𝐁𝐎𝐑𝐍 𝐓𝐎 𝐃𝐈𝐄

𝟒.

L'air me manquait. Une chaleur s'étendait sous moi. Mon sang.

« Restez avec moi... »

Des mains se pressaient contre ma blessure, tentant de stopper l'hémorragie.

Le noir.

Le silence.

Puis —

Un souffle arraché au néant.

Mes yeux s'ouvrirent d'un coup.

Il me fallut quelques secondes pour comprendre que j'étais dans ma chambre —en sécurité. Je passai une main tremblante sur mon visage.

Juste un mauvais rêve...

Je m'assis au bord du lit.

Mais pourquoi me semble-t-il si réel ?

La porte s'ouvrit sur mes domestiques. Elise, s'approcha de moi avec un air inquiet, ses yeux marrons s'attardant sur mes cernes.

« Madame, tout va bien ? »

« Oui, ce n'est rien... »

« Souhaitez-vous un peu d'eau ? »

« Oui, s'il vous plaît. Et ajoutez-y une dose d'arsenic. »

Elle versa l'eau dans un verre et fit tomber quelques gouttes de la fiole noire avant de me le tendre. Le liquide froid glissa dans ma gorge, suivi par la chaleur du poison.

« C'est pour votre survie, Sœurette.
Un jour, vous me remercierez. »

Depuis des années, Cesare en prenait une faible dose pour habituer son corps. Cette cure, parfois teintée d'autres plantes, le préservait contre les tentatives d'empoisonnement. Au début, j'avais refusé, terrifiée à l'idée d'en prendre. Mais aujourd'hui, je devais admettre qu'il avait raison. Ces précautions pouvaient me sauver si mes cauchemars devaient se réaliser.

« Pour quel événement me prépare-t-on aujourd'hui ? »

Elise échangea un regard rapide avec les autres avant d'annoncer :

« Vous devez représenter la famille au Vatican pour l'audience du Pape Alexandre VII. »

Le Vatican ?

J'écarquillai les yeux.

Ils sont fous... Pourquoi avoir accepté ?

Je fermai les yeux, tentant de peser le pour et le contre.

Refuser remettrait en question l'autorité de mes frères. Et ça, je ne peux pas me le permettre. Mais accepter, ça revient à trahir l'Empereur. Il n'est pas naïf. Il finira par comprendre et se manifester.

Mais ai-je vraiment le choix ?

Non.

Je n'étais qu'une femme et peu importait ma volonté. Les décisions m'étaient imposées et refuser n'était pas une option sans conséquence. Une désobéissance aujourd'hui ne ferait que renforcer l'emprise de Cesare sur moi.

Il vaut mieux faire ce qu'on attend de moi...

« Très bien. » soufflai-je.

Sans perdre un instant, elles commencèrent à me préparer, ajustant chaque détail de ma robe et des bijoux.

« Nous allons tresser vos cheveux en un chignon bas. Cette coiffure vous ira à merveille. »

Je les laissai faire, le regard rivé sur mon reflet dans le miroir.

Toujours aussi immondes ces toilettes...

Du bout des doigts, j'effleurai les perles cousues sur l'habit, repensant aux rumeurs qui circulaient sur moi.

Et s'il aborde le sujet ? Comment devrais-je réagir ?

Les calomnies à mon sujet ne manquaient pas, mais ce qui me perturbait le plus, c'était celles me décrivant comme un démon. La cause ? Mes yeux violets. Une caractéristique propre aux Borgia depuis des générations. Par le passé, elle avait semé la terreur parmi le peuple, nous jugeant comme des êtres possédés par des esprits malveillants, venues d'un autre monde pour semer le chaos. Ce n'était que des siècles plus tard qu'un prêtre avait dissipé ces croyances, expliquant que cette teinte singulière était autrefois répandue dans l'Ancien Temps, un signe d'une noblesse antique aujourd'hui oubliée.

Les Borgia étaient donc les derniers héritiers de cette lignée. Mais malgré cette explication, les peurs persistaient.

Si ça tourne mal, ils leur suffirait d'utiliser cette excuse. Mon sang. Mes yeux. Mais si je tombe, ils ne s'arrêteront pas à moi. Ils s'en prendront aux miens.

Je dois tout faire pour que ça n'arrive pas.

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