𝟏𝟓.

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Assise dans un fauteuil capitonné près de l'âtre, je laissais mon regard s'égarer dans le crépitement de la cheminée.

« Un seul mot de ma part et je retourne
la société contre vous. Le Pape, votre famille. »

Il a raison... Mais je ne veux pas m'y rendre. Il me faut une échappatoire crédible... Une maladie soudaine ? Trop grossier. Une urgence familiale ? Peu crédible.

Non...

Il faut que ça soit une excuse qui ne laisserait aucune place au doute.

Mon regard glissa sur l'horloge.

Le temps presse.

Puis mes yeux dérivèrent sur le tapis sous mes pieds. Combien de fois ai-je failli trébucher dessus ? Un faux pas à cause du coin relevé et j'aurais pu me tordre la cheville.

Et si... Un accident ? Rien de grave... Une entorse ?

L'idée s'y fraya et j'eus honte de la trouver logique.

Une chute dans les escaliers ? Oui c'est suffisamment brutale pour m'immobiliser, mais pas trop grave. Une excuse parfaite.

Je sentis une vague de malaise m'envahir à cette pensée : Elise. Elle serait la première à m'assister si cela devait arriver. Et si elle venait à se reprocher de ne pas m'avoir mieux protégée ? Je ne voulais pas lui infliger cela...

« Où allez-vous vêtue ainsi ? » m'observa cette dernière depuis l'encadrement de la porte.

Je relevai la tête, chassant mes pensées d'un fin sourire.

« Une nouvelle cathédrale ouvre ses portes aujourd'hui. Il est de mon devoir d'être présente. »

« Êtes-vous sûre d'être prête pour une telle sortie ? Après tout ce qu'il s'est passé, vous avez besoin de repos. »

« Je le dois. C'est une occasion importante. »

Elle s'approcha avant de me tendre une cape brodé de fourrure blanche.

« Faites attention à ne pas attraper froid »

En la voyant là, si attentive envers moi, une boule de culpabilité remonta dans ma gorge, serrant mes entrailles. Dans un élan soudain, je me levai et la saisis dans mes bras, la pressant contre moi pour y chercher du réconfort dans ce monde qui semblait de plus en plus froid.

Je n'ai pas d'autre choix, je suis désolée... Mais...

« Merci. » soufflai-je contre son épaule. « Merci de vous inquiéter pour moi, Elise. »

Peut-être qu'un jour, je pourrais lui expliquer. Mais pas maintenant. Elle en savait déjà assez sur Cesare. Je ne pouvais pas l'exposer à d'autres dangers.

« Il est temps. » déclarai-je en relâchant mon étreinte.

J'enfilai la cape et sortis de la pièce, les pas d'Elise résonnant derrière moi. Le hall se dévoilait devant nous et les domestiques étaient partout. Certaines ajustaient les décorations, d'autres portaient des verreries, des fleurs ou des linges.

C'est parfait. Un accident ici ne passerait pas inaperçu.

Mais plus je m'approchais de l'escalier et plus je sentais la tension monter. Mes mains étaient moites, mes doigts crispés sur le tissu de ma robe. Je ralentis inconsciemment à l'approche des premières marches, mon souffle se faisant plus court.

Je dois me calmer...

Je laissai mes yeux se perdre une dernière fois sur la foule des domestiques à contrebas.

C'est maintenant ou jamais.

Je fis un pas en avant. Puis un deuxième. Je feignis un déséquilibre et mon corps bascula en avant. La panique me submergea —une peur instinctive. Mes mains tentèrent de s'accrocher à quelque chose mais il était trop tard.

Je tombai.

Mon dos frappa une marche, puis une autre, et ainsi de suite. Quand mon corps s'immobilisa enfin, je restais étendue sur le sol. Ma cheville était en feu et je sentais une raideur désagréable dans mon bras gauche. Elise se précipita à mes côtés, les yeux écarquillés, les mains tremblantes alors qu'elle soulevait doucement ma tête. Une autre domestique se pencha à son tour, proposant son aide pour me soulever.

« Ne la touchez pas ! Elle pourrait être blessée plus gravement que nous le pensons. Allez chercher un médecin maintenant ! » ordonna Elise.

Je sentis ses mains serrer les miennes et la culpabilité refit surface.

« Elise... Je suis désolée. »

« Ne dites rien. » repoussa-t-elle une mèche de mes cheveux collée à mon front. « Tout ira bien. »

Ses prunelles descendirent vers sa paume et face à son choc apparent, je suivis son regard. Sa main était tâchée de rouge. Du sang. Une douleur aiguë pulsa à l'arrière de mon crâne. Une douleur que je n'avais pas remarqué, trop focalisée sur les autres.

Mince... J'ai mal calculé mon coup. J'aurais dû descendre encore une ou deux marches...

Mais c'était trop tard.

Je voulais la rassurer, lui dire que ce n'était rien, que tout allait bien. Mais mes lèvres étaient engourdies et ma tête, de plus en plus lourde, se nicha dans sa main. Ma vision se brouilla, les formes autour de moi apparaissant floues. Le froid du marbre se répandit dans mon dos et tout devint noir.

Je perdis conscience.















𝐁𝐎𝐑𝐍 𝐓𝐎 𝐃𝐈𝐄Où les histoires vivent. Découvrez maintenant