Bien heureuse de voir ses parents partir en vacances pendant deux semaines et de pouvoir inviter son petit-ami à la maison, Emy ignorait que ce n'était peut-être pas une si bonne idée que ça.
Car entre Aloïs et Marceau, le frère de celle-ci, une ét...
On pourrait s'imaginer qu'à la campagne, il ne s'y passe rien et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle les personnes habitant les grandes villes aiment venir s'y reposer. On peut y entendre les oiseaux chanter, y voir des gens faire du cheval ou encore avoir le plaisir de s'étendre sur un transat pour prendre des couleurs dans le calme le plus complet. Il y a aussi des problème avec la connexion Wi-Fi et un bus qui passe seulement toutes les heures, et encore. Vous avez oublié du lait au magasin ? Prenez donc votre courage à deux mains et faites une demie heure de route pour trouver un supermarché.
La campagne, c'est relaxant quand on a atteint l'âge adulte et qu'on est dans la vie active. Il n'y a rien de mieux qu'un bon rosé en rentrant à la maison et de se poser dans le jardin où seules les abeilles peuvent vous déranger de temps en temps, lorsqu'elles ne sont pas fatiguées elles aussi.
Mais les choses peuvent vite se révéler ennuyeuses lorsqu'on a dix-sept ans et qu'on est gay. Ça, Marceau l'a bien vite compris. Sa vie se résume à aller en cours et revenir mourir d'ennui à la maison. Dans sa chambre aménagée dans le grenier, il ne capte d'ailleurs pas la connexion Internet, inutile bien sûr de préciser que ses parents ne lui paient pas un abonnement avec la 4G illimitée, ça serait bien trop beau.
Si être homosexuel lui pose problème, c'est simplement parce qu'ici, à Beloeil, commune située en Belgique de quatorze milles habitants, les gens n'ont pas la même mentalité qu'en ville. On y croise surtout des personnes âgées, des femmes conduisant un tracteur sur la route, des personnes bien hétérosexuelles comme il le faut et bien sûr, il n'est pas la peine de préciser que tout le monde est blanc ici. C'est ça, pas un seul gay, pas un arabe, mais des bourrins, ça oui. La bière est certainement ce qui se vend le mieux dans la commune et les hommes aiment parler mécanique.
C'est l'horreur pour le jeune homme, qui malgré son coming out légèrement forcé par le voisin qui l'appelait sans arrêt "le petit pédé", n'avait jamais, au grand jamais rencontrer quelqu'un comme lui. Même à l'école, soit il était seul au monde, soit les gens le cachaient bien mais personne ne semblait au moins connaître ce petit détail : l'hétérosexualité n'est pas la seule sexualité au monde.
Pour Marceau, autoproclamé "seul gay de Beloeil" tout ça n'avait rien de drôle et bien sûr, il n'avait qu'une seule hâte : terminer ses études et partir loin, très loin de cet endroit où ça pue la vache presque partout. Pour passer le temps, le garçon adorait par-dessus tout marcher en forêt et y découvrir de nouvelles sortes de plantes ou d'insectes et bien que cela pouvait être sympathique à faire de temps en temps, c'était certainement pas quelque chose de bien fou ou excitant. L'ennui, toujours, partout.
Heureusement, il n'était pas fils unique. Emy, sa sœur adorait jouer au badminton avec lui, et d'ailleurs, elle n'avait pas vraiment l'occasion d'en faire avec quelqu'un d'autre, puisque ses amies habitaient tous loin de la commune et que ses parents n'étaient absolument pas du genre à jouer. Eux, leurs trucs, c'était plutôt les travaux dans la maison et les apéros. Mais la vie de la demoiselle de seize ans avait changé du tout au tout lorsqu'Instagram lui avait envoyé une notification pas comme les autres :
● Aloïs Duvall veut rentrer en contact avec vous.
Lui, c'était le rêve en personne. Dix-huit ans, beau gosse, en dernière année dans le même lycée qu'elle et même photographe en devenir. Bon, s'il tentait de la contacter, c'était pour la remercier de lui avoir prêté cinq euro pour acheter un sandwich pendant la pause de midi, lui qui avait oublié son portefeuille à la maison. Il était vrai qu'elle se sentait chanceuse d'avoir pratiquement le même groupe d'amis que lui, mais en même temps, avant ce jour-là, il n'avait jamais vraiment prêté attention à elle. Peut-être qu'il l'a trouvait trop jeune... Ou moche.
Mais non, la belle blonde très simple lui avait tapé dans l'œil et petit à petit, ils s'étaient rapprochés. Une fois la fameuse soirée passée au cinéma où il l'avait embrassé, tout était devenu officiel. Aloïs était son petit-ami canon et elle était sa belle fleur de la campagne.
C'était lorsqu'elle avait appris que ses parents partaient dans le sud de la France pour deux semaines "pour se retrouver en amoureux" qu'elle avait fait des pieds et des mains pour qu'il puisse venir dormir à la maison pendant ces quinze jours et surprise, Marc et Isabelle, les géniteurs avaient accepté. Pas seulement parce qu'il s'agissait du petit-ami de leur fille, non, mais aussi parce qu'ils s'en voulaient un peu de partir en vacances en laissant les ados à la maison.
Le premier juillet, Aloïs avait donc fait ses bagages et avait prit le train jusqu'à la gare la plus proche, puis, il avait dû attendre un bus pendant une demi-journée, puisque rares étaient les transports en commun qui roulaient le dimanche dans ce vieil endroit paumé. Si Emy était évidemment heureuse de l'arrivée imminente de son bellâtre, Marceau, lui, ne l'était absolument pas. Il l'avait déjà croisé quelques fois à l'école mais ne lui avait jamais parlé, puisque le voir bécoter sa sœur était répugnant et qu'il n'aimait pas son attitude, sa façon d'être plus beau et confiant que n'importe qui d'autre.
Il se la pétait c'était évident et honnêtement, c'était loin d'être une caractéristique qu'avaient les gens de la campagne. Comment se la péter quand on ne peut pas faire de shopping sans faire une heure de route et que seuls les moustiques vous sucent ?
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