucun doute.

- Mme Dorval, j'ai les résultats des tests de votre fille, annonce l'homme en s'adressant à ma mère.

- Oui, Dr Chérestal. Jenny vient de frapper un poing sur le lit signe qu'elle commence à prendre conscience de son environnement, n'est-ce pas ?

Ce dernier me jette un regard avant de continuer en ces mots :

- Oui, en effet. Elle est réveillée ! Salut, Jenny. Je suis Karim Chérestal et c'est moi qui prends ton cas en charge. Je suis Médecin Nutritionniste. Ça va ? Tu te sens épuisée assurément ? Lève un doigt si tu m'entends!

Est-ce un ordre ou une demande ? J'ignore ce que c'est mais j'exécute.

- Bien. Bon retour parmi nous ! Ta mère m'a un peu expliqué ce que tu vis en ce  moment mais il te faudra prendre soin de toi si tu ne veux pas causer davantage de peine à tes parents.

J'acquiesce de la tête en signe d'affirmation.
Et revenant à ma mère, il dit :
- Votre fille souffre des troubles du sommeil et d'appétit. Le sommeil assure plusieurs fonctions vitales, dont la maintenance du métabolisme neuronal, la mise au repos du système cardiovasculaire et l'équilibre du métabolisme des liquides. Ses troubles sont liés à des troubles de son humeur. Elle souffre d'insomnie qui est un manque de sommeil et qui entraîne une augmentation de l'inattention, de la mauvaise humeur et engendre des troubles de la santé mentale comme la dépression. Et souvent cela a un impact immédiat sur les résultats scolaires. Ne le remarquez vous pas ?

- Oui.

C'est ma mère qui a répondu car elle a été témoin ces derniers jours des diminutions de mes performances scolaires.
Le docteur continue :
- Tout cela est le résultat d'une mauvaise gestion des émotions de votre fille. Elle souffre de l'anémie ferriprive (AF), elle est la cause de son alimentation pauvre en fer d'après les analyses. Car la nutrition détermine de nombreux aspects de notre santé physique et morale. Ainsi, quand notre alimentation ne couvre pas tous nos besoins nutritionnels, il est normal que des symptômes apparaissent en vue d'alarmer le corps. Elle va être nourrie à l'aide d'une sonde digestive pendant les quelques jours qu'elle passera à l'hôpital.

Il marque une pause avant d'ajouter :
- Vous comprenez ? Je peux continuer ?

Ma mère était blanche comme du linge. Ne voyant aucune réaction, il ajoute :
- Ne vous inquiétez pas, l'anémie ferriprive est légère. Mais elle peut entraîner de graves problèmes si elle n'est pas traitée.

- Oui, je comprends.

- Jenny Dorval. Je m'adresse à toi, à présent. Je ne veux pas te faire peur mais il faut que tu saches que ton système immunitaire est très affaiblit. Tu as perdu beaucoup de poids et tu as une faiblesse musculaire et osseuse. Et je suis sûr que tu as une concentration difficile en classe, sans oublier une mauvaise mémoire. Il t'arrive de te sentir fatiguée même après une bonne nuit de sommeil, n'est-ce pas ? Alors tu souffres d'une fatigue chronique et ton état est très critique. On ne peut pas forcer les choses. Il te faudra pratiquer des séances de rééducation.

Il me regarde longuement avant de me dire :
- À présent, je me fais Psychologue pour te dire que tu es sous le coup d'une sorte de rébellion psychologique. Je suis un vieil ami de ton père j'ai su ce qui vous est arrivé mais je n'ai jamais pensé que cela t'aurais particulièrement affecté à un tel niveau.

C'est normal car elle était la seule personne à passer plus de temps avec moi...

- L'absence de celle que tu as aimée est source de souffrance pour toi; et ce qui est pire c'est parce que tu refuses d'accepter que les choses se passent ainsi, même si tu sais bien que rien ne dure pour toujours. Il est obligatoire pour toi de t'accommoder à nouveau à la vie afin de trouver un certain équilibre. Tu dois te laisser aller, te laisser la chance de découvrir de nouvelles personnes et de nouveaux endroits. Je sais que fréquenter de nouveaux gens est la dernière chose que l'on a envie de faire surtout quand on vient de perdre quelqu'un de spécial; mais tu n'as pas à t'en faire car ce sera pour toi une occasion de prouver à la vie que tu acceptes les choses telles qu'elles sont et que les gens rentrent et sortent de nos vies...

La sonnerie d'un portable coupe les mots du docteur. C'est le sien. Il s'excuse et décroche. Il dit quelques mots que je n'arrive pas à saisir puis le glisse dans la poche de sa blouse.

- J'en suis navré. Je te recommande de consommer de la vitamine C trouvée dans les variétés de fruits car cela fortifiera ton système immunitaire. Tu devras consommer beaucoup de légumes, de céréales et des fruits secs, du poisson, de la viande rouge, des produits laitiers, des œufs, des pommes de terre, etc... Tu devras éviter les boissons gazeuses et les sucreries. Ta santé doit être ta priorité ! Je vais te laisser reposer, à présent. Tu as des questions ?

Oui, j'ai beaucoup à dire mais rien ne me vient sur les lèvres... Ce discours était épuisant mais j'ai aimé entendre les quatre vérités. Après tout, le pop-corn était mon alimentation ces temps-ci. Je ne pouvais espérer rien de mieux. Je dis au docteur que je n'avais pas de questions avant de détourner mon regard. Il s'adresse alors à ma mère :
- Est-ce clair, Mme Dorval ?

- Oui, docteur.

Ma mère semble être sous le choc. Oui, elle l'est. Et je pense qu'elle a l'impression de me perdre. Je n'ai pas voulu leur infliger ça, elle et mon père. Les mots du docteur résonnent encore dans ma tête : " Elle souffre de l'anémie ferriprive..."
J'ai pris conscience des faits à présent. Pourquoi est-ce bien à moi que tout ça arrive ? Pourquoi moi ? Je laisse alors jaillir les pleurs que j'ai longtemps retenus.

- Une infirmière aura à te guider pour les séances de rééducation afin de te permettre de bouger tes muscles et pouvoir respirer par toi-même. Je vous transmettrai les prescriptions un peu plus tard. Je vous laisse. Veuillez m'excuser!

Et il s'en va comme il était rentré. Puis l'instant d'après, je suis plongée dans un profond sommeil. Le sommeil ou la mort ? Non, le sommeil... J'espère ne pas me tromper.

Et Si On Se Trompait...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant