La maman des garçons perdus

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 Cette fiction est inspirée par le livre original de Sir James Matthew Barrie, pas par l'adaptation mièvre de Disney ni par celles qui ont suivi (mais je conseille de lire les bandes dessinées de Régis Loisel, il a très bien repris l'esprit merveilleusement sombre du livre).

La couverture est une photo de Joseph Gonzalez sur unsplash.

*

Virginia reposa son torchon et regarda autour d'elle. Il était tard, les garçons allaient bientôt rentrer. La petite maison souterraine était maintenant propre, rangée et le goûter des garçons s'étalait sur la table: des mangues, des bananes et de petites mignardises qu'elle avait fabriquées elle-même. Tout le monde serait heureux.

Comme tous les enfants perdus, Virginia n'avait jamais connu autre chose. Bébé, elle était tombée de son berceau et puisque personne n'était venu la réclamer, les fées l'avaient emmenée au pays de Jamais-Jamais. Elle était la seule fille de leur petit groupe et Peter Pan, leur chef, se montrait extrêmement gentil et protecteur avec elle. Au lieu d'accomplir des tâches dangereuses comme pêcher, grimper aux arbres pour cueillir des fruits ou combattre les pirates, elle restait à la maison, cuisinait, rangeait et faisait le ménage pour tout le monde. Les autres enfants l'appelaient maman et elle faisait de son mieux pour contenter tout le monde, même si elle-même ne se souvenait pas de sa propre maman. C'était sa vie.

Un petit bruit la fit lever les yeux. Quelqu'un frappait à l'un des troncs d'arbres par lesquels on entrait. C'était surprenant car personne ne lui rendait jamais visite à part Lili, une petite fée joyeuse qui entrait toujours sans frapper. Or, cela faisait un mois que Lili n'était plus passée, probablement tuée par quelqu'un qui avait dit à voix haute ne plus croire aux fées. Alors qui pouvait bien frapper au tronc ? Virginia retint son souffle en espérant que ce ne soit pas un pirate.

- Hé! dit soudain une voix. Garçons perdus, êtes-vous là?

C'était une voix d'enfant. Il ne pouvait pas s'agir d'un pirate. A moitié rassurée, Virginia répondit:

- Nous n'avons rien à vous dire. Allez-vous-en!

- Je suis la princesse Rose Sauvage et je vais comme je veux au Jamais-Jamais! Laissez-moi parler à Peter Pan!

- Je suis sa maman et il n'est pas ici! répondit Virginia.

- Sa maman? s'étonna la voix. Il n'a pas de maman!

- Il en a une puisque je suis là!

- Très bien, maman de Peter Pan! Dites-lui que j'ai perdu la broche de MA maman et qu'elle est très importante pour moi. S'il la trouve, dites-lui de me la ramener!

Virginia trouvait cette Rose Sauvage bien prétentieuse mais elle n'avait pas envie de se disputer avec elle. Elle répondit donc:

- D'accord. Je le lui dirai.

Un long silence s'écoula et Virginia finit par comprendre que l'Indienne était partie. Elle retourna s'installer sur le lit pour coudre. Un peu plus tard, les garçons débarquèrent, surexcités, et se précipitèrent sur leur goûter sans prendre la peine de la saluer. C'était comme ça tous les soirs.

Seul Peter sembla s'apercevoir de sa présence. Il s'inclina et lui tendit un petit objet doré.

- Chère maman! s'écria-t-il. J'ai volé cette broche dans le trésor pirate pour toi!

- Mais non! protesta Dart, un des garçons. On a...

Per lui fila un coup de coude. Stupéfaite, Wendy accepta la broche. Elle se demandait où Peter l'avait trouvée.

Peut-être que c'était celle de Rose Sauvage. Dans ce cas, Peter était en train de lui mentir. C'était troublant...

- Elle est très belle, énonça-t-elle. Merci, Peter.

Une maison pour les féesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant