6.

6 3 0
                                    

Cette mine inquiète occupe à nouveau le visage de Kerry. Mais qu'est-ce qu'il y a franchement ? Je me sens heureuse pour la première fois depuis un mois et sembe-t-il que je suis la seule à nager dans ce bonheur. La voix de mon beau-frère se fait entendre :

- Entre la maladie de ma mère et mes occupations, j'ai à peine le temps de respirer. Et voilà que maintenant je vais devoir prendre soin de ma fille tout seul. Elle est si fragile, tout comme sa mère. Et moi si inexpérimenté face à tout ça. Sandy avait beaucoup à m'apprendre mais elle n'y est plus malheureusement...
Alors j'ai vraiment besoin de votre aide. Je sais qu'après moi, il n'y a pas mieux que vous qui aimez Keisha.
Donc je vous demande de prendre soin d'elle pendant quelques temps de son enfance jusqu'à ce que je m'habitue à devenir un père digne de ce nom. Mais ne vous inquiétez pas car je serai responsable de tout financièrement. En fait, elle s'appelle Rose Keisha Jean-Pierre.

- Très beaux prénoms ! Affirmé-je.

- C'est Sandy qui les avait choisis depuis à son sixième mois de grossesse, nous annonce Kerry avec un sourire radieux. Elle me disait toujours : 《 Personne ne va appeler ma fille Asefi ou quelque chose de ce genre après mon accouchement, je dirai à tous que ses prénoms ont déjà été choisis. 》

Oui, ma sœur aimait choisir des prénoms aux enfants. De beaux. D'ailleurs, c'est elle qui avait proposé à mes parents de me nommer Jenny; étant donné que mon père se nomme Jefferson. Dans la plupart des cas, les filles portent le prénom dérivé de celui de leur père, je me trompe ?

- Mon garçon, je veux que tu saches que la famille n'est pas forcément une question de sang. C'est la question de ceux qui te tendent la main le jour où tu en as le plus besoin. Alors oui, nous allons te tenir la main et prendre soin de chère notre petite-fille car nous sommes ta famille, lâche ma mère après avoir consulté mon père du regard.

- Merci beaucoup ! Je vous serai d'une éternelle reconnaissance.

- Nous sommes une famille. Ne l'oublie jamais, mon grand !

- Je le sais. Je savais que je pouvais compter sur vous.

Un bébé à la maison. Ma nièce. Cette pensée me fait sourire. Je dois digérer ça avec une bonne boisson fraîche. Peut-être que la vie n'est pas trop injuste après tout. Une sœur perdue, une nièce acquise. Mais pourquoi ça devait être une vie pour une vie ? Je pouvais bien avoir les deux, non ? Une sœur et une nièce. Pourquoi pas ? Dommage que la vie en a décidé autrement. J'ai vraiment hâte de la voir. Cassy a toujours pris soin de moi, alors je dois prendre soin de sa progéniture à présent d'ailleurs c'est une partie d'elle.

Kerry jette un œil sur son portable et j'imite son geste. Il est six heures.

- Je regrette de devoir vous annoncer mon départ mais je dois m'en aller.

- Ça a été un plaisir de te revoir, mon garçon. Prends bien soin de toi!

- Le plaisir est le mien, belle-maman.

Ah! Mais il y a vraiment de quoi à ne pas fermer l'œil ce soir. J'ai vraiment hâte d'avoir Keisha dans les bras. Une bouffée de joie m'envahit. Une vraie. Alors je désire partager ce sentiment avec quelqu'un. Je m'apprête à téléphoner à Éliana quand tout à coup mon portable sonne. Quelle bonne coïncidence ! C'est elle. Je lui raconte tout dans les moindres détails. Elle s'en réjouit de son côté. Et tout à coup, j'ai l'impression que ma est redevenue quelque peu normale. Car j'en avais par-dessus la tête et j'ai cru ne plus retrouver ma joie. Joie ? Oui, n'est-ce pas de ce terme que mon père me parlait ? Mon quotidien était rythmé par la tristesse, le chagrin, l'angoisse et le désespoir. Jusqu'à aujourd'hui. Ou si je ne sais pas si je me trompe...

* *

- Tu es Jenny, n'est-ce pas ?

Je soulève un sourcil en entendant mon prénom dans la bouche de garçon alors que je n'avais jamais échangé un mot avec lui, pas même les politesses. Absolument rien.

Et si par là vous dîtes que je suis drôle comme fille, je vous en remercie de me le rappeler car je le savais. Lui et moi partageons la même classe, mais il est dehors les trois-quarts du temps soit pour devoir non rédigé ou encore pour bavarderie. Il a même l'habitude de sécher les cours à sa guise.

- Qu'est-ce que tu veux, Thierry ? Lui demandé-je avec méfiance.

- Calme-toi, je te prie. Je ne te veux pas de mal, me répond t-il. Je t'ai remarqué depuis quelques jours et j'ai lu le chagrin sur ton visage. Alors je voudrais qu'on se parle tous les deux.

- Ai-je bien entendu ou ai-je halluciné ? Tu as le chagrin sur mon visage. Ça me semble bien étonnant puisqu'il y a des expressions dont je crois que tu n'es même pas capable de déchiffrer sur ton propre visage, et que dirait-on du mien ?

- Pour toute réponse, il me regarde longuement avec un soupir. Alors j'ajoute :

- D'autant plus tu dis que tu voudrais qu'on se parle tous les deux. Ai-je une pancarte sur le front disant que j'ai besoin de connaissances pour passer ma tristesse ?

- Arrête, Jenny! Tu n'as pas à haranguer pour si peu. Où est donc le problème ? Tu n'as qu'à me dire qu'on ne peut pas se parler, c'est très simple.

- Il faut que tu saches que tout ce qui est simple est de ton côté tandis que tout est très compliqué pour moi. Et comme tu dis, on ne peut pas se parler alors tu as vraiment intérêt à me laisser tranquille, lui déclaré-je d'un ton sec.

- Si seulement tu savais...

Et sans attendre le reste de sa phrase, je franchis la barrière du Collège afin de rentrer chez moi car c'était le renvoi. Je m'achète une crème à la glace avant de prendre un transport en commun. J'espère vraiment que ça va me calmer. La crème et moi, ça a toujours été une grande histoire d'amour. Comme d'habitude, mes parents ne sont pas encore rentrés.
C'est tant mieux car je n'ai voulu rencontrer personne. J'essaye de rédiger mon devoir de maths mais je n'y arrive surtout pas. Je passe donc à mes notes de biologie mais sans succès. Ces problèmes de concentration m'étaient inhabituels. Je commence vraiment à m'inquiéter. Je déteste ce sentiment d'incapacité.

Mais bon, ce n'est pas grave. Je vais me détendre un peu et ensuite retourner dans les études plus tard tout en espérant que je réussirai car cette semaine est la période des évaluations à l'école.

Je prends mon téléphone, mes écouteurs et je me rends directe sur le toit. Après ma chambre, c'est mon endroit préféré de notre maison. Le soir venu, j'ai une grave envie de lire un peu. De lire quelque chose de réconfortant. J'ai plein de romans soigneusement rangés sur la table de ma chambre. Mais après réflexion, j'opte pour la Bible. Et je vous invite à faire de même, apprenez à lire la Bible. Je n'appartiens à aucune secte religieuse mais je crois que le monde entier a un Créateur. Mon père m'en avait offerte une pour mes dix ans. À l'époque, ma sœur âgée de vingt-deux ans me lisait un chapitre presque tous les soirs avant de nous coucher.

La Bible s'ouvre dans le livre de Jérémie et je décide de lire le chapitre dix-sept. Les versets cinq à huit captent mon attention et effectivement ça m'a fait du bien. Ai-je détourné mon coeur de mon Créateur ? Suis-je semblable à un misérable dans le désert ? Tant de questions qui me harcèlent. Des questions sans réponses.

_________
Hello ! Vous êtes toujours là à partager la vie de Jenny ? Qu'en pensez-vous de Thierry ? De Kerry ? De Keisha ?
Dîtes le en commentaire.

À bientôt! 😉

Et Si On Se Trompait...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant