XII. "Le chemin de l'enfer."

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Mes membres commençaient à trembler mais je restai coite.
Le policier ignora la question de Steeve et s'adossa à l'encadrement de la vitre pour mieux voir les passagers. Il fixa Margaux et celle-ci lui souria gentiment comme-ci de rien n'était. Mais je connaissais Margaux: elle était autant stressée que moi mais ne laissait rien paraître.
Puis il m'observa. Entre nous, commença un duel de regard. Ses yeux clairs perçaient dans la sombre voiture de façon à ce que l'on croie distinguer un loup. Instinctivement, je baissai le regard vers mes Timberland où à l'intérieur mes orteils gesticulaient nerveusement.
Même si j'avais les yeux rivés sur mes chaussres j'imaginais bien un sourire triomphant s'élargir sur le visage de l'officier de police.
- Alors les jeunes on revient d'une fête? C'est un peu tard, non? Demanda le policier avec de l'amusement dans la voix.
- Oui et non nos parents sont au courant ne vous inquiétez pas. Répondit Steeve avec le sourire d'un ange.
Le policier plissa les yeux comme pour mieux examiner Steeve.
- Et les papiers de cette voiture, vous les avez?
Steeve feignit de tousser.
- Non. C'est un cours trajet alors...
- Et vos cartes d'identité ?
- Eh bien...
Le policier interrompit Steeve de la main, avec un sourire surnois.
- Ah bah là les gars, vous êtes mal barrés.
"Comment ça "mal barrés" ?" Songeai-je terrorisée. Mais je n'étais pas la seule à être en état de panique: Mégane se mordait la lèvre inférieure et Steeve frottait sa nuque en s'agitant sur son siège.
Le policier - voyant l'effet que nous produisait ces paroles - ricana. Tout en ayant les yeux paralysés sur nous, il pris un bloc-note de sa poche où il griffonna rapidement dessus.
"Au mon dieu! Ce ne serai pas une..."
- Voilà! Une petite amende. Annonça le policier en dévoilant toutes ses dents jaunies - sûrement par la cigarette.
Steeve prit lentement le petit papier. Son teint devint pâle en apercevant le prix de l'amende. Mégane se pencha, pour après, pousser un cri en couvrant sa bouche de sa main.
- Com... Combien? Questionnai-je avec hésitation.
Mégane me jeta un regard noir puis reprit sa position initiale, c'est-à-dire les yeux cloués sur la feuille.
- Bah oui les jeunes! Rigola l'agent.
- Mais monsieur! On habite pas loin! On connaît le trajet par cœur! Commençait à s'énerver Steeve.
Mégane pressa sa main sur l'épaule de Steeve.
- Mais tiens donc... Il y a une odeur bizarre... Dit le gendarme en retroussant son nez.
Steeve regardait l'horizon en remuant ses lèvres.
Le policier avança son bras devant le changeur de vitesses. Il saisit un sachet transparent et le secoua, sous le nez de Steeve. C'était un sachet de drogue. Steeve ne détachait son regard de l'horizon.
- Le petit ange est en fait un petit voyou. Ou c'est peut être la p'tite copine... Dit-il en regardant alternativement Steeve et Mégane.
- Non c'est à moi.
Mégane et Steeve se tournèrent d'un coup vers moi.
Je ne me rendais pas compte que je venais de prendre la parole.
- Mais oui, bien sûr.
- Si... Oui c'est à moi. Dis-je avec assurance.
Je m'étonnai moi-même.
Sans raison, le policier se mit à rire avec une tel intensité que l'on aurai dit que je venais de faire la blague la plus désopilante de tout les temps.
Je renversa ma tête en avant, frustrée. J'aurai tenté au moins.
Il fallut patienter quelques minutes pour que ses exclamations cessent.
- Crois moi j'en connais des fumeurs de drogues et toi, t'as pas le profil.
Il soupira puis reprit :
- Bon, vous êtes marrant mais j'ai assez perdu mon temps les jeunes donc vous allez m'accompagnez au commissariat de police.
"Aller au commissariat de police ? Mais c'est impossible!" Angoissais-je.
Le policier prononça ces mots avec une volubilité étonnante.
Après tout, tout les soirs il devait arrêter des jeunes comme nous et avait maintenant pris l'habitude de réciter continuellement la même chose.
À ce moment-là, je souhaitais mourir. Je sais que c'est égoïste et qu'il se passe des choses plus grave dans le monde et que - sans doute - je le méritais, mais à cet instant je ne désirai ressentir aucunes émotions.

- S'il-vous-plait monsieur! S'exclama Mégane les traits du visage déformés et les yeux larmoyants.
- Papa et Maman vous récupérons. Allez hop! Descendez et laissez la voiture ici. J'appellerai une fourrière. Proféra le policier en s'éloignant vers son véhicule.
Mégane attendit que le policier soit à une certaine distance de la voiture pour pleurer à chaudes larmes.
Steeve essayait de réconforter Mégane, mais en vain. Elle reniflait et tirait sa tête en arrière tout en grognant.
Nous descendîmes de la voiture. Il faisait froid et j'avais la gorge sèche. Mais je ne m'en
préoccupais pas car je tentais d'envisager la réaction de mes parents lorsqu'ils me récupéreront au commissariat de police. Ma mère sera la première contrariée et déçue. Très déçue.
Toutes sortes de pensée traversaient mon esprit: "Que vont-ils nous faire là-bas?"; "Et si j'allais en prison? ", etc...

Nous nous installâmes dans le véhicule du policier qui mit la radio sur une chaîne de musiques désuets. De plus, la voiture est très étroite ce qui rendait le voyage très désagréable. Steeve regardait par la fenêtre et Mégane pleurait doucement dans ses bras. Moi aussi, j'aimerai que quelqu'un me rassérène.
Le policier pris son talki walki et parla tout haut en appuyant sur un bouton :
- Je nous ramène des petits agneaux.
Et une voix provenant de l'engin lui répondit:
- Pas de soucis.
Pendant le trajet, le policier chantonnait les mélodies des chansons. Il semblait fière d'avoir attraper "des petits agneaux".
Je me voyais déjà avec une combinaison orange en train de ramasser des feuilles mortes dans la cour de la prison comme l'on voit dans les séries télévisés.
Horrible.

Nous arrivâmes rapidement au commissariat où nous traversâmes un couloir dont les murs étaient dégradés.
"Le chemin de l'enfer." Pensai-je.
On s'assit sur des chaises pour attendre notre sentence.
Une femme - non en uniforme de policier - pris les numéros de nos parents qu'on lui énumèrait. C'était déjà une bonne chose: ils allaient appeler nos parents pour qu'ils viennent nous chercher. Ou peut-être qu'ils voulaient leur annoncer notre entrée en prison...
Puis, elle partie nous laissons seule avec comme seule distraction, le mouvement régulier des aiguilles de l'horloge accrochée au mur en face de nous.
Quelques instant après un homme arriva suivi de deux hommes. C'est le premier qui nous expliqua que nous allions être séparés pour qu'ils nous posent des questions et que selon leur décision ils nous libérerons ou nous garderaient 24h.
J'avais terriblement peur tout comme mes amis - si nous le sommes encore.
Le premier homme était chauve et une grosse moustache recouvrait sa fine bouche. Je n'osais pas le regarder dans les yeux car sinon il remarquerait que je le dévisage.
Il me fit signe de la main de le suivre. Mégane et Steeve était partis avec les deux autres hommes.
On entra dans une petite pièce avec un bureau recouvert d'un ramassis de feuilles et un ordinateur fixe.
- Fais pas attention au désordre. Me dit le moustachue.
Je m'assis sur la chaise en face du bureau. J'étais prête à répondre à ces questions en espérant qu'il me juge avec indulgence.
Pendant qu'il me posait les questions, il tapait sur les touches du clavier de l'ordinateur produisant un son audible.
Je m'évertuai à regarder mon interlocuteur pour d'avantage le convaincre.
Parfois, il me lançait des questions pièges mais je restais invulnérable.
Nous fûmes interrompue par la sonnerie de son téléphone.
Il répondit tout en me regardant. Je le regardais aussi en serrant les fesses pour ne pas rire. Mais la situation était loin d'être marrante.
Il décrocha, me fixa quelques secondes qui paraissaient être des heures.
- Tes parents t'attendent. Je pense que tu connais le chemin de la sortie.
Toutes les émotions que j'accumulaient en moi depuis le début quittèrent mon corps sous forme de larmes. Mais je pleurais de joie, de tristesse, de peur, de tout.
Je me retira du siège et allai faire un câlin au monsieur. Je ne sais pas pourquoi mais je ne contrôlais plus mon corps. Le moustachue parue surpris mais aussi content. Il ne devait pas recevoir beaucoup d'affection.
Je pris mes jambes à mon coup dans le couloir en esquivant - maladroitement - les personnes qui le traversaient.
Dès que j'arrivai - essoufflée - au hall du commissariat je vis ma mère, mon père, en pyjama au côté de Steeve, Mégane et un homme qui ressemblait fort à Steeve et une femme qui tenait Mégane par le bras.
"Le cauchemar n'est pas encore fini" me dis-je à moi-même en apercevant l'expression mécontente sur le visage de mes parents.

La Rebelle du 16ème arrondissementOù les histoires vivent. Découvrez maintenant