𝟗.

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Je frappai à la porte du couvent avec frénésie, mes jointures écorchées jusqu'au sang. La douleur n'avait plus d'importance ; je ne voulais qu'une chose : fuir, me cacher, survivre. La porte finit par s'ouvrir, la lumière d'une lanterne révélant le visage d'une nonne. Sans un mot, elle m'invita à la suivre. Suivant ses pas, je laissai derrière moi une traînée de gouttes écarlates jusqu'à une chambre. Lorsqu'elle me laissa seule, mes jambes cédèrent et je m'effondrai sur le lit, la douleur pulsant dans mes bras. Les larmes coulaient sans relâche alors que chaque moment de cette nuit me revenait en mémoire. Je sentais encore la chaleur de la pince à feu contre ma peau et l'impuissance de me savoir à sa merci.

Quand la nonne revint, elle s'agenouilla face à moi et saisit délicatement mes bras ensanglantés pour les soigner.

« Qui vous a fait ça, Mon Enfant ? »

Je baissai les yeux, incapable de répondre. Une nœud se forma dans ma gorge et les phrases restaient coincés, me retenant prisonnière de mon propre silence.

Revenant au présent, je remontais une manche de ma robe. Les marques blanches et boursouflées, bien qu'anciennes, semblaient prendre vie sous mes doigts alors que je les effleurais.

« Êtes-vous certaine de vouloir vous y rendre ? »

Je laissai retomber le tissu sur mon bras et levai les yeux vers Elise qui posait une tasse sur la table de nuit.

« Vous n'avez pas dormi, n'est-ce pas ? Vous devriez peut-être renoncer à ce bal... »

Je repoussai la couverture et m'assis dans un geste mécanique, ouvrant un tiroir pour en sortir deux fioles : l'une d'opium, l'autre de belladone. Je laissai tomber une goutte de chaque dans ma tasse, observant le liquide s'y mêler en clapotis, avant de répondre d'une voix monotone :

« J'ai parfaitement bien dormi. »

Je savais qu'elle ne me croirait pas et qu'elle ne tarderait pas à me le faire comprendre.

« Althéa... Je sais que je ne suis pas ici depuis longtemps... » elle s'agenouilla devant moi, posant une main sur la mienne. « Mais sachez que, quoi qu'il advienne, je vous serai toujours fidèle. »

Je portais mon attention sur elle, cherchant une faille dans sa déclaration, mais je ne vis qu'une loyauté désarmante que je ne comprenais pas. Je détournai le regard, me rappelant de son arrivée à mon service. Au départ, je l'avais jugée comme un pion de mes frères, envoyée pour rapporter mes moindres faits et gestes. Alors, je m'étais montrée odieuse les premiers mois, multipliant les humiliations et les ordres absurdes afin de la faire partir. Mais elle était restée. Je me souvenais de cette fois où, sous prétexte qu'elle m'avait servi en retard, j'avais renversé ma tasse sur le plateau qu'elle portait. Ou encore de cette nuit où je l'avais laissée attendre des heures sous la pluie, lui donnant l'ordre absurde de garder la porte jusqu'à mon retour.

Elle n'avait pas protesté. Pas une fois.

Elle avait eu mille raisons de partir ou de se retourner contre moi mais elle avait continué à être là.

Qui aurait cru qu'en deux ans, elle deviendrait ma seule et unique amie ? Si seulement je pouvais revenir en arrière pour réparer mes erreurs... Revenir en arrière ? Est-ce cela ce qu'on appelle les remords ? Cette lucidité qui s'éveille lorsqu'on se tient sur le seuil de la mort, contraint d'affronter le poids de ses fautes passées ?

La mort... Quel concept étrange. Elle ne me terrifie plus. Je l'ai frôlée trop de fois pour qu'elle me semble inconnue.

𝐁𝐎𝐑𝐍 𝐓𝐎 𝐃𝐈𝐄Où les histoires vivent. Découvrez maintenant