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Revenant de l'école toute épuisée, je m'affale sur mon lit et ferme les yeux. C'est si bon de se reposer un peu après les cours.

- Je suis désolée, ma chérie.

Levant la tête, j'aperçois ma mère dans l'encadrement de la porte.

- Qu'est-ce qu'il y a, maman ?

- Cass.. Cassy. Cassandre est morte, lâche-t-elle dans un sanglot.

- Cassandre est morte ? Répété-je à moi-même. Non, maman. Dis-moi que ce n'est pas vrai. Je... je t'en supplie.

- C'est incroyable mais... pourtant vrai. J'aurais aimée que ce soit un mensonge, moi aussi.

L'ignoble, l'immonde jeudi 13 mars où la mort m'a prise ma grande sœur, je m'en souviendrai toute ma vie ! Jamais les heures ne m'ont paru plus longues ! J'ai cru que je rêvais mais chaque jour la réalité s'impose davantage à moi.
Au début, je refusais d'y croire, de croire que c'était bien à moi, à ma famille que ça arrivait. Oui, c'était vrai. Et pourquoi la vie est-elle si injuste ? Vous pouvez me le dire ?Pourquoi ?

Un bruit à la porte de ma chambre me tire de mes rêveries. C'est ma mère qui frappe, et dit :

- Jenn! La nourriture est prête. Viens manger, ma chérie.

- Oui, j'arrive.

Ah! Oui. Je n'ai pas mangé de tout l'après-midi. Mais la nourriture est le cadet de mes soucis en ces temps-ci. D'autant plus que je dorme déjà très peu, et c'est ce qui cause mon amaigrissement.

* *

Il est cinq heures quand je me suis réveillée le lendemain matin. On est aujourd'hui le mardi 12 avril et je me prépare pour me rendre à l'école. C'est mon père qui m'emmène en voiture. Quand il fait vingt-cinq minutes après six heures, nous quittons la maison. Je vérifie mon sac et c'est parti. Mon père est très silencieux alors je n'ose articuler aucun mot comprenant qu'il n'a pas trop envie de parler. Il est froid, distant et parfois distrait depuis la mort de Cassandre.

Il fait encore nuit et tous les gens du quartier ne se montrent pas encore. Les lieux sont rupestres. Le paysage se défile devant nous. Et heureusement, il n'y a pas trop d'embouteillages dans les rues. Si vous voulez savoir mon pays d'origine, je peux seulement vous dire que je suis fille de la Première République Noire. Et j'habite à Oc'c, un quartier du département Ouest de ce dit pays.

À sept heures, j'arrive déjà à l'école. Sur la cour se retrouvent de nombreux élèves du Collège. Je m'apprête à m'isoler dans mon coin préféré quand une voix familière m'interpelle :

- Jenny!

Une voix que je reconnais entre mille.

- Tu viens ?

Sa voix est claire et très gaie comme un rayon de soleil. J'aimerais tellement être seule mais étant donné qu'elle m'appelle alors je la rejoins aussitôt en constatant qu'elle n'est pas seule. Ralph, un garçon de notre classe, est assis à ses côtés.

- Je vous laisse entre filles, annonce celui-ci dès mon arrivée. Bonjour, Jenny!

- Bonjour!

- Merci, Ralph, répond mon amie. Et surtout, n'oublie pas de m'apporter le livre.

- Tu n'as pas à en faire un cantique. Je te l'apporterai.

Et Ralph s'en va.

Après les salutations, elle m'accable de questions comme à chaque matinée. Elle est la seule que je supporte en ce moment en tant qu'amie parce que j'aurais envoyée toute autre personne promener avec ces questions ennuyantes.

- Ça va ? Tu as bien dormi ? Tu crois que ça peut aller ?

- Tu n'as pas à t'inquiéter autant, Ana. Ça va, et toi ?

Éliana Laguerre est ma meilleure amie. On habitait le même quartier un certain temps, puis après le divorce de ses parents, elle a déménagé pour des raisons financières. Je n'ai connu aucune amie plus forte qu'elle, elle a une manière exceptionnelle de trouver un certain équilibre entre toutes les difficultés de sa vie. Ensuite, on a fréquenté le même établissement toutes les deux. Elle est une sœur pour moi en tout cas. Et même du vivant de Cassy, ainsi je surnommais ma sœur, je l'ai toujours crié haut et fort. Cette dernière piquait une crise de jalousie quand je me confiais trop à Ana plutôt qu'à elle. Et cela me plaisait bien parfois mais aujourd'hui elle n'y est plus. Demain marquera un mois depuis qu'elle est partie. J'aimerais tout donner pour qu'elle soit encore parmi les vivants. Vraiment tout.

Alors la voix de mon amie se fait entendre :

- Oui, ça va. Mais je m'inquiète beaucoup pour toi. N'essaie surtout pas de faire comme moi en contenant tes sentiments car ils peuvent s'exploser à tout moment et te causer plus de peine que tu en as déjà. Moi, je me suis contenue, mais j'ai une manière bien spéciale de me défouler à la maison et tu le sais bien.

Oui, mon amie fréquente un club de réadaptation pour adolescents et elle suit les conseils d'une psychologue en ligne. Elle m'invite toujours à faire autant mais je ne veux nullement expliquer à personne ce que j'endure.

Je tente de cacher ma tristesse derrière un sourire qui s'ébauche tant bien que mal sur mon visage au prix d'un grand effort. Et je réponds :

- Je comprends que tu t'inquiètes car ce n'est vraiment pas facile pour moi. Mais oui, ça va aller.

J'ignore comment cette dernière phrases a pu franchir mes lèvres : 《 Mais oui, ça va aller》.
Je m'efforce de croire que ça va mais je sais parfaitement que ce n'est pas le cas. Je repousse mes tremblements de faiblesse et tente de me maîtriser un instant. Je n'aime pas montrer mes sentiments alors même si ça me rend triste, je ne veux pas l'admettre. Et je ne peux pas les cacher pourtant.
C'est d'ailleurs pour cette raison que j'espère être remise de la mort de ma sœur. Je prétends que ça va bien mais c'est faux. Archi-faux. Je souffre, affreusement. Je souffre dans mon corps et dans mon esprit. L'intensité de la douleur me torture. Je suis vide totalement de l'intérieur. J'ai un vide lancinant dans le coeur.

J'aurais tellement aimée que tout aille bien ! Que tout redevienne comme avant ! Car je porte un masque que la vie m'a infligée depuis un mois, et je pense que je vais finir par méconnaître mon vrai visage parce qu'il semble n'y avoir aucune lumière à l'autre bout de mon tunnel.

- Tu n'as pas à t'infliger ça, Jenny.

Je ne réponds pas. Un silence pesant s'installe entre nous. Éliana semble être sincère. Au fait, elle l'a toujours été avec moi. Non, je ne veux pas m'infliger tout ça. Mais ce n'est pas de ma faute. Je crois même que la souffrance émotionnelle est une partie de moi, à présent. Donc Jenny est synonyme de souffrance.

- Je sais. Et toi, il me semble que ton amitié avec Ralph t'es bénéfique, non ? Lui demandé-je pour changer de sujet.

- Comme tu dis, c'est juste un ami. Oui, son amitié m'est d'autant plus bénéfique que la tienne, me rassure-telle avec un grand sourire.

Notre conversation continue jusqu'à ce que la cloche ait sonné nous annonçant la rentrée.

- Nous devons y aller, Ana. Ramasse tes affaires !

- Oui, très chère.

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Hello tout le monde! 👋 Pour un 1er chapitre, vous appréciez ? 🙂 Laissez moi vos commentaires! Bisous 😘

Et Si On Se Trompait...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant