Vendredi 5 octobre, 01h40.
Les pièces n'arrivent pas à pénétrer à l'intérieur de la fente métallique. Ma main tremblante sous la fatigue les fait se heurter systématiquement contre l'ouverture du distributeur. Il me faut plusieurs bonnes dizaines de secondes pour parvenir à mes fins. La machine grisâtre se met par la suite en route après que j'ai rentré les trois petits numéros indiqués sous une bouteille de cola. Je patiente en laissant vagabonder mon regard autour de moi.
Sieg discute avec son père dans l'entrée du hall de restauration de l'hôpital, un peu plus loin. C'est à peine si je distingue leurs formes dans l'encadrement lumineux de la porte massive en bois. Toutes les tristes lumières froides de l'hôpital font monter le stress en moi, j'ai ainsi demandé à m'écarter des deux hommes quelques instants pour reprendre mon calme et boire quelque chose. Et pourtant, l'atmosphère angoissante du lieu ne fait que grandir.
Le silence est pesant. Les murs sombres, la nuit passant au travers des fenêtres, le carrelage glacial. Tout devient toujours plus silencieux. Même la seule source de lumière, représentée par la faible lueur du distributeur, est terrifiante. De temps en temps, de lourdes voix remplies de douleur émanent des chambres proches de moi, essayant de me rappeler la réalité de l'endroit. Lorsque je les cherche des yeux pour trouver leur provenance, je ne tombe que sur de longs couloirs ténébreux. Au fond d'eux, j'aperçois toujours deux petites taches rouges, similaires à des yeux me fixant, qui représentent les portes d'évacuation. Je comprends mieux pourquoi les hôpitaux sont souvent pris comme décor dans les films d'horreur.
La bouteille de cola s'écrase au fond de la machine dans un bruit fracassant, m'extirpant brusquement de mes pensées. C'est un putain de cauchemar éveillé que je vis. Je ne peux une fois de plus retenir mes larmes de couler le long de mes joues en ramassant la bouteille. C'est trop dur pour moi. Je n'ai pas la force mentale requise pour vivre tout cela seul et faire comme si tout allait bien. Et pourtant. On me le demande tous les jours. D'être fort devant Jean, qui vit une relation et une rupture avec une autre alors que je l'aime. D'être là pour lui alors qu'il ne l'est pas pour moi. D'être ici pour soutenir Ymir et lui sourire, alors qu'elle vient d'avoir un accident. De ne pas pleurer devant elle, de ne pas l'inquiéter, alors qu'elle est reliée à des tubes et machines. On me demande de lui mentir en la regardant droit dans les yeux, de lui dire qu'Historia va bien, alors que cette dernière est toujours en soin intensif, entre la vie et la mort.
Merde. Je n'en reviens toujours pas. Ymir et Historia devaient juste nous rejoindre en voiture pour passer un bon moment à la fête foraine. Un putain de bon moment, et rien d'autre. Il fallait forcément qu'une voiture grille un stop sur leur droite et les percute de plein fouet. Historia, sur le siège passager, fut la plus touchée des deux. Je ne l'ai pas encore vu, son état est trop grave. Fais chier.
Je retourne vers les Jaeger sans aucune conviction. C'est le balancier de l'horloge, berçant d'un cliquetis glacial chaque espace du sombre couloir, qui m'impose à lui seul un rythme de marche que mon corps de plus en plus ensommeillé peine à soutenir. J'en viens même à trébucher en arrivant à leur niveau, Sieg se précipitant pour me soutenir.
- Allez, tout va bien, je suis là pour toi, me glisse le garçon alors que ma tête repose vers son cou.
- Marco ? m'interpelle monsieur Jaeger.
Le ton légèrement surpris dans sa voix montre son étonnement face à la proximité de son fils ainé avec un autre garçon. Eren a fait son coming-out, mais Sieg... rien n'indique cela, au contraire. Même à moi, le blondinet n'a jamais rien indiqué.
- Ymir vient de se réveiller, enchaine le médecin, elle est plutôt bien consciente de ce qu'il se passe. Elle ne gardera probablement aucunes séquelles de l'accident d'après les premières autopsies qui viennent de nous parvenir. Elle souhaite te voir, seul.
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ORION (Jarco)
FanfictionMarco est un garçon timide qui fait sa rentrée en terminale. Alors qu'il pensait faire une année banale comme toutes les précédentes, une succession d'évènements imprévus pousseront le jeune garçon dans des situations difficiles où il devra prendre...