Le Ouija, ça marche !

Les états dissociatifs dans la médiumnité

Considérons l'exemple du médium. Celui-ci affirme pouvoir percevoir les âmes, parfois même communiquer avec elles, et plus troublant encore, leur permettre de prendre possession de son corps. Après avoir suspendu notre incrédulité, car nous connaissons certaines techniques efficaces de mentalisme ; et observé plusieurs séances de médiumnité, nous avons très vite pensé que la télépathie pouvait expliquer rationnellement ce don : le médium serait capable de capter des informations directement dans l'esprit d'autres personnes. Nous avons également constaté un élément récurrent chez de nombreux praticiens : l'intervention d'un guide ou d'un esprit familier servant d'intermédiaire entre le médium et les âmes qu'il souhaite contacter.

En adoptant une position critique, nous pourrions supposer que ce guide n'est en réalité qu'une manifestation d'une existence psychologique du médium qui se manifesterait à l'état de veille. Ainsi, la communication médiumnique, où le médium perçoit par des images ou par des "flashs" les mouvements d'une âme, sa personnalité, ses émotions, certains objets ou vêtements caractéristiques, découlerait de mécanismes psychiques intimement liés à l'imaginaire et au rêve, s'immisçant dans sa conscience éveillée sous forme d'hallucinations psychosensorielles. Le médium élaborerait inconsciemment un univers onirique constitué de l'ensemble des informations stockées dans sa mémoire - certaines provenant de ses consultants, d'autres, peut-être, de la trame entière du réel. Il expérimenterait ainsi une forme de réalité augmentée, où se mêlent perception ordinaire et manifestations psychiques. Cette construction onirique pourrait également se manifester au travers d'un trajet narratif parallèle du Moi ; un Autre, peut-être un fragment de la conscience, capable de communiquer des informations, idées, paroles et images à son hôte.

Le cerveau interprète les informations du réel de façon éminemment subjective et personnelle, leur conférant un caractère "fictionnel". Il est plausible qu'une particularité du fonctionnement neuronal puisse engendrer une interférence chronique entre les fictions élaborées consciemment et inconsciemment ; le cerveau cherchant naturellement à structurer le flux d'informations qu'il reçoit, établit des liens avec des éléments déjà connus. Suivant cette logique, lorsqu'un médium capte une information par télépathie, son cerveau l'associerait automatiquement à des images puisées dans sa propre mémoire.

Il est par ailleurs notable d'observer que certaines capacités dites "extraordinaires" se transmettraient génétiquement au sein d'une même famille, ou se manifesteraient à la suite d'un traumatisme ou d'une pathologie. Rappelons également le cas emblématique des shamans qui, pour atteindre des états modifiés de conscience et accéder - selon leurs croyances - au monde des esprits, se soumettent à des rituels spécifiques impliquant la consommation de substances psychotropes, du tabac comme nous l'avons vu, voire à des pratiques d'automutilation.

Les expériences de mort imminente peuvent également être associées à ces états modifiés de conscience. L'accès à une perception élargie de notre environnement, conjugué à la stimulation de zones cérébrales spécifiques - notamment par des substances psychotropes naturelles - provoquerait un phénomène de décorporation et une forme d'"exploration" informationnelle, caractérisée par une perception à la fois fluide et cohérente. A l'instar du médium, ces activités psychiques particulières permettraient ainsi à l'individu de vivre une expérience surnaturelle, bien qu'imaginative. Dans cette même perspective, certaines pratiques méditatives permettraient d'accéder à cet état cognitif singulier.

Nous pouvons également évoquer les entendeurs de voix. Des études montrent qu'environ 5 à 15% de la population générale entend des voix à un moment de sa vie, sans que cela soit nécessairement lié à un trouble mental. Un aspect particulièrement intriguant est la variation culturelle dans la façon dont ces expériences sont interprétées et vécues. Dans certaines sociétés, entendre des voix est considéré comme un don spirituel ou une capacité chamanique, alors que dans d'autres contextes culturels, c'est vu comme un signe pathologique.

Le Réseau des Entendeurs de Voix (REV) a contribué à changer la perspective sur ce phénomène. Leur approche considère l'audition de voix comme une expérience humaine significative plutôt qu'un simple symptôme à supprimer. Ils ont observé que beaucoup d'entendeurs de voix peuvent apprendre à vivre avec leurs voix de manière constructive, certains développant même des relations "positives" avec elles.

Un autre point fascinant concerne les différents types de voix entendues. Certaines personnes rapportent entendre des voix bienveillantes qui les guident ou les conseillent, d'autres des voix critiques ou malveillantes. La nature et le contenu de ces voix varient considérablement d'une personne à l'autre. Des recherches récentes suggèrent que le phénomène pourrait être lié à la façon dont le cerveau traite le langage intérieur, avec une attribution erronée de la source de certaines pensées verbales.

Dans un registre similaire, la paralysie du sommeil se manifeste par un dérèglement des phases d'endormissement ou de réveil : le sujet, bien que conscient, se trouve totalement immobilisé par l'atonie musculaire caractéristique du sommeil paradoxal. Ce phénomène s'accompagne d'hallucinations multisensorielles - auditives, visuelles et/ou tactiles - ainsi que d'une intense sensation d'oppression. L'anxiété générée par cette incapacité à se mouvoir peut alors se matérialiser : les sensations et émotions se cristallisent en un ensemble d'hallucinations psychosensorielles où, notamment, des apparitions spectrales prennent vie. Les paralysies du sommeil permettent ainsi d'expérimenter un rêve - ou plus fréquemment un cauchemar - en pleine conscience, dépassant en intensité l'expérience habituelle du rêve lucide.

Ces facultés dites "hors du commun" pourraient donc avoir un fondement neurologique. Il ne s'agirait pas uniquement d'un phénomène télépathique isolé, mais plutôt d'une forme de méta-conscience ou d'omniscience naturellement présente chez tous les êtres vivants, humains comme animaux.

S'agissant de la télékinésie, de la production d'ectoplasme ou des phénomènes de matérialisation et dématérialisation d'objets, ces manifestations présumées pourraient découler d'une faculté à manipuler ou à influencer l'information elle-même. En effet, notre univers matériel n'est que le produit de notre perception sensorielle, et non le reflet d'une réalité absolue. L'ensemble du réel pourrait ainsi se réduire à de l'information pure - une hypothèse qui n'est pas si improbable. Nous touchons cependant ici à une frontière que nous préférons ne pas explorer davantage - après avoir déjà franchi de nombreuses limites conceptuelles. Cette prudence est d'autant plus justifiée que les multiples fraudes documentées et les études scientifiques rigoureuses n'ont jamais permis de valider l'existence de ces phénomènes, y compris la télépathie.

Toutefois, certains phénomènes demeurent inexpliqués ou juste intrigants. Citons la lucidité paradoxale, la scolesthésie, et bien évidemment la conscience. Résolvez le "hard problem" de Chalmers et l'on vous honorera du prix Nobel ! Comment expliquer les qualias, les expériences subjectives ? La conscience est le plus grand des mystères, et peut-être le seul pilier central de notre existence. Elle questionne sur le vivant et sa capacité à ressentir. D'après vous, à partir de quel degré de sophistication d'un système biologique pouvons-nous parler de conscience ? Le courant panpsychique imagine la conscience partout, même sur le plan atomique. Cette hypothèse est difficile à admettre. L'émergence de la conscience se produit à partir d'une certaine complexité phénoménologique de l'information dont le support est matériel. Cette conception fonctionnaliste insiste sur le fait que la conscience pourrait émerger à partir d'un autre substrat que la matière vivante. Mais nous nous trompons probablement !

Retenons que le cerveau demeure un organe prodigieux dont nous n'avons pas encore percé tous les mystères et qui, en définitive, recèle encore de nombreux secrets sur son propre fonctionnement.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Cas_de_Pamela_Reynolds#Analyse_critique

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