Angels can't fly down hell. (BAJI KEISUKE)

Introduction.

Tout me paraissait si lointain. Le son de cette sonnerie qui annonçait le début ou la fin d'un cours. Les rires de quelques élèves, la voix des professeurs, la joie de certains affamés lorsque midi sonnait...Mais aussi les choses moins joyeuses, comme les garçons qui se battaient en sortant de l'établissement, la charge de travail sous laquelle beaucoup manquaient de s'écrouler, ou ces bandes de pestes qui vous regardaient de haut de cette manière toujours plus détestable à chaque fois.

Toute cette ambiance, c'était celle qui régnait dans un établissement scolaire au Japon. L'année scolaire précédente était passée à une vitesse folle. Mes notes se portaient plutôt bien, je me débrouillais toujours pour que tout soit parfait. Je ne me suis sentie ni aimée, ni détestée. Certains camarades m'appréciaient, d'autres non. Je suppose que c'est normal, à cet âge là, on se fait des amis, et des ennemis. Enfin, je parle d'amis... Ces derniers n'ont existé pour moi que derrière les grilles de l'établissement. Les vacances sont passées rapidement, mais je n'ai eu aucun signe de vie de leur part malgré de nombreux messages de la mienne. Je ne devrais donc pas parler de véritables amis, mais de connaissances, ou bien de camarades, à la rigueur.

Une nouvelle année scolaire m'attendait. Je ne me sentais pas surexcitée, pas plus impatiente que ça. Je ne voyais en mon établissement scolaire qu'un lieu de travail. Plus tard, je voudrais travailler dans les langues. Être traductrice, ou terminer professeure... Peu m'importe tant que je peux exercer l'une des langues que j'ai apprises lors de ma scolarité. Enfin pour cela, j'avais encore le temps. Le temps d'en baver, de travailler comme une folle, de passer des nuits blanches à réviser. Tout cela ne m'enchantait pas, ça n'enchanterait personne, d'ailleurs. Mais il fallait que je le fasse, tout cela comptait pour mon futur, au final.

8h30. Je foulais à nouveau les couloirs de mon établissement. Rien n'avait changé, et puis au fond ce n'était pas plus mal, je n'aimais pas perdre mes habitudes. J'appréciais m'asseoir sur ce banc que personne n'utilisait pendant les pauses. J'y étais tranquille, et je pouvais simplement écouter de la musique sans être dérangée. Enfin bon, il n'était pas question de pause pour le moment. Une nouvelle classe, de nouveaux camarades, de nouveaux professeurs, mais surtout un programme plus chargé que l'année passée. Voilà ce qu'il m'attendait. Mon installation s'était faite rapidement : une table au hasard au milieu de la salle, je n'étais pas difficile. Je ne cherchais pas à être devant ou derrière à tout prix. Tant que je pouvais écrire correctement et entendre mon cours, tout m'allait parfaitement.

Les cours avaient débuté. On nous avait distribué quelques programmes, quelques livres, et nos emplois du temps avaient été donnés. Je n'avais pas encore fait attention aux élèves qui m'entouraient. Je ne savais même pas s'il y avait des gens que je connaissais à cause de l'année précédente, et à vrai dire je m'en fichais pas mal.
Pour le moment, mes yeux étaient rivés sur ma feuille, en pleine prise de notes pour cette première heure qui était un cours de Japonais. Puis les heures s'enchaînaient, jusqu'à ma pause de midi. Je ne mettais pas longtemps pour me restaurer. Trouvant qu'il y avait beaucoup de monde à l'extérieur, je décidais simplement de rejoindre ma salle en attendant que les cours reprennent. Je pensais être la seule à faire cela, mais quelle fut ma surprise lorsque je fis coulisser la porte de la salle, et que mes yeux se posaient sur ce jeune homme grossièrement tiré sur quatre épingles. Il était installé à la table qui se trouvait juste derrière la mienne. Une boite de repas dans laquelle j'arrivais encore à compter trois Onigri était posée sur cette dernière, pendant qu'il semblait manger avec appétit, en griffonnant un texte sur une feuille. Il paraissait complètement tendu, comme si sa tenue le dérangeait. En même temps, pour le coup, j'aurais pu comprendre. Ses cheveux qui me semblaient longs étaient attachés de façon serrée, il portait également une paire de lunettes noires et rectangulaires, derrière lesquelles je voyais ses deux iris dorées fixer sa feuille comme si elle allait s'échapper. Il était raide comme un piquet... vraiment, j'avais rarement vu quelqu'un de si peu détendu.

Son visage, sur le coup, ne me disait absolument rien. Peut-être que c'était un nouvel élève? Je n'en savais rien, mais au final, ce n'étaient pas mes affaires. En m'avançant jusqu'à ma place, j'avais pu me rendre compte de cette police d'écriture horrifiante sur sa feuille. En même temps, en étant tendu comme ça, il ne devait pas être facile d'écrire. Mais je pense que ce n'était pas uniquement une question de stress. Non, ce garçon écrivait mal, il n'y avait pas de doute.

Je ne lui adressai pas un mot. Je supposais qu'il ne voulait pas être dérangé alors qu'il était en train de travailler. Je m'étais donc affalée sur ma chaise, sortant une feuille blanche pour dessiner un peu tout et n'importe quoi.
C'était encore le premier jour, je ne me doutais pas de tout le bien et du mal qui allait rythmer ma vie pour les jours, les semaines, les mois, ou encore les années à venir. Il y a aussi une chose que je ne savais pas. Ce garçon tout tendu, assis derrière moi allait être l'un des éléments qui allait changer ma vie. Tout chez lui m'était inconnu. Son nom, son visage, son caractère ou encore son histoire. Pour moi, il n'était pour le moment qu'un élève assis dans mon dos...