Prologue

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Les indices parfois, n'attestent que d'une vérité qu'on a bien voulu orchestrer...

Quelques minutes avant minuit...

— Il est mort.

— Vous en êtes certaine ?

— Je ne sens plus son pouls.

À peine avait-elle terminé sa phrase, que Minerva éclata en un sanglot aussi bref que sonore, ce qui rajouta une couche d'invraisemblable à la situation. Notre hôte avait quitté le dining room pour récupérer les mystérieuses lettres de Monsieur Morne, à peine dix minutes plus tôt et Minerva sa compagne, en avait profité pour aller prendre une aspirine afin de vaincre ce « maudit mal de tête » qui la gagnait. Victor Violet était sorti s'en griller une pendant que Diane Blanc se repoudrait le nez et qu'Eleanor se faisait couler un thé dans la cuisine. Moi, j'étais restée dans le living room, cherchant à m'isoler un peu de cette douteuse compagnie pour consulter ma messagerie. Moutarde et Olive s'étaient servis un martini au salon et avaient continué à se chercher des poux, convaincus l'un et l'autre, que leur hypothèse respective à propos de l'identité de Monsieur Morne était la bonne. Olive aurait parié sa maison que c'était Pennybags lui-même alors que Moutarde y voyait là, l'intervention d'un ancien et proche collaborateur de feu Monsieur le maire. Moi, j'y voyais un esprit on ne peut plus malin, on ne peut plus perfide et capable d'effrayer avec sa plume l'ancien maire de Monopolys, mais aussi Victor, un riche et arrogant propriétaire hôtelier ainsi que son odieuse maîtresse riche elle aussi. Un ancien collaborateur ? Peut-être...Ou alors un observateur tapi dans l'ombre qui avait attendu le bon moment, d'avoir les bonnes informations pour agir.

C'était frappant, évident. Quoi d'autre que l'argent ou une rancœur très vive, pour motiver le corbeau et qui d'autre qu'une personne suffisamment proche et habitant cette ville, pour connaître les recoins sombres de la vie de chacun... Mais l'identité de Monsieur Morne demeurait encore énigmatique et était venue en quelques minutes, alimenter tous les fantasmes. Nous allions passer au salon pour le digestif que la gouvernante s'apprêtait à nous servir quand soudain, des hurlements stridents émanèrent de l'étage. Grimpant les escaliers quatre à quatre, nous n'avions pas tardé à découvrir dans le bureau aux allures de bibliothèques, Beckie qui de toute évidence, s'était retrouvée nez à nez avec son patron, raide comme un piquet. Elle se tordait sur elle-même en malaxant nerveusement son tablier de soubrette, tandis que nous autres peinions à croire ce que nous avions en face des yeux. Pennybags était à terre, inanimé. Mort. Diane Blanc était tombée à la renverse, mais Violet l'avait saisie avant qu'elle ne s'éclate la tête au sol. Il l'avait attrapée par le derrière, deux grosses fesses charnues que je soupçonnais d'être siliconées comme ses lèvres. Il l'avait ensuite assise dans un fauteuil en lorgnant son énorme poitrine qui lui était à priori familière et qu'un décolleté vertigineux dévoilait généreusement. Nous étions tous stupéfaits par cette découverte macabre et nous nous interrogions les uns les autres du regard silencieux, incapables d'émettre la moindre parole intelligible. Minerva Orchid, penchée sur le corps de son vieil amant, tourna la tête en direction d'Eleanor Pervenche qui n'avait elle non plus, pas encore pipé mot. La jeune femme avait essuyé d'un revers de main, quelques larmes échappées de ses grands yeux, d'un bleu acier à vous figer sur place. Elle avait ensuite croisé les bras sur sa fine taille et laissé son regard se perdre à travers la bow-window, dans l'obscurité du jardin qui paraissait être hanté par des créatures de l'enfer. Les branches des arbres, tels des bras difformes et monstrueux, s'animaient sous les bourrasques du vent et de la pluie. Si beau de jour, le parc ressemblait maintenant à un théâtre des horreurs.

L'imposant septuagénaire d'un mètre quatre-vingt-dix gisait sur le sol, face contre terre. Près de sa main gauche, un verre de whisky irlandais comme l'indiquait la bouteille à moitié vide, posée un peu plus loin dans la pièce, s'était renversé sur le parquet. Il avait dû rouler lors de la chute de Pennybags. Je m'étonnais qu'il ne se soit pas brisé, probablement du cristal hors de prix comme tout dans cette demeure. La situation était inconcevable. Un homme qui reçoit chez lui des gens qu'il ne semble pourtant guère apprécier et moi, une relative étrangère à cet environnement et dont la présence n'était toujours pas justifiée et ne le serait peut-être jamais. Une mort, la sienne ! ... Je commençais à me demander s'il ne s'agissait pas d'une blague douteuse au final. L'une de ces caméras cachées qui passent au zapping télé pendant les fêtes de fin d'année ou peut-être une mise en scène pour mon premier passage chez Ellen Degeneres ? Bon ma grande...Reste calme, tu n'as pas encore été sollicitée par la présentatrice la plus excentrique du PAF, alors ton hypothèse tu peux l'oublier direct... Mais en de pareilles circonstances, je pouvais m'autoriser un peu de cynisme, sinon beaucoup d'espoir... Qu'est-ce que je faisais là et dans quel traquenard m'étais-je aventurée ?

Une Soirée Lourde de ConséquencesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant