Chapitre 4

5 0 0
                                    


Une fois la salle de livraison des bagages quittée, j'ai tout de suite trouvé Georges Woldorff, le majordome d'Edouard Pennybags. C'est comme cela qu'il s'est présenté à moi, brandissant le panneau dont m'avait parlé son employeur quelques heures plus tôt, à l'intention de la « passagère Pervenche ». Une fois les salutations et autres politesses effectuées, j'ai accepté avec la plus grande méfiance, de lui confier ma valise adorée Louis Vuitton, achetée avec l'un de mes premiers cachets et contenant le nécessaire journalier pour trois jours et une robe du soir en viscose naturelle de couleur vermeille, que je n'avais encore jamais portée.

Avec soin, il la déposa dans le coffre de la Porsche Cayenne qui nous attendait sur le dépose-minute, à proximité immédiate de l'aéroport.

— Je suis désolé ma chère, je vous presse un peu ! C'est que nous n'avons pas le droit de rester plus de quelques minutes sur ces emplacements de malheur ! Pour peu que vous ayez une grosse voiture et c'est l'hécatombe, on vous tombe dessus en moins de deux ! s'énerva soudain mon chauffeur, un colosse à la barbe blanche, d'un mètre quatre-vingt de long, pour environ quatre-vingt-cinq kilos et d'une soixantaine d'années environ.

Malgré son emportement soudain, il émanait de lui beaucoup de gentillesse et de tempérance. Ses grands yeux dorés, les quelques poils encore roux dans sa barbe et dans ses sourcils touffus, ainsi que quelques taches de rousseur sur sa peau sillonnée par le temps, me laissaient penser à des origines d'outre-Atlantique, irlandaises peut-être...

— Aucun problème Georges, j'ai hâte de me rafraichir pour être honnête avec vous !

— Très bien Madame, je vais prendre le chemin le plus court. Si pendant votre séjour, vous souhaitez toutefois partir en balade à Monopolys ou même à la Nouvelle-Orléans, sachez que je suis à votre disposition. Il fait toujours bon d'aller se balader un peu au vieux carré n'est-ce pas ? Et sur ces mots, il me tendit une carte professionnelle avec son nom et son numéro de téléphone que j'accueillais avec un certain enthousiasme dans le creux de ma main. Peut-être le solliciterai-je avant de repartir...N'avais-je pas encore au moins une chose à régler ici ? Rita Jones n'aura pas forcément été d'accord, mais je sentais qu'il restait encore un caillou, qui empêchait la fermeture définitive de la porte du malheur.

— Je vous remercie Georges, je n'hésiterai pas !

*

Nous avions quitté l'autoroute au bout de quinze minutes et rapidement, je retrouvais les paysages verdoyants et typiques de la région, tels qu'ils étaient restés figés dans ma mémoire. Les champs qui débutent au bord d'une route et qui semblent ne jamais prendre fin, les marécages aux cent nuances de verts, qui abritent une faune incroyable, des grenouilles et des poissons en tout genre, mais surtout des mythes et des légendes à vous faire frissonner, reposant sur d'anciennes croyances de magie noire et de rituels vaudou, de sacrifices humain ou animal, une fois la nuit tombée. On dit même que les terres par ici sont imbibées de sang et que si l'on creuse à plus d'un mètre de profondeur, on y découvre une boue humide et de couleur pourpre ! Personnellement je n'avais jamais rien vu d'anormal, sinon la cruauté de certains individus du coin, tel que le frère de mon père...mais la méchanceté semblait être un trait de caractère inhérent à la nature humaine. Pour bon nombre de spécimens en tout cas.

Les images défilaient devant mes yeux devenus ceux d'une touriste, mais assez vite tout se refaisait plus précis, plus familier. Les balades en solitaire sur les flancs de la colline, quand les cris résonnaient à la maison et que les coups partaient pour tout ou rien. La première fois volée, arrachée, prise de force...dans une vielle Ford Fiesta rouge, l'odeur de tabac froid sur les tapis et la moquette...Sean que j'avais fréquenté ensuite en première année de lycée et qui avait su « réparer » un petit peu, trois ou quatre mois et puis son départ pour la fac...qu'était-il devenu celui-là ? Il faudrait que je le recherche sur Facebook, juste comme ça par curiosité. Je repensais aussi à la fois décisive où j'avais résisté enfin et retenu le bras de mon père, puis rassemblé le peu d'affaires que j'avais et passé la porte, pour ne jamais plus la franchir depuis.

Une Soirée Lourde de ConséquencesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant