𝟔.

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Il faisait nuit et le vent battait fort sur les arbres. Je courais jusqu'à perdre l'haleine, mes pieds s'enfonçant dans la boue de la forêt. J'étais épuisée par l'effort mais la peur me poussait plus loin. Toujours plus loin. Impossible de m'arrêter. Mais soudain, mon pied heurta une racine cachée sous des feuilles mortes. Je tombai, ma cheville se tordant sous mon poids. La douleur explosa et un cri étouffé franchit mes lèvres. En me retournant, je vis des hommes se faufiler entre les arbres alors que des aboiements, d'abord lointains, devenaient de plus en plus proches.

« Non, non, non... » murmurai-je. « Pitié... »

Les chiens étaient sur moi en un instant. Leurs mâchoires broyaient mes os, leur salive gluante se mêlant à mon sang qui éclaboussait le sol en une marée épaisse. Je sentais chaque fibre de ma peau céder, chaque lambeau se détacher dans un bruit écœurant, alors que l'odeur métallique de mon propre sang m'emplissait les narines. La douleur, elle, était insupportable —indescriptible.

« Aidez-moi ! » hurlai-je.

Mais il n'y avait personne pour m'entendre.

Alors que des points noirs envahissaient mes yeux, la douleur s'éteignit.

Je me réveillai en sursaut, les draps moites enroulés autour de moi.

Un cauchemar...

Et pourtant, tout mon être tremblait encore.

Une prémonition ?

Je me levai et m'avançai jusqu'à la fenêtre. Là, dehors, la lumière baignait tout —apaisante et douce malgré le froid de l'automne. Le ciel était teinté d'un orange pâle et les oiseaux s'éveillaient doucement à travers les feuillages rouges.

Des feuilles mortes... Comme...

Mes pensées dérivent vers d'autres nuits, vers d'autres cauchemars.

Dans certains, je mourais de manière toute aussi atroce : poignardée dans une ruelle, empoisonnée lors d'un banquet ou pendue. Dans d'autres, j'étais accusée de trahison, ma réputation et mon honneur réduits en miettes devant des tribunaux.

Dehors... Tout semble si différent... Si calme.

Je posai mon index contre la vitre, comme si je pouvais atteindre les althéas bleus en contrebas —ces fleurs violettes que mon père aimait tant. Leurs pétales commençaient à se faner dans une teinte plus pâle, presque grise. Elles se faisaient emporter par le temps, éphémères comme les souvenirs eux-mêmes.

« Mère m'a dit que vous seriez toujours là, quelque part, à veiller sur nous. Mais j'aurais aimé que vous soyez là, à mes côtés, pour me guider. »

Un soupir douloureux m'échappa. J'ouvris la fenêtre et une brise légère envahit la pièce, comme si mon père était là, invisible mais présent. Une larme glissa le long de ma joue, traçant un chemin jusqu'à mon menton. Je l'essuyai d'un geste brusque et refermai la fenêtre d'un coup sec. À ce moment-là, Elise entra.

« Althea ? Vous allez bien ? »

Je m'efforçai de sourire, un sourire bien trop maîtrisé pour être sincère, avant de répondre :

« Oui, tout va bien. »

Avant qu'elle n'insiste davantage, je pris un châle usée qu'il y avait sur le divan et le ramenais sur mes épaules, quittant la chambre. Elise sur mes talons, nous arrivâmes au bureau de Victor. Je parcourus la table du regard et m'arrêtai sur une pile de lettres scellées. Je me penchai sur une, brisant son sceau avant de m'asseoir.

𝐁𝐎𝐑𝐍 𝐓𝐎 𝐃𝐈𝐄Où les histoires vivent. Découvrez maintenant