⠀La robe, d'un velour noir, dévoilait un décolleté carré. Les manches amples laissaient entrevoir une doublure en soie dorée qui scintillait à chaque mouvement. Sur ma tête, un demi-cercle rigide était assorti à ma tenue. Une poupée parfaite, prête à se donner en spectacle. À sourire, à acquiescer et à charmer sans en éprouver le moindre sentiment, comme tirée par des fils pour mouvoir les mécanismes rouillés de ses articulations. Un vrai patin qu'on admirait de l'extérieur mais jamais qu'on contemplait pour ce qu'elle avait. Peut-être parce qu'il n'y avait rien à considérer à part ce trou béant ? Remplacé si facilement par un sourire figé qui ne l'atteignait guère ?
Alors que les domestiques ajustaient les derniers détails, Sophie entra dans la pièce, une enveloppe à la main. Elle s'avança jusqu'à moi avant de me la tendre.
« Cela vient d'arriver, Mademoiselle Borgia. C'est pour vous. »
Mon cœur manqua un battement en reconnaissant le sceau : le blason de Cesare.
Pourquoi m'a-t-il écrit ?
D'un geste rapide, je congédiai les domestiques. Seule, je m'assis au bord du lit, me sentant soudainement oppressée par la chaleur de la pièce et par ma robe. J'ouvris un des tiroirs de ma table de chevet pour y sortir un petit couteau. Je brisai le cachet de cire avec.
Althéa,
Dans l'enveloppe se trouve le poison que vous utiliserez pour éliminer le Vicomte Francesco Guicciardini. C'est un avertissement pour lui et pour tous ceux qui oseraient se dresser contre moi. Je ne tolérerai aucune défection de votre part.
Malgré tout cela, sachez que je vous aime, Althéa.
Bientôt, nous serons réunis, mais cela dépendra entièrement de vous. Soyez fidèle à notre cause, et je vous promets que nous triompherons ensemble.
Cesare.
Empoisonner ?
Mon regard s'accrocha au nom du Vicomte comme si le simple fait de le lire me marquait à jamais.
Francesco Guicciardini.
Un nom que je n'avais jamais imaginé associer à la mort et pourtant il en faisait désormais parti.
Que suis-je censée faire ?
Je fermai les yeux et l'horreur de cet été me traversa brutalement. Je me souvenais du regard de Cesare, ce jour-là où il m'avait invitée dans sa villa, loin de tout. Loin de tout ce que je connaissais. Loin de ma propre humanité. Le prétexte était simple : me donner une éducation plus raffinée. Mais la réalité de ce que j'avais découvert là-bas était bien plus tordue. Ce n'était pas un enseignement sur la politique ou sur les bonnes manières, mais un bain de sang dans lequel il m'avait noyée.
« Dans ce monde, Sœurette, ce sont les griffes
qui priment. Ne griffez pas, mordez. »Dès le premier soir, il m'avait emmenée dans un endroit clos pour assister à une « exécution ». Un mot innocent, n'est-ce pas ? Mais le sens qu'il recouvrait là-bas, dans l'univers de Cesare, était tout autre.
Le pire n'était pas le sang, ni la douleur que j'avais vue dans les yeux de l'homme qu'il avait tué devant moi. Non. Ce qui m'avait déstabilisée, c'était la facilité avec laquelle il l'avait fait, comme si cette assassinat n'était qu'un détail insignifiant. Il ne ressentait rien. Pas de pitié, pas de remords. Juste cette froideur comme si son âme était morte depuis longtemps. À ce moment-là, j'avais compris que, pour lui, la vie humaine n'était qu'un moyen de parvenir à ses fins.
VOUS LISEZ
𝐁𝐎𝐑𝐍 𝐓𝐎 𝐃𝐈𝐄
FantasyL'histoire l'a salie. Les siècles ont terni son nom, l'accusant de tous les crimes. Le passé l'a réclamé. Non pas pour laver son nom, mais pour devenir exactement ce qu'on craignait d'elle. « Pourquoi viser la rédemption ? Ils ne méritent pas que je...