VII. Tatie Bertha

617 48 3
                                    

Le week-end approchait à une allure surprenante. C'est là qu'on se rend compte que nous n'avons pas le contrôle sur le temps. Ni sur notre entourage d'ailleurs. Mégane avait une humeur lunatique que je ne comprenais pas. Mike n'avait pas fait allusion à la fête de samedi. Steeve et Alysse m'ont juste affirmé qu'ils y seront.
Aujourd'hui c'est vendredi, et je termine toujours assez tôt ce qui me laisse le temps de rendre visite à Tatie Bertha. Je laissai mes amis en plan sans leur préciser où je me rendai.
Tatie Bertha est une femme incroyable. Je la connaissais depuis que j'habitais ici, donc depuis un long moment. Je la considérais comme ma tante. C'est une vieille dame antillaise qui demeure seule chez elle. Pas grand monde, à part ses enfants - qui habitent loin - viennent la voir. Elle adore quand je lui rends visite pour lui raconter mes mésaventures autour d'un thé et d'une part de gâteau traditionnel de son pays, la Guadeloupe. Je lui demande souvent de me raconter sa jeunesse. Je me retrouve en elle. À elle seule, elle représente un livre passionnant.
Tante Bertha a un pouvoir, qu'elle libère du bout de ses doigts sur un mobilier appelé piano.
Tantôt ses doigts volent, ralentissent, s'appuient violemment ou doucement sur le clavier. Quand elle exerce son pouvoir, tante Bertha est possédée et moi, je reste sans cesse subjuguée devant une tel maîtrise. Quand je lui ai demandé de m'apprendre à jouer du piano, elle accepta volontiers, des étoiles dans les yeux.
Je toqua assez fort à sa porte pour qu'elle puisse m'entendre. Puis je discernai une voix à l'accent créole :
- Entres Mélanie, c'est ouvert. Je t'attendais.
- Comment pouvez-vous savoir que c'était moi?, la questionnai-je en refermant la porte derrière moi.
- Arrêtes de parler et viens t'assoir, le gâteau va refroidir.
Je souris et vins m'assoir en face d'elle, une petite table entre nous sur laquelle était joliment dressée un gâteau.
Tatie Bertha avait une robe à fleur et elle avait coiffé ses cheveux gris en chignon. Elle était assise dans sa chaise bascule et sirotait son thé pendant que je lui racontais le comportement étrange de Mégane et que samedi j'étais invitée à une fête. Évidemment, je lui précisa qu'il y aurai Mike ce qui m'a valu un haussement de sourcil de sa part. Quand je lui annonçai que j'allais déménager elle faillit s'étouffer avec un morceau de gâteau.
- Tu me manqueras ma petite, dit-elle avec une certaine émotion dans la voix.
Une larme glissa sur ma joue.
- Oh non! Tu vas me faire pleurer bon sang! me gronda-t-elle gentiment.
On rigola toutes les deux. Ensuite elle me proposa d'apprendre une musique au piano "River Flows in You" de Yiruma. Cette musique est tellement belle que j'en ai pleuré. Elle me faisait songer à tous les bons passer que j'avais vécu avec Tatie Bertha, et me dire que je la quitterai bientôt m'attristais.
Tatie Bertha ne put se retenir - cette fois-ci - et pleura, en rigolant, égale à elle même.
On avait beaucoup travaillé et il fallait que je rentre.
- Je passerai bientôt, affirmai-je sur le seuil de la porte.
- Si je suis encore de ce monde!
- Ne dites pas ça ! Vous êtes encore jeunes!

Je n'aime pas quand Tatie Bertha dit ça mais en étant réaliste, je sais qu'un jour nous serons séparées.

-

"River Flows in You" de Yiruma : https://m.youtube.com/watch?v=7maJOI3QMu0
Je vous conseille de l'écouter même si je pense que vous l'avez déjà entendu dans des films ou autres.
Merci de lire ma fonction!

La Rebelle du 16ème arrondissementOù les histoires vivent. Découvrez maintenant