Virginia s'habitua aux mondanités. Ce fut même plus facile pour elle dès qu'elle eut pris ses marques. Vanessa, qui avait hâte de faire ses débuts dans le grand monde, la questionnait régulièrement et se mit à la taquiner à propos de deux noms qui revenaient souvent dans ses propos : Samuel et Edward. Le plus incroyable était que Virginia ne se voyait mariée avec aucun des deux. Elle pensait avoir encore beaucoup de temps.
De dix ans plus âgé qu'elle, Edward était probablement le plus gentleman des deux. Il travaillait au tribunal de Londres, parlait avec affectation et se tenait toujours droit. Il semblait particulièrement intéressé par la beauté de Virginia et lui offrait un bouquet de fleurs tous les premiers dimanche du mois. Cependant, elle ne savait jamais de quoi lui parler et s'ennuyait toujours un peu en sa présence.
Samuel était son contraire. Spontané et un peu maladroit, il n'avait pas encore de situation et étudiait à l'école de médecine de Londres. Virginia l'enviait un peu. En effet, elle voyait encore la main amputée du capitaine James dans ses cauchemars et craignait toujours un peu que la même chose arrive à un de ses proches. Au moins Samuel pourrait soigner et guérir des gens un jour, contrairement à elle.
- Vous savez que l'école de médecine est aussi ouverte aux femmes ? lui demanda-t-il un jour.
- C'est vrai ?!!
- Oui ! Si cela vous intéresse à ce point-là, vous pourriez vous y inscrire.
Virginia se sentait dévorée par la curiosité. Samuel se mit à lui prêter ses livres en cachette et la médecine devint sa passion. La nuit, à la lumière de sa petite lampe, elle lisait et s'imaginait devenir une chirurgienne connue dans le monde entier.
Cependant, un soir, sa mère trouva son livre et s'inquiéta :
- Chérie, où l'as-tu trouvé ?!
- Oh. C'est Samuel, qui me l'a prêté.
- Samuel Brown ? Le fils de Thomas Brown ?
- Oui, mère.
- Virginia... As-tu des sentiments amoureux pour lui ?
Virginia éclata de rire.
- Non, voyons ! Nous sommes seulement amis.
- Dans ce cas, il faut que tu arrêtes de lui emprunter des livres. Les gens pourraient croire qu'il en veut à ta vertu.
- Bien, mère, répondit Virginia, surprise.
En vouloir à sa vertu ? Quelle drôle d'idée ! Quand bien même Samuel aurait voulu faire ce genre de choses avec elle, Virginia ne voyait pas bien en quoi lui emprunter un livre de médecine pourrait « attaquer sa vertu ».
- Sinon, reprit la mère, Vanessa et moi préparons une fête pour ton anniversaire. Qu'est-ce qui te ferait plaisir ?
C'était vrai : elle aurait bientôt 18 ans. Virginia savait exactement ce qu'elle voulait :
- Pourrais-je avoir un livre de médecine, mère ?
- Un... livre ? Tu ne préférerais pas une robe ?
- J'ai déjà beaucoup de très jolies robes. J'aimerais vraiment un livre.
- Eh bien... j'imagine que le libraire vend peut-être des livres pour infirmières. Mais ma chérie, quand tu seras mariée, tu n'auras plus le temps pour ces bêtises !
- Toutes les femmes mariées doivent-elles être identiques, mère ?
- Toutes les femmes mariées doivent être soumises, dévouées et faire passer leur époux et leurs enfants avant elles-mêmes. C'est ça, la beauté du mariage.
Virginia pensa qu'elle avait déjà connu ça. Au pays de Jamais-Jamais, elle se dévouait corps et âme à Peter Pan et aux garçons perdus. Elle rangeait, faisait le ménage et la vaisselle sans jamais rien attendre en retour. Et comment les garçons l'avaient-elle traitée ? Comme leur bonniche.
Peut-être qu'il existait un homme à Londres qui la verrait comme une égale et s'intéresserait sincèrement à elle. Mais elle n'y croyait pas trop. Elle n'avait jamais été amoureuse et l'idée de vivre en couple ne l'attirait pas du tout.
Pourquoi la vie était-elle aussi compliquée ?
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Une maison pour les fées
FanfictionEt si Wendy Darling n'était pas la première petite fille que Peter Pan ait connue?