Pourquoi ça marche ?

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Les hommes déprécient ce qu'ils ne peuvent comprendre. 

Johann Wolfgang von Goethe


Selon l'hypothèse scientifique consensuelle, le mouvement de la goutte résulterait d'un ensemble d'interactions, dont certaines imperceptibles, provenant de processus psychiques et physiologiques inconscients. Tous les messages ne seraient alors que le fruit de causes inhérentes aux capacités humaines. Nous, naïfs et pleins d'espoir, serions subtilement induits en erreur du fait de notre méconnaissance du pouvoir de l'encéphale. Cette idée n'a jamais fait l'unanimité parmi les participants, probablement par crainte de voir bien des attentes déçues.

Pourtant, une analyse objective des faits révèle l'indéniable implication manifeste du cerveau et du corps lors des séances spirites. Notre compréhension limitée des capacités mentales humaines ne nous permet ni d'écarter ni de sous-estimer leur influence combinée ou leur degré d'implication dans ces expériences. Nous admettons avoir, à certains moments, accompagné, voire accentué, le mouvement de la goutte. Un simple geste involontaire de l'un des participants pouvait entraîner les autres, amplifiant ainsi le mouvement initial.

Le fait que certains messages soient parfois teintés de nos propres pensées suggère que nous guidions inconsciemment la goutte vers chaque lettre. Ce phénomène pourrait être associé à l'effet idéomoteur, un mécanisme psychophysiologique identifié dès le XIXe siècle, selon lequel une simple pensée ou suggestion peut provoquer des mouvements involontaires ou très subtils du corps, sans que la personne en soit consciente. Cela signifie que l'évocation mentale d'une action suffit à activer les muscles requis, même si l'action elle-même ne s'exécute pas de manière intentionnelle. Cependant, cette hypothèse mérite d'être nuancée. Certaines séances, bien que menées dans des conditions identiques, n'ont donné aucun résultat. De plus, il existe une différence notable entre des gestes simples, tels que lever un bâton de sourcier ou faire osciller un pendule, et la conduite d'une conversation cohérente à l'aide de quelques accessoires en bois. Ce processus engage simultanément la conscience de plusieurs participants et certaines sous-parties autonomes de leurs structures neuronales, rendant le phénomène bien plus complexe.

D'autres facteurs psychologiques sont à préciser, dont l'espoir général des participants d'obtenir un contact, avec son lot d'attentes associées. En phase, il est tout à fait plausible que les participants provoquent des phénomènes consécutifs à l'idée qu'ils se font de ce type de pratique. Une co-construction hypnotique pourrait expliquer le fonctionnement du Ouija, le maître de cérémonie prenant ici le rôle du praticien. Mais pouvons-nous réellement parler d'hypnose lorsqu'une concentration excessive de l'attention a paralysé tout mouvement lors des premières séances ? Ou, peut-être, notre attention n'était-elle pas dirigée de manière appropriée ? Quoiqu'il en soit, ignorer les illusions collectives, les mécanismes comportementaux et les influences psychologiques ne favoriserait pas une étude rigoureuse du spiritisme.

À l'opposé des hypothèses dites rationnelles s'érigent les hypothèses spirituelles, qu'il convient d'examiner avec une attention plus approfondie. Notre héritage culturel est imprégné de croyances extraordinaires, évoquant un "monde derrière le monde", peuplé d'âmes anciennement humaines et de créatures diverses (démons, anges, dragons, lutins, etc.). Cet au-delà nous est à la fois familier et étranger : éthéré, il semble relié à notre dimension matérielle tout en échappant à nos sens, sauf pour certaines personnes dotées de facultés supposément exceptionnelles, comme les médiums ou les shamans.

Soyons honnêtes : cette hypothèse spirituelle englobe un ensemble de phénomènes dont les témoignages et les expériences, même sincères, restent difficiles à évaluer de manière objective. Si des phénomènes spirituels se produisent réellement, les rattacher à des croyances bien établies, qu'elles soient religieuses ou non, n'a rien de rigoureux et n'apporte aucune connaissance véritable. Notre approche demeure donc prudente, reconnaissant notre ignorance. Nous pénétrons dans le domaine du possible, de l'imaginaire. S'il existe, cet au-delà pourrait être radicalement différent de ce que nous imaginons ou croyons. Il pourrait même être une réalité émergente, n'existant qu'à travers certaines facultés psychiques. Nous étudierons cette éventualité.

Finalement, trois hypothèses s'imposent à nous :

La manifestation d'âmes désincarnées : Ces entités entrent en relation avec les pratiquants du Ouija en déplaçant la goutte. Dans cette hypothèse, seule l'intervention de l'au-delà* cause le mouvement.

Une intervention mixte : Le mouvement est dû à la fois aux activités cérébrales et spirituelles. Le cerveau peut influencer les messages transmis par les âmes désincarnées, voire en générer lui-même.

L'activité psychophysiologique comme cause unique : Chaque manifestation et mouvement de la goutte sont exclusivement dûs aux activités cérébrale et corporelle.

Dans un esprit de conciliation, nous espérions que l'hypothèse d'une intervention mixte se révélerait la plus vraisemblable et satisferait tant les monistes matérialistes que les dualistes. Vous verrez plus tard que cette hypothèse repose sur de nombreuses concessions irrationnelles.

Pour cette étude sur le Ouija, nous avons choisi de digérer chaque hypothèse avec équité en n'accordant de privilège à aucune interprétation et en cherchant à identifier les failles et les évidences de chacune de ces visions.


*Par au-delà, nous entendons une entité issue de cette dimension occulte.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Effet_id%C3%A9omoteur

Le Ouija, ça marche !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant