Chapitre 10.

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Depuis cette fameuse soirée où Baji s'était assoupi sur mes cuisses, de manière complètement volontaire, les choses avaient changé. Quelque chose entre nous deux avait changé. Nous nous retrouvions un peu plus gênés que d'habitude lorsque nous étions trop proches. De plus, on se voyait de plus en plus sans la compagnie de Chifuyu, qui avait soit disant "des choses à faire". Nous nous retrouvions toujours pour des choses simples, je l'invitais à manger chez moi, ou bien dehors, et inversement, j'allais l'aider à s'occuper de ses chats, ou je lui offrais encore ce soutien pour les cours.

Je ne sais pas si c'était à cause des dires de ma mère, ou bien si cela datait d'avant, mais à chaque fois que je passais un moment avec Baji, je me surprenais à le voir sous un autre angle. Il m'arrivait de trouver chez lui une réelle attirance, mais depuis peu de temps. Cela devait faire deux bonnes semaines depuis le soir où il avait osé un rapprochement explicite envers moi, et depuis ce jour là, la vision du meilleur ami que j'avais de lui disparaissait peu à peu. J'avais un tout autre point de vue maintenant. Je pensais parfois au fait qu'il puisse me prendre dans ses bras, juste comme ça, pour aucune raison. Ou bien qu'il me dise qu'il m'apprécie... des choses que les amis ne font pas souvent, pour ainsi dire.

Oui, je la savais au fond de moi, jour après jour, je tombais amoureuse de Baji. Je l'avais remarqué, mais j'étais incapable de me l'avouer, encore moins de lui avouer. Mais je le savais. Cette torsion qui me prenait à l'estomac ou bien cette impression que mon cœur allait sortir de ma poitrine tellement il battait fort, ce n'était pas anodin. La façon dont je rougissais lorsqu'il était trop proche de moi, le fait qu'il s'immisce dans mes pensées sans vraiment de contexte, ou l'envie de le serrer encore plus fort quand j'étais installée dans son dos, sur sa moto n'étaient pas non plus des choses que je devais connaître avec lui s'il n'était que mon meilleur ami.

J'étais tombée sous le charme de ce fort caractère et de cette facette adorable à laquelle personne ne s'attend, de ces efforts pour devenir meilleur élève, de ces catastrophes en cuisine, de cette force, mais aussi cette douceur, cette voix grave et ce beau visage. Oui, il fallait que je me l'avoue, j'étais bel et bien complètement amoureuse de Keisuke Baji. Mais est-ce que c'était le cas chez lui aussi? N'était-il pas tout simplement tactile avec sa meilleure amie ? Et si ma mère avait eu tout faux ? Si je risquais de tout gâcher avec mes sentiments? Je n'en avais pas parlé à Chifuyu, mais Emma était au courant. Et malgré le fait que je le nie toujours, elle avait bien raison, je l'aimais bien plus que je le pensais. Elle m'avait dit de faire comme elle, de tenter le tout pour le tout, de me jeter dans le tas et de voir comment cela évolue. Mais est-ce que Baji était comme le fameux Draken ? Me laisserait-il recommencer si jamais je tentais quelque chose ? Je n'osais pas essayer de peur de tout perdre. J'avais maintenant un groupe d'amis solide, je ne pouvais pas me permettre de tout foutre en l'air pour des sentiments amoureux.
J'en demandais peut-être beaucoup. J'avais des amis, et pour ma misérable vie qui s'entretenait de cette façon à cause de mon père, c'était déjà bien assez. L'amour et tout ce qui s'y rattache... Pas dans ce monde, pas dans cette vie. J'étais encore trop peu chanceuse pour vivre ça.

Ce soir, comme souvent depuis un moment, Baji et moi allions nous voir. C'était un samedi, alors je ne l'avais pas encore vu de la journée. Il devait venir me chercher chez ma mère pour dix-neuf heures, afin de m'emmener quelque part. Il m'a dit qu'on irait acheter de quoi manger, et m'avait conseillé de prendre des vêtements chauds, vu qu'on serait en extérieur. Apparemment, je ne connaissais pas du tout l'endroit, alors cela me rendait de plus en plus curieuse, mais aussi angoissée.
Comme à son habitude, il était à l'heure. Alors que j'étais installée sur mon canapé avec NooNoo sur les cuisses, vêtue d'un Jean et d'un sweat à capuche tous les deux noirs, j'entendis le grondement du moteur de son véhicule à deux roues à côté de ma maison. Je me levais rapidement après avoir posé mon chat à côté de moi, puis après avoir salué ma mère une dernière fois, et récupéré mon sac qui contenait des Onigri et des mochi au chocolat supplémentaires au cas où nous aurions encore faim, je sortais de chez moi, prenant au vol mon casque rangé dans l'entrée de ma maison.
Je le rejoignais, et après quelques paroles échangées, nous nous mettions en route. Comme à mon habitude, je me tenais autour de sa taille, alors que les cheveux qui dépassaient de nos casques virevoltaient dans le vent causé par la vitesse de la moto.

Nous nous sommes arrêtés dans une petite station pour remettre de l'essence, et nous y avons acheté des sandwiches et quelques boissons. Rien de bien luxueux, mais ça semblait nous aller. La route était plus longue que lorsque nous sortions d'habitude, si bien que nous étions maintenant en dehors de Tokyo. Je voyais maintenant des étendues de plaines s'offrir à ma vue. Je commençais à me poser de sérieuses questions. Où est-ce qu'il comptait m'emmener?
Il fallut encore une bonne demi-heure pour que nous arrivions, et une fois descendus de sa moto, il me prit simplement par le poignet, tenant son sac dans son autre main, puis il me tira avec lui. Nous étions au niveau d'une espèce de petite colline, alors je supposais qu'il voulait que l'on se rende au dessus afin de pouvoir manger. Et c'était le cas. Mais je ne m'attendais absolument pas à la vue qui s'offrait à moi une fois arrivés en haut. J'appréhendais simplement d'autres collines, des champs, des arbres, mais en fait, en contrebas de cette colline, il y avait une ville, et maintenant qu'il faisait nuit, les lumières de cette dernière étaient visibles.

C'était beau. Il n'y avait pas d'autre mot pour définir cela. C'était vraiment parfait, comme endroit, et calme, en plus de tout ça.

Nous avions posé une couverture au sol, et posé notre nourriture dessus, avant de nous installer. C'était donc ça que Baji avait prévu. Une petite soirée, loin de tout le monde. Il n'avait pas besoin de me demander si ça me plaisait, il pouvait le voir. Mes yeux reflétaient les lumières de la petite ville en contrebas, et je semblais émerveillée par tout ce qui nous entourait. Je n'avais rien à redire, il n'y avait pas plus romantique comme endroit. Oui, c'était romantique. Et à ce moment précis, j'aurais aimé que le temps s'arrête.
Mon père, ma mère, les cours, les problèmes, les amis... Aucun de ces sujets ne figuraient dans mes pensées à ce moment là. A l'instant présent, tout ce qui courait dans ma tête, c'était le fait d'être avec lui, et uniquement lui, loin de tout.
Je me sentais tellement bien, je voulais que le temps se fige, que l'on ne rentre pas, qu'on reste ici des jours, des mois... Rien que lui et moi. En fait, je n'avais besoin que de lui, à cet instant précis. La seule chose qui comptait pour le moment, c'était Ryoma et Baji.

Angels can't fly down hell. (BAJI KEISUKE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant