Une Soirée Lourde de Conséquences

Chapitre 2

 Notre histoire avait commencé onze mois plus tôt, chez Giovanni & Gelato, un glacier nouvellement installé sur Melrose. Comme l'aurait suggéré une comédie romantique avec Alyssa Milano dans le rôle de la gentille beauté en mal d'amour et Jude Law dans le rôle du don Juan malgré lui...Sauf que je n'avais rien d'une gentille beauté en mal d'amour et qu'il n'était pas l'un de ces poètes maudits aux yeux de cocker qui vous supplient de les tuer et de les épouser en même temps. Et qui plus est, Luca n'est pas blond comme l'est l'acteur britannique, mais d'un brun ardent...envoûtant. Je sortais d'une audition et m'étais arrêtée devant cette jolie devanture qui m'était jusqu'alors inconnue. Les couleurs pastel des crèmes glacées et la décoration à l'intérieur, raffinée et emprunte d'une incroyable volupté, à l'instar de celle que l'on pouvait retrouver dans les boudoirs français ou italiens, m'avaient incitée à pousser la porte de ce paradis pour gourmands. Je n'avais pas l'intention de me laisser tenter, mais je salivais devant chacun des bacs de douceurs et la serveuse derrière son comptoir, s'amusait de mon émerveillement, similaire à celui d'une petite-fille qui serait entrée chez le marchand de bonbons. Elle était grande, robuste et rousse ! Une imposante masse de cheveux bouclés encadrait son visage joufflu et bienveillant, dont les joues saupoudrées de blush laissaient penser à deux belles pommes d'amour à croquer. D'une cinquantaine d'années environ, elle portait un joli chemisier rose, un peu trop juste pour les rondeurs qui lui encerclaient la taille et ses seins lourds, qui avaient dû probablement nourrir un ou deux marmots de ma génération.

Cette femme était née pour faire plaisir, c'était inscrit sur son visage. Impatiente de me faire découvrir ses petits bouts de bonheurs glacés, elle peinait à contenir son excitation et se dandinait sur un pied comme-ci elle était sur le point de lâcher prise, sur une envie d'uriner qui lui maltraitait la vessie depuis un moment !

— Bon ! Qu'est-ce que j'vous sers ma jolie ? me demanda-t-elle en jubilant

— Rien pour le moment...Merci. C'est juste pour le plaisir des yeux !

— Oh...vous êtes trop raisonnable ! On n'a qu'une vie ! Allezzzz !

La joie qui illuminait son visage battait en retraite. Les deux yeux malicieux qui se fermaient presque lorsqu'elle souriait cherchaient maintenant un peu de pitié, un espoir auquel se raccrocher. Ils imploraient ma clémence, une révision de mon verdict. J'étais enrobée par la bonté qui émanait de cette barba papa sur pattes, plongée dans un univers de tendresse, saupoudrée de gentillesse. Incapable de lui causer davantage de déception, je cédais à sa requête un peu maternelle de me nourrir et pas plus en mesure de garder pour moi la pensée qui m'avait traversé, je lui dis qu'elle me faisait penser à un mélange de Kathy Bates dans Titanic et de la mère de Ron Weasley dans Harry Potter, ce qui l'a fît exploser de rire : « Ahhh z'êtes une marrante vous ! Merci, ma jolie, même si je m'demande si vous n'avez pas reçu un coup sur la tête ! Enfin je prends le compliment, ce n'est pas souvent qu'on m'en fait ! Bon elle a choisi ? Avec cette taille de guêpe, dvez pas en manger souvent de la glace ! Puisque c'est la première fois que vous venez, je vous l'offre ! ».

Je m'étais amusée de son enthousiasme et m'était demandé si elle avait réellement une famille et quel genre de mère elle pouvait être. Une bonne probablement. Une fois sûre de mon choix, je lui ai commandé une coupe fraise vanille quand une voix douce et suave s'est exclamé derrière moi :

— Vous êtes trop prudente ! Essayez plutôt un mélange violette et lavande ! ». En me retournant, je découvris un homme très beau, très grand, les cheveux bouclés et noir de jais, la barbe naissante et une fossette sur chacune de ses joues, qui accentuaient la malice de son regard rivé sur moi.

— Est-ce que je peux vous faire confiance ? Montrez-moi votre badge d'expert en parfum de crème glacée ! lui rétorquais-je en feignant la méfiance.