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Kerry semble très inquiet. Et je sens que les ennuis, nos ennuis, sont loin de terminer.

- Il faut que j'y aille à l'hôpital. Ma grande sœur a besoin de repos donc je dois la remplacer. Le médecin nous avait conseillé de ne pas laisser ma mère toute seule.

- Oui, je comprends. Et embrasse-la fort de notre part.

- Je le ferai, ajoute-t-il avant de déposer ses lèvres sur le front de sa fille qui dort profondément dans son berceau, pour ensuite sortir.

Mon beau-frère vient d'une grande famille. Il a deux frères, deux sœurs et il est le troisième fils de ses parents. En ce moment, sa mère est très malade. Elle souffre beaucoup. Et je demande comment a-t-il pu supporter toutes ces tragédies. Sa mère est tombée malade pendant la grossesse de sa femme et vous connaissez la suite...
J'ai tellement de peine pour lui, Kerry!

* *

Aujourd'hui, je retourne à l'école après quatre jours passés à la maison. Je n'en pouvais plus. Éliana était effectivement venue me voir et c'est avec regret qu'elle a quitté notre appartement. Keisha est restée pendant longtemps dans ses bras et mon amie s'en est réjouit. D'ailleurs, elle m'a déclaré vouloir ma nièce pour rentrer chez elle. Elle est ma meilleure amie, bien sûr mais ma nièce n'est pas un objet à transporter ça et là. Je tiens beaucoup à elle, d'autant plus que je la considère comme une partie de ma sœur décédée. La seule partie qui n'a pas pu s'en aller avec elle.

- Bonjour, Jenny!

- Bon...jour Thierry!

J'ignore vraiment comment ces mots ont pu franchir ma bouche avec une telle facilité mais c'est déjà fait. Et je ne veux pas faire la guerre, ce matin. J'ai plus la force pour ça.

- Ça va bien ?

- Oui, ça peut aller. Et toi ?

- Ça va ? Tu sais, je suis content que tu sois parmi nous à nouveau. Et j'ai à te parler.

- Thierry, je ne sais pas trop comment faire les choses et j'ai...

- Ne t'inquiète pas. Je comprends que tu ne veux pas être dérangée.

- Oui, c'est vrai. J'ai besoin de souffler un peu. Pourrait-on se parler après ?

- Aucun problème.

Et à l'instant, on entend le son de la cloche qui annonce la dévotion et la montée du drapeau.

Je cherche ma meilleure amie du regard mais en vain. Elle demeure introuvable. Quelle malchance pour mon premier jour de classe après ma convalescence ! Elle n'a pourtant pas l'habitude d'être en retard.
Arrivée en classe, les élèves me harcèlent avec leurs différentes questions. Je m'effonds sur le banc. C'en est trop!

- Du calme ! Crie Thierry qui vient à ma rescousse. Laissez-la tranquille !

Il éloigne les plus collants.

- On ignore que tu avais un garde du corps, Jenny, lance l'une de mes camarades.

Je ne fais même pas attention à cette remarque. La dernière chose que je veux est de me disputer.
Lorsque la tension se calme, il me fixe un instant avant de regagner sa place. Est-ce bien lui ? Thierry ? J'ai découvert une autre partie de son être  dans ce regard. Je vois mon reflet dans ses yeux. C'est-à-dire mes douleurs, mes épreuves. Il faut vraiment que je lui parle parce que ce contact visuel me permet de réaliser qu'il est lui aussi un garçon blessé par la vie. Qu'est-ce qui lui est arrivé ? A-t-il perdu un être cher tout comme moi ? Son père ? Sa mère ?
Je me questionne intérieurement quand je vois Éliana entrer dans la classe.

Et Si On Se Trompait...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant