Oeil pour oeil, dent pour dent...

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PDV Victoria

Avec Léo à mes côtés, nous franchissons les portes du bar. Rien n'a changé dans la décoration depuis ces six dernières années. Je croise des visages familiers qui me saluent d'un signe de main ou d'un sourire chaleureux du propriétaire, occupé à servir les clients. D'un coup d'œil rapide, j'observe mon environnement, cherchant à éviter les surprises. Mon regard se pose ensuite sur Charlotte, déjà installée à notre table habituelle. Mais elle n'est pas seule. À ses côtés se trouve un homme, probablement dans la trentaine. Son regard insistant me fait comprendre qu'il ne semble pas vouloir partir. Je serre la main de Léo, lui faisant signe de me suivre. Nous nous approchons de l'inconnu et de Charlotte, et l'homme me lance un regard qui témoigne clairement de son mécontentement. (Pas maintenant, mon gars, ce n'est vraiment pas le moment de me chercher des problèmes.)
Les nerfs montent bien plus rapidement que prévu, mes doigts se libèrent rapidement de l'étreinte de Léona et je tape légèrement sur la table pour m'appuyer.
- Dégage ! lançai-je d'une voix agressive.
- Excusez-moi ? Mais qui vous croyez-vous ? rétorque l'homme.
- Alors, tu vas m'écouter attentivement...
Je me penche vers lui, rapprochant ma bouche de son oreille pour lui susurrer la fin de ma phrase. Instantanément, son visage pâlit, il avale difficilement sa salive, puis se lève sans demander son reste et quitte le bar précipitamment.
- Victoria, tu perds légèrement le contrôle là, me fait remarquer mon amie.
Je soupire en reprenant le contrôle de mon côté sombre. (Cette ville a vraiment le don de faire ressortir ce côté de moi que je déteste.) Après cette petite altercation, je prends mon amie dans mes bras, heureuse de pouvoir enfin discuter. Quant à Léo, elle se sent à l'aise et parle de tout et de rien.
- Bon, alors j'attends que tu m'expliques ce qui se passe ? me demande Charlotte.
- Colin, intervient la femme à mes côtés.
- Oh, je vois..., elle s'interrompt puis reprend, tu sais, j'ai toujours quelques contacts, je pourrais...
- Non, Chat ! Désolée, mais il est hors de question que Salamandre ou toi vous mêliez à ça.
- Tu parles, c'est de notre faute si tu lui appartiens maintenant.
- Techniquement, d'après ses dires, pour l'instant elle est à moi, ajoute Léo.
Léona m'avait raconté ce qui s'était passé tôt ce matin chez Marc. J'étais tellement en colère, mais j'ai réussi à me maîtriser et à garder mon calme. Nous changeons un peu de sujet, évoquant le bon vieux temps lorsque nous étions encore étudiantes. Léo ne se gêne pas pour révéler des choses humiliantes à mon sujet, ce qui fait beaucoup rire ma compagne. Je l'écoute, mais peu à peu je me perds. Mon esprit divague et dérive, s'éloignant de la réalité.
« Qu'est-ce que nous sommes, Léo et moi ? »
« Sommes-nous encore sous son fichu contrat ? »
« Fait-elle semblant de se comporter ainsi ? »
« Devrais-je lui dire dans quoi elle s'embarque ? »
De nombreuses questions se bousculent en moi. Je n'ai pas encore les réponses, mais j'espère qu'elles ne tarderont pas à venir. Espérons qu'il ne soit pas trop tard lorsque ce moment arrivera.

La main de ma voisine, qui vient de se poser sur le haut de ma cuisse, me fait revenir à la réalité de la discussion. Je rougis légèrement, essayant tant bien que mal de le cacher.
Le temps a filé, il est déjà 16 heures lorsque nous décidons de rentrer. Je promets à Charlotte de faire attention et de la tenir informée de l'évolution de la situation.

