Le lendemain, je m'étais rendue en cours, comme à mon habitude. J'avais juste changé un peu de trajet, histoire de ne pas recroiser ces lycéens, si jamais ils cherchaient à se venger. J'avais simplement emprunté des rues plus fréquentées, là où les délinquants trainaient bien moins puisque c'était plus surveillé. La veille, en rentrant, mon père m'avait évidemment posé des questions sur mon retard. Je m'étais justifiée en disant que j'étais restée discuter quelques instants avec mon professeur de mathématiques. C'était faux, bien évidemment, je détestais les maths, et je ne cherchais pas vraiment à m'améliorer dans cette matière. Je ne me noyais pas dans la difficulté, c'était le principal. Je n'aimais pas mentir à mon père, mais il le fallait bien. Il était policier, savoir que je m'étais faite raccompagner par un délinquant après m'être faite agresser par d'autres l'aurait plongé dans une certaine psychose. Je suis même quasiment sûre qu'il refuserait que je rentre seule, et qu'il se débrouillerait pour pouvoir venir me chercher. J'essayais d'éviter de limiter encore plus mes libertés, déjà que je n'en possédais pas beaucoup...
Après la trentaine de minutes de marche qui me séparait de mon établissement scolaire, j'arrivais enfin, portant mon sac sur l'une de mes épaules. Je me rendis jusqu'à ma salle sans broncher, et en entrant, je voyais que Baji était déjà présent. Il n'avait plus cet accoutrement ridicule. Il avait cette fois-ci les cheveux lâchés, les deux premiers boutons de sa chemise étaient ouverts et sa cravate était desserrée, comme hier, quand il allait s'apprêter à se battre. Je pris enfin l'initiative de m'avancer jusqu'à ma table, saluant mon camarade d'un petit signe de main, avant de prendre la parole.
-Yo! T'as déjà abandonné ton nouveau style vestimentaire?
-Salut. Bah en fait...j'étais vraiment pas à l'aise dedans. Alors je me suis dit que même si je gardais mon style d'avant...je pourrais quand même bien bosser! En soi c'est peut-être même mieux d'être à l'aise pour travailler. Avait-il répondu. Même le matin, il avait le sourire, c'était plutôt surprenant, je devais l'avouer. Peu de personnes étaient si énergiques le matin, moi la dernière. J'étais encore une peu dans les vapes d'ailleurs. J'étais bien heureuse que nos cours de sport se passent l'après-midi.
-Je comprends. Être à l'aise, c'est le principal, t'as raison.
-Dis, Rym? On pourra commencer à travailler sur mon écriture après les cours? On pourrait sortir vite fait après, on finit un peu plus tôt...Je me suis dit qu'on pourrait aller manger un truc en travaillant dessus. Enfin, tu le mériterais bien vu toutes les choses que je dois revoir...si tu veux je paye, même! Et puis, c'est si t'as le temps! Il parlait de plus en plus vite, comme si me faire cette requête le gênait.
-Ca serait avec plaisir! Tant que mon père ne connait pas mes horaires, je peux me permettre de sortir un peu.
-T'as un père sévère? Me demanda-t-il directement.
-Ouais...'fin, il aime pas me voir trainer de trop à l'extérieur, ça l'énerve, il préfère me voir en train de réviser. Mais ça va le faire pour ce soir, t'inquiète! Il ne connait pas encore mon emploi du temps alors il ne s'inquiètera pas si je rentre un peu plus tard, faut juste que je calcule bien mon coup. Lui répondis-je en souriant. J'étais une enfant obéissante, certes, mais je savais aussi saisir les occasions qui pouvaient me permettre de me défaire un peu des interdictions de mon paternel.Il hochait simplement la tête, puis les cours débutèrent après que la sonnerie se soit faite entendre. La matinée passait assez vite. Et cette fois-ci, pendant la pause de midi, Baji était sorti de la salle de cours, accompagné d'un blondinet qui semblait avoir un an de moins que moi. J'étais donc moi aussi sortie pour aller manger sur le banc qui se trouvait à l'extérieur, celui sur lequel j'étais assise quasiment chaque midi depuis le début de ma scolarité dans cet établissement. J'avais sorti la boite de repas dans laquelle j'avais mis deux sandwiches faits dans la hâte ce matin, puis je m'étais mise à manger. Pas de bol, aujourd'hui, j'avais oublié de prendre mes écouteurs avant de partir, alors j'étais bien obligée d'écouter ce qui m'entourait. Et alors que je mangeais, les yeux perdus dans le vide, fixant un point invisible, j'entendis la conversation de deux élèves qui n'étaient qu'à quelques mètres de moi.
-T'es au courant? Il paraît que Baji Keisuke s'est interposé au milieu de deux bagarres hier soir! Disait l'un d'eux. Il est ami avec quelqu'un que je connais, il lui à raconté, et puis je l'ai su, du coup.
-J'en ai entendu parler aussi, il les a tous défoncés tout seul, apparemment. Il est grave chaud, en vrai! Renchérissait l'autre.Je les écoutais donc avec un peu plus d'attention, sans pour autant être indiscrète en posant directement mon regard sur eux. Deux bagarres? Il se serait battu deux fois hier, en plus de ça? Et puis ces deux petits étaient un peu mal informés... Si j'étais comprise dedans, ce n'était pas vraiment une bagarre mais une agression. Enfin bon, je réfléchissais un peu plus, puis l'image de ce petit blond qui trainait avec lui me revenait. Et il était vrai que ce dernier avait le visage recouvert d'égratignures et de pansements, quand je lai regardé lorsqu'il attendait Baji devant notre salle.
-Ouais, il aurait protégé une meuf de sa classe d'une agression, et sur le chemin de son retour, il a croisé Chifuyu Matsuno, tu sais, le quatrième, là. Il était dans la galère avec une bande de gars alors il l'a aidé. Reprenait l'un des deux garçons.
J'avalais alors ma salive un peu de travers. Il en avait déjà parlé à ses amis. C'était fou comme les garçons aimaient parler de leurs exploits. Ca m'énervait un peu sur le coup, je n'aimais pas qu'on parle des choses qui pouvaient m'arriver comme ça. Enfin bon, je lui en toucherai deux mots ce soir quand on se reverra.
J'y repensais, Baji était donc un garçon avec un talent fou pour le combat à mains nues. Il se serait battu avec d'autres délinquants après ceux qu'il a battus sans difficulté devant mes yeux. C'était étrange, à chaque nouvelle chose que je voyais ou apprenais de lui, j'étais un peu plus étonnée, comme si ses talents ne s'arrêtaient pas.Enfin bon, j'avais continué à écouter les deux autres collégiens proches de moi discuter de lui, cela donnait un peu d'animation à ma pause de midi un peu ennuyeuse. Puis je repensais au moment où je m'étais dit que je ne me ferais pas d'amis cette année, pour éviter l'ignorance pendant les vacances. Pouvais-je déjà considérer Baji comme un ami? Je ne savais pas, pour le moment, à mes yeux, il restait un camarade de classe. Certes, un camarade de classe qui m'avait probablement sauvé la vie...Mais un camarade de classe quand même. Je ne devais pas oublier mon point de vue. Dans le collège, ils agissaient tous comme si l'on était amis, mais lorsque les grilles pour se retrouver à l'extérieur étaient franchies, nous redevenions des inconnus. Il y en avait même certains qui ne se gênaient pas pour nous critiquer méchamment une fois que nous avions le dos tourné. Pour moi, ils étaient tous semblables. Que ce soit Baji, mes anciens et nouveaux camarades de classe, les membres d'un club duquel je faisais partie, n'importe qui. Peu importe qui ils étaient, à un moment ou à un autre, ils me feront comprendre que je suis seule, et qu'ils ne sont signe de compagnie uniquement durant le temps des cours ou du moment que je peux leur venir en aide. Je m'y attendais déjà. Je savais qu'après avoir aidé Baji à combler ses difficultés, je redeviendrai une camarade de classe lambda à ses yeux, comme je l'ai été avec tous les autres. Etre une fille des plus normales, c'était aussi cela. La solitude intense qu'on côtoyait tous les jours. Les gens étaient à la recherche de personnes plus originales les unes que les autres, alors il n'y avait pas de place pour les gens simples. J'y pensais parfois, j'aurais aimé être appréciée par certains, être ne serait-ce qu'un peu entourée, avoir une épaule sur laquelle je pourrais m'appuyer ou pleurer si jamais ça n'allait pas. Mais je ne connaissais rien de tout cela. Et j'étais sûre et certaine que cela ne m'arriverait jamais. Pas dans ce monde, pas dans cette vie.
Les sorties, les rires, les pleurs, les fêtes, les amis et les amours, je les découvrirai dans une autre vie. Pour moi, tant que je suis Ryoma Yomohiro, rien de tout cela ne pourra m'arriver.
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Angels can't fly down hell. (BAJI KEISUKE)
FanfictionJ'étais une fille désintéressée par tous ces liens qu'on pouvait créer grâce à l'amitié ou l'amour. Il était un garçon plein de remords, regrettant chacun de ses mauvais actes, en priant chaque jour d'être pardonné. Puis nous nous sommes rencontré...