Pourquoi avais-je agi ainsi ?
Je l'ignorais. Quand j'avais vu cette jeune femme dans cette sombre et étroite ruelle, j'avais eu un mauvais pressentiment. C'était insensé de vouloir se promener ici. Les rues étaient sales. Une odeur de pourriture flottait dans l'air, s'accrochant à la peau. Et le long des murs, des hommes et des femmes à demi conscients mendiaient de la nourriture et de l'eau.
Je me cachais derrière des draps blancs qui séchaient au soleil, sur un balcon de For'Royal. Je surveillais la situation. Cette jeune femme ressemblait à un ange marchant au milieu des portes de l'Enfer. Elle avait une démarche assurée, s'arrêtant parfois auprès d'un enfant ou d'une femme pour leur donner quelques pièces.
Derrière elle, un homme se déplaçait de façon suspecte, se rapprochant à chaque fois qu'elle s'arrêtait auprès d'un habitant. Il semblait aux aguets et sa main était crispée sur le pommeau d'une épée mal cachée.
J'étais méfiant de son manège car il y avait eu beaucoup assassinats dans la capitale ces derniers temps, surtout contre le peuple des Hommes. Je sautais sur le balcon le plus proche, pour me retrouver juste au-dessus de lui. C'était un elfe assez âgé à en juger par ses traits tirés et ses cheveux argentés. Cependant il lui était difficile de camoufler son extraordinaire musculature sous son manteau.
Un garde du corps ? Un soldat en mission ?
Soudain il se rapprocha de la fille et lui saisit le bras fermement. Surprise, la jeune femme laissa tomber par mégarde sa bourse. Le bruit des pièces résonna un instant. Un lourd silence s'installa. La tension monta. Puis tout à coup un homme hurla des mots incompréhensibles et tous les mendiants de la rue se ruèrent vers l'or. L'un d'eux heurta violemment l'étrangère et j'assistais, terrifié à la scène qui s'ensuivit. Le vieil elfe dégaina son arme en un éclair et décapita le premier venu. Son visage exprimait une profonde colère, mêlé à une sorte d'inquiétude. Il poussa un hurlement et pourfendit un autre mendiant. Puis un autre. Et encore un.
Je restais pétrifié devant ce spectacle d'horreur et je cherchais désespérément une solution.
Tous se ruaient sur les quelques pièces éparpillées au sol, le regard hagard, indifférents au carnage.
Réfléchis !
Une femme évita la lame destinée à lui ôter la vie en trébuchant. L'Elfe ne montra aucune pitié et enfonça immédiatement l'épée dans son cœur.
Réfléchis !
Les cris de douleurs des malheureux pourfendus résonnaient dans ma tête. L'odeur répugnante de la mort envahissait mes narines. Je fus pris d'un puissant haut-le-cœur que je retins de justesse.
« Ce n'est pas le moment de flancher ! », pestais je à voix basse.
Réfléchis !
Je scrutais les alentours à la recherche d'une solution, mais rien ne semblait pouvoir m'aider.
« Je perds du temps bon sang ! » songeais je.
Je devais prendre une décision. Soit, je prenais la fuite par les toits et je rentrais chez moi. Soit, je courais vers le poste de garde et je tentais d'arrêter le carnage.
Suis-je vraiment lâche à ce point ?
Le corps crispé, je me penchai sur le garde-corps et observa les environs. J'eus tôt fait de repérer le poste des officiers de quartier à proximité.
Étonnant qu'ils ne soient pas encore intervenus avec tout ce raffut.
Enjambant la barrière devant moi, je me hissai sur le toit avec agilité. Connaissant bien les lieux, je me déplaçai rapidement et sûrement, sautant d'une maison à l'autre.
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Le Destin d'Aëdan [Original Story]
FantasíaAutrefois grand sage et aujourd'hui jeune homme, Aëdan fait face à ses erreurs du passé. S'engageant auprès des monarques, partant explorer le monde ou se ralliant à un mouvement contestataire et révolutionnaire, le jeune garçon ne cesse jamais de s...