Ellipse trajet du retour

Sur le chemin du retour, les questions sans réponse continuent de me hanter, m'obséder. Je décide finalement de briser le silence.

- Léo, est-ce qu'on peut parler ? Murmuré-je doucement.
- Oui, viens, me répond-elle en se dirigeant vers le jardin.
- Je ne vais pas tourner autour du pot, je prends une grande inspiration, qu'est-ce que nous sommes ? Je veux dire... le contrat ?
- Nous sommes ce que tu veux, Vicky... dit-elle d'une voix plus distante, hésitant dans ses mots, elle se referme à nouveau.
- C'est une décision que nous devons prendre ensemble ! Le contrat, tu l'as rompu, même si je sais, tu m'as expliqué que Colin avait envoyé cette brune pour te distraire. Mais peu importe, la question n'est pas là !
- Tu m'en veux toujours ?
- Non.
- Ne mens pas avec moi, Vi ! Je peux le voir dans tes yeux.
Elle avait prononcé ces mots d'une manière si dure, si froide, sans la moindre émotion. La façon dont elle avait prononcé mon nom, le ton qu'elle avait utilisé, me fait frissonner. C'est le même ton que Colin utilise quand il est en colère et qu'il m'appelle "Vi", court, simple, direct.
- Ne m'appelle plus comme ça ! Lui hurlais-je. Tu ne sais pas dans quoi tu t'embarques, Léo.
- Alors explique-moi, dit-elle doucement en adoucissant sa voix. Victoria, honnêtement, je suis perdue.
Je la regarde sans rien dire, mais avant que je puisse lui répondre, son père apparaît et informe Léona qu'un colis lui est destiné.
J'arrive derrière elle, juste au moment où elle s'apprête à signer le recommandé. Dès que mon regard se pose sur le visage du coursier, je perds mon calme et la noirceur qui sommeillait en moi refait surface.
- Ne signe pas ça !
Ma présence soudaine la fait sursauter, je me place devant elle pour l'en empêcher. Je pousse violemment le torse de l'homme, le faisant reculer de quelques pas. Léo reste décontenancée, surprise par ma réaction.
- Dégage, le Pion ! lui dis-je en hurlant.
- Je ne peux pas... répond-il en baissant la tête, évitant mon regard.
- Victoria ! Ça suffit ! C'est un courrier pour moi, affirme Léo en s'approchant de moi.
Je me retourne vers l'inconnu, prête à lui adresser un flot d'injures, mais il me devance.
- J'ai des ordres, annonce-t-il.
- Je me fiche de ce qu'il t'a demandé ! Je sais qu'il t'a envoyé, et jusqu'à preuve du contraire, mes ordres ont plus de valeur que les siens. Mais tu vas transmettre un message au Roi, tu lui diras qu'il vient de sacrifier l'un de ses pions, et qu'il se prépare à être en échec.
(Et voilà, notre partie d'échecs est lancée, notre jeu.)
- Si je retourne sans avoir effectué la livraison, je finirai avec une balle dans la tête.
- Pose-toi plutôt la question de quelle main tu préfères qu'elle vienne, et avec lequel de nous deux tu pourrais l'éviter.
- Je choisis la Reine, finit-il par me dire, ce qui me fait sourire.
Je n'ai définitivement pas perdu la main avec ses hommes, ils semblent tous encore plus effrayés par moi que par lui. La raison en est simple : avec lui, la mort est rapide, contrairement à moi, où mes souffrances passées et ce que j'ai vécu font que je fais goûter à ces personnes une partie de mon cauchemar, la torture est devenue un art. J'ai tant goûté à cela que, aujourd'hui, le meilleur tortionnaire reste celui qui a déjà subi les sévices d'un bourreau.
Le Pion dépose l'enveloppe par terre, puis ajoute avant de partir :
- Je ne vous livre pas cette enveloppe, je la dépose simplement ici. Libre à vous de la brûler.
Son attention est portée sur Léo, silencieuse à mes côtés. Si elle l'ouvre, elle sera définitivement impliquée dans cette histoire. Elle ramasse le paquet et se place face à moi.
- Je ne l'ouvrirai pas sans toi, mais je veux comprendre.
- D'accord, mais sous certaines conditions et pas ici.

Il est aux alentours de 23h lorsque nous quittons le domaine avec Léo. Je lui indique de prendre la route qui nous mène au bar où nous avions retrouvé Charlotte. Le bar où tout a commencé. Nous entrons, je salue le propriétaire et nous nous dirigeons directement vers une porte. Léo me suit de près, nous descendons l'escalier et nous pouvons déjà entendre la musique provenant du sous-sol. Après un long couloir, je toque à la porte qui se trouve devant nous, une femme m'ouvre et me saute au cou en me voyant.
- Bonsoir à toi aussi, Sarah, dis-je amusée.
- Tu es en retard comme toujours. Je ne savais pas que tu venais avec ton... comment Charlotte l'a déjà dit ? Le léopard sexy !
- Arrête avec ça ! C'est insupportable, ajouté-je en faisant la moue.
Dans la salle, quelques personnes discutent, un groupe est au bar en train de boire, d'autres sont autour de la table de billard, certains sont assis en train de fumer du crack. Me voilà de nouveau au sein du cartel. Lorsque nous sommes entrées, tout le monde s'est arrêté pour nous regarder, moi et ma compagne.
- Ne faites pas ces têtes, ce n'est pas la première fois que vous voyez votre Reine ! Retournez à vos occupations ! dit Sarah à l'ensemble des personnes présentes.
Cela lui vaut un coup de coude de ma part, ainsi qu'un regard assassin. Mais personne ne bouge, leurs regards se tournent vers mon acolyte et effectivement, je dois présenter Léo. Je soupire un instant, réalisant dans quel pétrin je me suis encore fourrée et que je vais maintenant entraîner Léona.
- Tout le monde, voici... euhmm... je la regarde puis je dis plus bas, comme à moi-même, merde... Je me reprends et poursuis, donc je disais, je vous présente Léopard.
Je fais un pas en avant, mon regard, mon attitude changent instantanément, mon côté sombre prend le dessus.
- Si je vois quelqu'un s'approcher de près ou de loin d'elle, je lui ferai porter le numéro 24 et ainsi de suite ! J'espère que c'est bien clair, aboyais-je.
Tous deviennent livides, détournent le regard, la terreur se lit sur leurs visages. Moins elle sera en contact avec eux, plus elle sera loin de ce monde et en sécurité. Personne ne bronche, sans oser me regarder, encore moins la regarder, elle. Je fais un signe de tête à Sarah, puis en croisant le regard de ma douce, le mien s'apaise immédiatement. (À force, elle va me prendre pour une personne bipolaire, en changeant de comportement en quelques secondes)

Je lui pris la main en direction du bureau, pour que je puisse lui expliquer les grandes lignes. Elle me suivit sans dire un mot, j'avais remarqué qu'elle eu un petit rictus en imposant mon autorité. Encore plus, quand j'ai affirmé que personne ne devait l'approcher. Je ne suis pas possessive, je supporte pas ça mais ici, magnifique comme elle est, ces vautours n'auraient pas hésité à lui sauter dessus.

"Viens, on s'assoit," dis-je en désignant le canapé.

Elle me sourit, ce sourire qui me fait fondre à chaque fois. Je nous prépare un bon verre, il va m'en falloir plus qu'un à mon avis.

"Avant toutes choses," lui dis-je, en lui donnant son verre.

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NDA : Et non ! La révélation du cliché n'était pas maintenant, mais dans le prochain. Alors quelles sont les conditions de Vicky ? Léo acceptera t'elle ces dernières ? Il est temps pour Vi de nous livrer son passé, enfin une partie...

Lui ou ElleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant