Chapitre 16

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À bonne distance de Monopolys et des événements qui étaient venus troubler le calme apparent de la ville, dans une petite bourgade de la grande périphérie de Phoenix, Christian Brunett contemplait le crépuscule qui avait pratiquement achevé de dévorer le ciel du deuxième jour de l'été. Les jours allaient maintenant raccourcir, longuement, mais surement, et la machine s'inverserait à la fin du mois de décembre...La même chanson, chaque année. Christian aimait le changement des saisons. Il voyait de la beauté dans chacune d'elles. L'été offre son lot d'aventures insolites aux jeunes enfants et de nuits torrides aux amoureux. Des baignades dans les lacs et des parties de pêche qui commencent à l'aube et qui se terminent quand le voile de la nuit incite les poissons à aller se coucher ! L'automne colore les arbres de couleurs spectaculaires et offre aux randonneurs des paysages à couper le souffle, quant à l'hiver...C'est l'occasion pour les familles de se réunir autour d'un bon feu de cheminée et de resserrer les liens. De faire des bonshommes de neige et de boire du chocolat chaud en contemplant l'arbre de Noël, qu'on attend avec impatience d'aller choisir chaque année, si jamais on ne leur préfère pas l'un de ses modèles synthétiques qui passent onze mois sur douze rangés dans un coin du garage et qui ont pour seul avantage, de ne pas perdre leurs épines. L'hiver c'est le moment de graver des souvenirs que les enfants raconteront à leurs enfants, qui les raconteront aux leurs. Des souvenirs qu'on appellerait au bout de quelques années, des traditions, mais encore faut-il avoir une famille pour ça. Au printemps, tout revient. La vie dans les parcs et sur les terrasses des restaurants, les petits oiseaux et les tee-shirts à manches courtes et puis tout renaît aussi. La nature et l'espoir.

C'est la même chose pour Christian. Ses humeurs sont changeantes, comme les saisons. Parfois il est heureux de la vie qu'il mène, dans ce beau chalet en bois, à bonne distance de l'agitation de la ville et de surcroît, acquis pour une bouchée de pain et parfois non. La seule différence, c'est que Christian ne trouve jamais rien en son existence qui lui donnerait matière à s'extasier. Il vit, c'est tout. Ça fait longtemps que l'euphorie et l'impatience de voir arriver les anniversaires ou les fêtes de fin d'année ne font plus partie des émotions qu'il ressent. Christian se contente d'aujourd'hui, éventuellement de demain. Bon, il apprécie les crépuscules et surtout les nuits du mois d'août, où les étoiles filantes paradent dans le ciel à découvert...C'est déjà ça, c'est déjà attendre quelque chose de la vie...

Ruffus en demandait toujours plus ! Ce chien pourrait passer toute sa vie dehors lorsqu'il fait beau, par contre les jours de pluie, c'est à peine s'il pointait le bout de sa truffe dehors, à peine quelques secondes pour faire ses besoins. Christian regardait son compagnon renifler bruyamment quelques fleurs sauvages et bientôt se mettre à les manger. Il est marrant ce chien, il est entier.... Les animaux le sont, mais pas les Hommes. Les Hommes sont perfides et usent de stratagèmes pour arriver à leurs fins. Christian l'avait compris, il y a bien longtemps déjà...Pas loin de trente ans en arrière. C'est en même temps d'ailleurs, qu'il avait perdu le goût pour les choses, « l'extase ».

Aller...Il était temps de se mettre au lit. S'il commençait à se mettre à penser, il serait bientôt hanté par les fantômes du passé et jamais il ne trouverait le sommeil. Il les connaissait bien ces nuits sans sommeil et ce qui suit ensuite. Des journées plus monotones que les autres, car la fatigue accentue la tristesse. Oui, il était vraiment temps d'éteindre la lumière ! Christian frappa dans ses mains et siffla juste après, « aller mon gros, on rentre ! ». Le dogue allemand fît mine d'ignorer son maître, mais au deuxième sifflement il su qu'il ne fallait pas pousser le bouchon trop loin et s'élança en direction du perron, se stoppant en haut du perron en attendant, la gueule ouverte et l'air un peu ahuri, son maître qui le suivait avec une allure plus modérée. Une fois à l'intérieur, Christian remplit de croquettes la gamelle de son chien qui remua la queue en signe de reconnaissance et qui attendit que son bienfaiteur s'éloigne un peu pour tout engloutir. La dernière mission de la journée était accomplie. Christian gagna sa chambre, plia ses vêtements et les déposa sur une chaise don le dossier était déjà recouvert d'un pull-over. Il se glissa sous les couvertures, les remontant jusqu'à ses épaules. En journée, les températures avaient beau frôler les quarante degrés, Christian avait toujours froid la nuit et ses couvertures étaient la seule façon qu'il avait de se réchauffer. Avant d'éteindre la lumière, il regarda son portrait, comme tous les soirs depuis vingt-sept ans. Elle était là, près de lui sur la table de chevet, rayonnante pour l'éternité. Il n'avait jamais cessé de l'aimer et n'avait jamais rien pu construire après elle. Les autres n'avaient été que des pâles substituts...Seulement pour l'hygiène et quelques soirées restaurant et cinéma. Il avait arrêté les autres depuis un moment d'ailleurs, il n'en avait plus besoin...Plus de libido ni même d'entrain pour les rendez-vous pseudo-galant. Puis ces pauvres femmes ne méritaient pas ça. D'attendre un éventuel changement qui n'arriverait sans doute jamais. Si seulement les choses avaient été différentes...Si seulement Phyllis était encore vivante. Il l'aurait emmenée loin de Monopolys et du démon qui en avait pris le pouvoir pendant des années ou alors, ils seraient restés pour ne pas perturber la jeune Eleanor, mais ils auraient fait front face à Pennybags. Si seulement il avait eu plus de courage à l'époque. Ça en faisait des « Si », en tout cas le résultat était le même. Il ne pouvait que fantasmer une autre réalité où elle serait toujours là et où Il n'aura plus jamais froid nulle part. Aux pieds, comme au cœur.

Une Soirée Lourde de ConséquencesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant