Nous avons fait l'acquisition de la tablette de Ouija dans une boutique ésotérique, située quelque part dans la ville du Mans. La vendeuse, visiblement inquiète, tint à nous mettre en garde sur son utilisation. Elle se remémora l'un de ses clients, revenu dans la boutique suite à une séance prétendant d'une voix rauque être possédé. Nous ne pûmes nous empêcher de sourire en écoutant ce récit, y voyant un clin d'œil au célèbre film « L'Exorciste » de William Friedkin.
Une fois la planche en notre possession, nous nous sommes naturellement mis en quête d'informations : comment utiliser la tablette ? Quelles sont les méthodes pour communiquer avec les esprits ? À ce propos, vous verrez une somme de conseils divers et variés sur Internet et également dans les livres. Naïvement, nous avons succombé à la tentation de prendre au pied de la lettre chacun de ces conseils.
Le soir venu, peut-être vers 23h, après avoir parcouru de nombreuses pages web, nous nous sommes attelés à la préparation de notre rituel. Une bougie fut allumée, mais sa faible luminosité nous obligea à improviser : nous installâmes une lampe en équilibre précaire au-dessus de la table, soutenue par quelques DVD. Une installation de fortune suffisante à notre affaire.
Par précaution, nous dénichâmes une vieille Bible, vestige de tentatives antérieures infructueuses, que nous plaçâmes à proximité de nous.
Installés autour d'une table rectangulaire, nous étions trois participants, dont l'un désigné comme maître de cérémonie. L'appréhension était palpable, se lisant sur chaque visage. Les yeux fermés et les bras tendus, l'index et le majeur de nos deux mains effleurant le pointeur de la planche Ouija, la séance commença.
Nous nous efforçâmes de nous concentrer, de faire le vide.
Une voix retentit :
« Ouija es-tu là ? »
Il peut y avoir un aspect comique à la pratique du Ouija. Et bien des fois, il était difficile de réprimer des rires nerveux. « Ouija es-tu là ? » est la question rituelle, une formule que nous n'utiliserions, par ailleurs, qu'à cette occasion.
Au fil du temps, alors immobiles, imprégnés par l'atmosphère sombre, le silence et le calme, nous commencions tout doucement à nous détendre, voire à nous endormir. Notre ouïe vint à se focaliser sur le moindre bruit : les voitures qui passent près de la maison, les borborygmes, les crépitements secs de la bougie. Difficile de rester concentrés dans ces conditions.
La goutte, censée glisser ça et là sur la tablette comme dans les films, semblait ici à peine frémir, comme tiraillée par moments d'un côté ou de l'autre. Parfois, nous laissions nos yeux se rouvrir pour guetter un déplacement plus franc qui tardait à se manifester. Après plusieurs minutes d'inactivité dans l'obscurité, nous commencions tous à désespérer. Et ce sont les bruyants remous gastriques de l'un des participants qui eurent raison de notre concentration et de notre volonté de prolonger cette première séance infructueuse.
Il devait être environ une heure du matin. Nous ne plaçons pas cette information comme un fusil de Tchekhov, car vous verrez plus loin dans le texte que la temporalité des séances ne les affecte pas, mais témoigne simplement de notre patience collective lors de ces rituels.
Nous échangeâmes alors nos sensations. L'un des participants nous dévoila qu'il avait senti la goutte décrire un mouvement circulaire. Probablement des mouvements involontaires. Quoique légère, la pression exercée sur la goutte suffisait à la faire vaciller.
**Le contenu qui suit pourrait heurter la sensibilité de certaines personnes.**
Par défi, nous décidâmes d'invoquer un esprit maléfique. Bien qu'imprégnés de contes horrifiques où démons et anges côtoient notre quotidien, nous nous sentions tous les trois suffisamment forts et détachés de notre culture pour oser solliciter la présence d'un démon. C'est ainsi que débuta cette nouvelle séance. La tension finit néanmoins par retomber car, après un long moment, la goutte demeurait obstinément immobile.
Par entêtement, nous entreprîmes une nouvelle séance. Cette fois-ci, la concentration n'était plus de mise. Un nouveau directeur de séance invoqua non seulement une personne qu'il avait connue de son vivant, mais aussi tout autre esprit bienveillant qui souhaiterait se manifester à nous. Nous gardâmes les yeux grand ouverts.
Quelques secondes s'écoulèrent sans que rien ne se passe. Puis tout d'un coup, surprise ! La goutte commença à se déplacer. Doucement. Sourcils froncés, les participants se mirent à se suspecter mutuellement de provoquer ce mouvement. Nous demandâmes alors le nom de l'esprit. La goutte glissa le long de la tablette vers une lettre puis vers une deuxième puis une troisième. Quelle joie immense de voir enfin se manifester un phénomène spirite !
L'entité avec laquelle nous étions en contact semblait s'attarder sur deux lettres de l'alphabet : le M et le A, disposées aux extrémités de la tablette. Le mouvement de nos mains était de plus en plus rapide.
N'ayant aucune expérience du Ouija et influencés par les nombreux témoignages de ses utilisateurs, nous avons craint qu'une force, peut-être malveillante, ne nous manipule. Nous avons donc décidé d'interrompre la séance. Le maître de cérémonie arrêta la course de la goutte, et la dirigea vers le mot « FIN » inscrit au bas de la planche. Il salua alors l'esprit et l'invita à retourner vers la lumière.
« Il salua alors l'esprit et l'invita à retourner vers la lumière ». Oui, cette phrase pourra en faire sourire plus d'un. Mais lorsque nous ne savons pas où nous mettons les pieds, nous restons prudents. Et dans le doute, le pari pascalien est un refuge.
Nous fîmes un court débriefing. La séance avait été plutôt spectaculaire : incomplète pour l'un, stressante pour l'autre, mais globalement satisfaisante. Nous nous demandions si l'un d'entre nous avait berné les autres. Le doute subsiste encore, mais nous avons à coeur de croire qu'aucun d'entre nous n'aurait fait cela. L'expérience avait été concluante.
C'était la révélation que ces phénomènes ne sont pas que pur charlatanisme, mais la possibilité d'un monde à explorer et à comprendre. Du moins, c'est ce que nous imaginions à la fin de cette séance prometteuse. Nous étions convaincu d'un contact.
Très motivées, nous retentâmes l'expérience encore deux fois. La goutte se dirigea cette fois-ci invariablement vers les icônes de la Lune et du Soleil situées aux extrémités de la tablette, frôlant dangereusement ses bords. Ce phénomène nous effraya quelque peu car plus tôt dans la journée, nous avions lu que les débordements de la goutte et ses va-et-vient vers les extrémités de la tablette n'auguraient rien de bon. Soumis au biais de négativité, nous nous trouvions dans un état d'hypervigilance.
Après ces mouvements étranges et apparemment sans intérêt, notre instatisfaction était à son comble. La curiosité est certes un vilain défaut mais elle nous poussait inexorablement à continuer. Alors nous continuâmes. Encore. L'un d'entre nous préféra cependant ne pas prendre part à la séance suivante. Il se chargea plutôt de prendre des notes et de suggérer des questions à poser à l'esprit. Ainsi, nous nous retrouvâmes en binôme pour cette nouvelle tentative.
Vous découvrirez ci-après l'intégralité des questions et réponses retranscrites lors de cet entretien peu ordinaire, le plus marquant de cette soirée magique.
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Le Ouija, ça marche !
Non-FictionEst-ce que les vivants peuvent communiquer avec les morts ? Est-ce que la planche spirite la plus célèbre au monde permet d'ouvrir une porte vers l'au-delà ? Dans ce long article, nous décrivons notre expérience de cette pratique pour le moins contr...