Rev'nez à midi !

100 5 0
                                    

Ce fut Vanessa qui la trouva dans le jardin, occupée à jeter les morceaux de bois dans un grand sac. La petite sœur alla prendre son aînée dans ses bras.

- Ginny ! Je suis désolée. Papa et Maman sont toujours en colère. Papa dit que tu n'auras pas le droit de sortir pendant une semaine.

- Je sais, répondit simplement Virginia.

- Il n'a pas le droit de faire ça ! s'indigna Vanessa. C'est vrai, c'était mesquin de faire sa demande devant tous ces gens ! Tu as bien fait de refuser !

- Merci.

- Est-ce que je peux faire quelque chose pour toi ?

Virginia regarda autour d'elle pour vérifier que personne ne les regardait, puis sortit une lettre de sa poche et la lui donna.

- Oui. J'aimerais que tu ailles toi-même à l'école de médecine et que tu leur donnes ça.

- Qu'est-ce que c'est ?

- Une demande pour s'inscrire.

Vanessa resta bouche bée.

- Mais... les études de médecine coûtent cher ! s'écria-t-elle.

- Je sais. C'est pour ça que je vais aller à l'agence pour l'emploi. Je serai gouvernante ou bonne d'enfants pour gagner de l'argent avant de devenir médecin.

- Virginia, tu es sûre ?

- J'en suis sûre. Mes rêves valent la peine que je les poursuive.

Vanessa hocha la tête. Contrairement à Virginia, elle s'imaginait pas sa vie sans mariage et sans enfants, et devenir une mère au foyer lui convenait parfaitement. Cependant, elle avait compris que les rêves de sa sœur étaient différents des siens et elle voulait tout faire pour l'aider à les réaliser.

- Je crois que tu feras un médecin formidable, dit-elle en la serrant dans ses bras.

*

Vanessa alla porter la lettre dès le lendemain et revint avec un dossier d'inscription. Virginia frémit en voyant le montant des études. Il lui faudrait passer des années à garder des enfants pour se les payer.

Elle passa les jours suivants dans sa chambre. Vanessa lui avait apporté une caisse usagée, de la cire et des objets divers, et elle s'occupait maintenant à fabriquer une maison de fées, plus grande et plus belle que toutes celles qui l'avaient précédée. Pour les époux Woolshire, c'était bon signe : cette activité enfantine voulait forcément dire qu'elle adoptait maintenant une attitude soumise. Ils se trompaient. Virginia fabriquait une maison de fées pour se rappeler qu'elle devait toujours croire en ses rêves.

Une semaine s'écoula et l'interdiction de sortir fut levée. Virginia attendit patiemment que ses parents soient sortis. Ensuite, avec l'aide de Vanessa, elle se prépara un grand sac où elle fourra le strict nécessaire : des vêtements et des chaussures confortables. Elle vendrait un de ses colliers pour avoir un peu d'argent.

Elles se firent leurs adieux. Vanessa avait les larmes aux yeux et Virginia dût lui promettre qu'elles resteraient en contact. Enfin, Virginia sortit et se rendit jusqu'à l'agence pour l'emploi la plus proche. La réceptionniste ouvrit des yeux ronds en la voyant car la plupart des femmes qui cherchaient un poste étaient habillées pauvrement.

- Vous venez recommander quelqu'un ? s'enquit-elle.

- Non. Je m'appelle Virginia Woolshire. Je cherche un poste en tant que gouvernante.

La dame marmonna quelque chose et fit signe à Virginia de s'asseoir pour attendre. Virginia s'exécuta. Un long moment s'écoula et Virginia finit par se lasser et sortir. Elle reviendrait plus tard.

Où aller ? Elle marcha un peu au hasard et finit par s'arrêter devant un restaurant. Une affichette portait une phrase : « on recherche quelqu'un pour laver la vaisselle. »

Virginia entra avec un pincement au cœur. Elle avait conscience que si on lui accordait cette place, elle allait « voler » le travail d'une personne pauvre et non qualifiée. Ce n'était pas bien. Mais elle pouvait bien faire ça un jour ou deux en attendant de trouver mieux.

- Bonjour, dit-elle à la réception. Je viens pour le poste de laveuse de vaisselle.

- Hein ?!

- Je viens pour le poste de laveuse de vaisselle.

- Rev'nez à midi !

Elle sortit, perplexe, et décida de se chercher un logement. Ne sachant pas où aller, elle marcha à droite et à gauche et finit par se retrouver dans un parc où elle décida d'attendre un peu.

Il était presque midi quand elle revint vers le petit restaurant. Au moment où elle s'approchait de la porte, un fiacre s'arrêta près d'elle et un homme en jaillit et l'attrapa par le poignet.

C'était son père.

Une maison pour les féesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant