Je ne sais plus quoi faire. Je me retrouve ici, au milieu de la rue, avec comme une impression de déjà-vu. Mon cœur s'est arrêté, à nouveau.
En fait, il s'est mis à battre quand je suis né. Il a appris à son rythme, mais s'est arrêté lorsque mon père est mort. Puis il s'est remis à battre, grâce à ce garçon, mon petit Eden. Je m'en veux d'avoir donné à ces deux personnes le pouvoir de me briser en mille morceaux en prononçant seulement quelques mots.
Les voir disparaître rend une partie de moi inconsolable. Aujourd'hui, sur ce trottoir, j'ai l'impression que je vais mourir. Et d'un autre côté, ça ne me dérangerait pas.
Lorsque l'on tombe en dépression, un symptôme universel est les idées noires. Les pensées qui nous obsèdent jour et nuit, du matin en se levant, au soir en allant se coucher, jusqu'à ce que l'on donne un peu de repos à notre cerveau.
Ces idées nous suivent à longueur de temps, et certains d'entre nous passent à l'acte.
Soir d'été, souvenir enfouit. Ma mémoire avait bloqué l'accès à ce moment de ma vie, sûrement pour me préserver. Je n'en n'ai pas de grand souvenir, en fait. Personne n'en parle, jamais, alors que je sais qu'ils sont au courant. Je le sais.
Mon souffle se coupe, je suis dans une bulle intemporelle. Mon cœur a cessé de battre une deuxième fois.
- Coucou mon cœur. Ta journée s'est bien passée ? demande mon père.
- Oui papa. Mais je suis un peu fatigué.
- Je suis content de voir que tu vas mieux. Enfin tu as l'air.
- Oui.
Fin de l'été, je ne suis jamais allé aussi mal. Mon envie de mourir s'est intensifiée, jusqu'à atteindre son paroxysme, ce matin.
Je commence à monter dans ma chambre, mais mon père m'arrête.
- Tu ne veux pas manger un petit bout ?
- Non merci.
Il va trouver ça louche, si tu ne manges pas. Il pense que tu vas mieux, joue le jeu.
- Quoi que... je vais peut-être avaler un petit truc.
- J'ai cuisiné des patates. Je m'améliore en cuisine, mais ce n'est toujours pas ça. rit-il.
Je suis content de te voir rire, papa. J'espère que tu afficheras ce sourire toute ta vie, sur ton visage.
Je m'assois à table, tandis qu'il me sert à manger. Je me contente d'avaler deux bouts de pomme de terre avant de faire mine d'être repus.
- Je suis désolé, je me sens vraiment fatigué. Je vais aller me coucher.
- Tu es sûr ? Tu n'as rien mangé...
- Oui. Bonne nuit papa.
- Bonne nuit mon fils. À demain.
Il n'y aura pas de lendemain. Il n'y aura pas d'autre sourire, juste celui-ci que j'affiche avant de monter dans ma chambre.
Marche par marche, je m'approche peu à peu de la mort. Ce n'est pas une journée triste, je vais enfin obtenir ce que je mérite. Je vais enfin être en paix, calme, serein. Pour toujours.
J'ouvre la porte ma chambre, allume la lumière, et la referme derrière moi. J'ouvre le tiroir de mon bureau, et soulève les papiers qui cachent les médicaments que je m'apprête à avaler.
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Eden with love
Romance(tome 2) Cher Eliot, Tu as vécu de sombres moments. En fait, ta vie a toujours été assez sombre. Au début de l'année, alors que tu pensais avoir perdu ta lumière, tu en as trouvé une nouvelle. Mais certaines lumières ne suffisent pas à rallumer un...