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- Ma chérie, tu dors ? Tu as de la visite.

La voix de ma mère me tire de mes pensées. Oui, c'est ma plus grande occupation ces derniers jours. Penser. Je me retourne.

- Qui est-ce ?

Elle ouvre la porte pour laisser passer un groupe de trois élèves en uniforme accompagnés d'une dame.

- Vous allez devoir vous présenter, mes chers afin de faciliter la tâche à Jenny. Les jours sont vraiment difficiles pour elle, enchaîne ma mère à leur égard.

- Ce n'est pas grave. Bonjour, Jenny. Comment vas-tu ? Nous sommes de ton école et je suis Mme Théobald, la responsable de discipline.

Je commence à me souvenir peu à peu. Mais je rêve ou quoi ? Qu'est-ce qu'ils font là ?
L'unique fille du groupe dit à son tour :

- Tu n'as pas à t'inquiéter, ma grande. Nous sommes ici pour te voir. Voir si tout va bien. Je suis Éliana et c'est moi qui a suggéré cette visite à M. François. Ralph est là et Thierry également.

Thierry ? Celui qui voulait me parler à l'école disant qu'il a lu le chagrin sur mon visage. Je l'avais oublié, lui. Il a vraiment du culot ce type. Qu'est-ce qu'il vient chercher jusqu'ici ? Je n'ai nullement besoin de sa pitié. S'il croit que je vais entrer dans son jeu, qu'il aille frapper à une autre porte !

Le temps que mon amie me serre la main en un geste affectueux. J'entends  une voix masculine dire :

- Nous sommes ici pour voir si tu vas bien.

Il ne manquait plus que ça. C'est Thierry qui a parlé. Il ne cesse de me regarder.
Un silence pesant s'en suit.

- Salut à toi chère présentatrice de l'exposé du mois d'avril ! S'exclame Ralph comme pour détendre l'atmosphère.

Ah! Ralph ! Sa mention de l'exposé m'arrache un grand sourire.

- Ça peut aller, Jenny ? Me demande Mme Théobald.

En vue de m'épargner les efforts, ma mère se précipite de dire :
- Oui, elle va mieux petit à petit. Il y a beaucoup à faire mais ça peut aller.

Je me trompe ou elle l'a dit avec assurance dans la voix. J'aurais dit la même chose. Je tiens cela d'elle d'ailleurs. Le fait de ne pas laisser voir mes sentiments ou encore mon état d'esprit.
Tout de même, je veux bien y croire car rester clouer sur un lit d'hôpital n'est pas une partie de plaisir, croyez-moi!

- Nous l'espérons tous. Et M. François t'envoie ses chaleureuses salutations avec de grands souhaits de rétablissements.

- Passez lui mes sincères remerciements.

Et le temps passe sans que je m'en rende compte. La conversation est intéressante et je m'en réjouis beaucoup de cette visite quand une infirmière ouvre la porte :
- Veuillez m'excuser. L'heure de la visite a pris fin. Mlle Dorval doit se reposer. Elle a besoin de beaucoup de repos. Je vous prie de disposer s'il vous plaît.

Ah! Le repos...

- Oui, merci de nous prévenir. Je regrette de devoir t'annoncer notre départ, Jenny.

- Ce n'est pas grave, Mme Théobald. Je vous en remercie grandement de m'avoir procuré un tel plaisir.

Oui. C'est avec regret que je les laisse partir. Je ne me suis jamais sentie aussi bien depuis mon entrée à cet hôpital. Et je ris de bon coeur. Cela me réconforte beaucoup. Je regarde mes camarades séparément en vue de les remercier à ma façon.

- C'est gratuit, très chère. Tu nous manques beaucoup à l'école. Reviens vite nous retrouver en pleine forme! Et hier M. Mathurin m'a demandé si tu es malade à cause de ta gourmandise, dit Éliana avec hilarité dans sa dernière phrase.

Et nous rions tous. M. Mathurin, avec son sens de l'humour, il ne changera jamais. Gourmande ? Oui, je l'étais, il y a bien longtemps. Mais cette époque est derrière moi à présent.

- Allez, dîtes vos derniers mots. Nous devons partir. Bon rétablissement, Jenny! Dit la responsable de discipline.

- J'étais contente de te voir, ma chérie. Surtout maintenant que je suis certaine que ça peut aller. Je viendrai te voir dès que tu seras chez toi. Préviens-moi!

- La porte te sera grande ouverte, ma belle, annonce ma mère. Passe le bonjour à Mme Laguerre de ma part.

Et après leurs souhaits à mon égard, mes camarades prennent congé de moi pour ensuite retourner à l'école.

* *

- Ne pleure pas, mon coeur. Papa est là.

La voix de Kerry est joyeuse et il a les yeux rivés sur sa fille qui pleure depuis un instant dans ses bras. Aujourd'hui, je rentre chez moi après avoir passé presque deux semaines à l'hôpital. Les factures grimpent tellement sans compter le coût des médicaments que mon père a demandé au docteur Chérestal de me laisser partir. En bon ami, il a dit que ça ne pose aucun problème et qu'on pourra rembourser un peu plus tard comme bon nous semble mais mon père a refusé. Il n'aime pas avoir des dettes et il affirme qu'il y a des choses que sa famille ne peut vraiment pas se permettre en ce moment. Oui, je le comprends. Le décès de ma sœur nous a coûté de grandes dépenses. Mon père a su prendre tout en charge. Et voilà maintenant que je tombe malade... Si ce n'est pas la malchance, à quoi peut-on attribuer cette situation ?

Accompagnés de Kerry qui était là, nous passons prendre ma nièce à la maternité où elle était pour ensuite rentrer à la maison en voiture. C'est mon père qui est au volant. Il est vrai que c'est ma mère qui a été à mon chevet mais c'est lui qui s'est occupé de toutes les dépenses et du déplacement pour l'achat de mes médicaments. Je ne lui en veux donc pas de ne pas pu être présent tous les jours à mes côtés.

- Donne-la-moi, Kerry!

Libérée de mon respirateur artificiel, je parle sans gêne et bien mieux. Je prends Keisha et la berce un peu. Et chose étonnante, elle se calme au même instant.

- Tu aurais dû la prendre plus tôt, Jenny. Elle n'aurait pas versé toutes ces larmes, me dit mon beau-frère.

- Elle sait reconnaître sa tante, lui dis-je avec un clin d'œil.

- Et vous êtes magnifiques, toutes les deux ! S'exclame mon père.

- Merci, papa. Tante et nièce se comprennent très bien.

Ma phrase est suivie d'un éclat de rire chaleureux qui envahit toute la voiture. Oui, j'aime bien Keisha. Elle a les mêmes traits de son père et elle semblerait avoir un peu plus tard la même corpulence que sa mère. Et le trajet se passe tranquillement.

- Enfin! M'exclamé-je une fois passée le seuil de la porte.

- Ah! Oui, ça fait toujours du bien de rentrer chez soi.

- J'hallucine ou la maison est réellement plus splendide qu'avant ?

- N'exagère pas, mon ange! Ton père a planifié cela juste une façon de t'accueillir.

- Merci ! En effet, j'aimerais reprendre l'école après-demain.

Ma mère me sourit.

- Je le sais. Mais le docteur Chérestal a bien précisé la fragilité de ta santé donc il t'a laissé partir comme l'a demandé ton père seulement si tu continuais de te reposer à la maison avant d'entamer les activités scolaires. Donc il faudrait y aller doucement, tu comprends ?

- Oui, maman.

Le téléphone de mon beau-frère met fin à notre conversation. Il a un appel et il décroche avec une mine inquiète.

- Qu'y a-t-il, mon fils? Lui demande ma mère après ses échanges.

Et Si On Se Trompait...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant