Chapitre 8.

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Cela faisait maintenant quelques semaines que je voyais mes nouveaux amis dans le dos de mon père. Nous avions élaboré un plan, avec la jeune demoiselle qu'était Emma. C'était elle, la soit disant amie que je raccompagnais après les cours. Évidemment, tout n'était qu'une supercherie pour aller toutes les deux aux rassemblements du gang. En discutant avec elle, j'avais appris qu'elle avait un petit, voire gros faible pour le second du gang, Draken. Malheureusement, il avait l'air indifférent aux avances d'Emma. Je trouvais ça idiot, il passait à côté d'une bonne personne.

Je m'entendais très bien avec les garçons, même si j'avais toujours cette aisance supplémentaire avec Baji et Chifuyu, que je connaissais depuis un peu plus longtemps. Ils étaient tous différents les uns des autres, certains plus impulsifs, d'autres plus enfantins, tandis que certains étaient complètement idiots. J'avais aussi pris connaissance des sales manies ou des habitudes pour le moins insolites de tout ce petit groupe. La plus surprenante était de loin le fait que Baji incendie des voitures lorsqu'il avait faim. C'était un moyen plutôt radical de se manifester. Il y avait aussi Mikey, le chef, qui refusait de manger son menu enfant s'il n'y avait pas de petit drapeau. Bref, quand on me parlait d'un gang, je ne m'attendais pas du tout à ça.

En général, je ne rentrais pas trop tard pour ne pas inquiéter mon père, mais il y a quelques fois où j'allais manger avec eux, alors il m'arrivait de rentrer plus tard. Et bien sûr, mon excuse restait toujours la même. "J'étais chez Emma" et ça fonctionnait. Je m'arrangeais toujours pour avoir des bonnes notes, alors tant que niveau scolaire, ça allait bien, mon père était satisfait et ne ronchonnait pas.

Aujourd'hui, d'ailleurs, j'avais encore eu un devoir sur table, en anglais. J'avais probablement réussi, et Baji m'a dit qu'avec le soutien que je lui avais offert après les cours, il s'était bien débrouillé. Et j'en étais bien heureuse, s'il pouvait lui aussi augmenter son niveau scolaire grâce à moi,  c'était parfait.
Nous venions à peine de sortir de cours, tous les trois, avec Chifuyu. Pas de réunion de leur gang prévue aujourd'hui, alors je les raccompagnais simplement jusqu'à l'endroit où ils garaient leurs motos avant d'entrer dans l'établissement, m'apprêtant à repartir à pied de mon côté par la suite. Mais alors que j'allais taper dans la main de Chifuyu pour le saluer, je sentis mon téléphone se mettre à vibrer dans la poche de ma veste. J'annulais alors l'action que j'étais en train d'entreprendre pour sortir l'appareil et voir qui m'appelait, puis soudainement, mes yeux s'illuminèrent et un grand sourire étira mes lèvres face au nom qui s'affichait sur mon écran.

"Maman."

Je m'empressai de décrocher, faisant signe aux garçons de se taire une ou deux minutes. C'était le temps pour que l'appel se termine, et que je raccroche avec un grand sourire aux lèvres. Ma mère était de nouveau à Tokyo, pour trois mois. J'allais pouvoir partir de chez mon père pendant ce temps. La liberté, voilà ce qui m'attendait. Ma mère était déjà repassée chez mon père pour me faire une valise, et, étant donné que nous en avions parlé par message, elle m'avait demandé si mes deux camarades voulaient venir manger chez nous ce soir.
La réponse fut unanime, ils acceptèrent tous les deux. Pour une fois, c'était moi qui les emmenais quelque part, et pas l'inverse.

Il fallut peu de temps pour que l'on arrive à la maison de ma mère, alors que j'étais installée à l'arrière de la moto de Baji, lui montrant le chemin. C'était une jolie maison traditionnelle, très spacieuse. Avec son travail, ma mère pouvait se le permettre, et se donnait même la joie de la faire entretenir lorsqu'elle partait en déplacement comme ça. Nous descendîmes des véhicules, alors qu'une femme de la quarantaine se présentait sur le palier de la porte de l'habitation. On aurait dit moi, avec vingt ans de plus. De longs cheveux noirs, une frange un peu plus longue que la mienne, cinq centimètres de taille en plus, mais avec quasiment le même visage et le même sourire, c'était ma mère. Je m'empressai de venir la prendre dans mes bras pour la saluer, avant de reculer pour venir lui présenter Baji et Chifuyu, qui jouaient les enfants sages. Ils me paraissaient tendus, mais je savais bien que cela allait changer lorsqu'ils comprendraient que ma mère était aussi enfantine qu'une adolescente de notre âge.
Et, avant que j'aie pu poser une certaine question ma mère me répondait déjà.

-Il est sur le canapé. Me disait-elle en m'offrant un beau sourire.

Quelle était la question que j'allais poser? Eh bien, c'était très simple. "Où est NooNoo ?"
NooNoo, c'était le chat. Ma mère partait en déplacement avec lui, alors je ne le voyais pas souvent. Et cette grosse boule de poils blancs me manquait énormément. Ni une, ni deux, je fis mon entrée dans la maison pour partir à la rencontre du chat. Je le retrouvai bien vite, m'asseyant sur le canapé pour le prendre dans mes bras. Je souriais comme une enfant à qui on offrait un cadeau, câlinant l'animal, qui me rendait chaque caresse par un petit frottement de tête.
Chifuyu et Baji avaient suivi ma mère qui était rentrée un peu après, et j'avais vu les yeux de Baji s'illuminer lorsqu'il vit NooNoo. C'était vrai, Chifuyu m'avait parlé de la passion du grand brun pour ces félins. Il était donc venu s'installer à mes côtés pour caresser le chat, et même si je le savais déjà à cause de Chifuyu, il me parlait de sa passion, et de ce qu'il faisait pour eux. Il nourrissait les chats errants. Je trouvais ça adorable. Être une brute aux yeux des collégiens, faire partie d'un gang, mais devenir un vrai sucre devant un chat. C'était peu commun mais terriblement mignon.

Puis la fin de la journée passait très vite, mes deux amis étaient restés manger, et nous avions entrepris des dizaines de sujets de conversation. Ils s'étaient largement détendus quand ils ont vu que ma mère était vraiment sympathique, et ne s'étaient pas retenus de dire ce qu'ils voulaient. Motos, école, nourriture, sport...Nous sommes passés par tous les sujets abordables.
Nous avions fini de manger, il était alors temps pour les garçons de rentrer chez eux. Ma mère et moi les avions accompagnés jusqu'au pas de la porte, les regardant monter sur leurs motos, toutes les deux souriantes. Ils avaient bien mangé, ou plutôt, ma mère les avait gavés, mais Baji, du moins, ne s'était pas plaint. Je suis sûre qu'il aurait été capable de manger encore plus s'il en restait, ce garçon est vraiment un gouffre sur pattes, sans abuser. Chifuyu, quand à lui, était rond comme un ballon, et pour lui, j'étais sûre qu'il s'était forcé à manger pour faire plaisir à ma mère.
Ils firent gronder leur moteur, puis nous offrirent un dernier signe de main, avant de disparaître au loin, laissant entendre le bruit lointain de leurs véhicules, maintenant sortis de cette petite rue illuminée de lampadaires à la lumière blanche.
Et une fois rentrées, ma mère m'adressa la parole.

-Ils sont bien gentils, ces garçons. Alors, c'est lequel? Je parie sur Baji. Me dit-elle en me faisant un petit clin d'œil.
-Lequel, de quoi? Je ne comprenais pas trop sur le coup, alors je lui répondis avec les sourcils légèrement froncés d'incompréhension sur le coup.
-Celui que tu apprécies le plus, pardi. Me rétorqua-t-elle en souriant. Je suis sûre que tu as un petit faible pour lui.
Mes joues virèrent au rose clair. Je n'avais jamais vraiment pensé à ça. Pour moi, Baji n'était rien d'autre que... Qu'un très bon ami.
-Maman, dis pas de bêtises, on est juste potes! Comme Chifuyu!
Dis-je en croisant légèrement les bras.
-Crois ce que tu veux, ma fille. Mais moi, j'ai vu la façon dont il te regardait quand tu parlais, et ça, je t'assure que mon flair ne me trompe pas. Baji t'aime bien, Ryoma.

La façon dont il me regardait? Je n'avais jamais trop fait attention, à vrai dire. Faudrait-il que je sois plus attentive? J'avais un peu de mal à comprendre. Baji et moi étions amis, et avec Chifuyu, nous étions un trio. L'intérêt amoureux n'avait rien à faire là dedans. Ce sentiment là, il était destructeur. Alors maintenant que j'avais un entourage que j'aimais... Je ne voulais pas tout foutre en l'air à cause de doutes sur les sentiments amoureux de l'un de nous trois. Alors je n'allais pas relever. Et puis, ma mère disait sûrement cela pour me taquiner...


Angels can't fly down hell. (BAJI KEISUKE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant