Docteur Woolshire

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Les années passèrent. Virginia décrocha son diplôme de médecine avec succès. Elle se sentait vraiment heureuse dans sa nouvelle vie. Sa famille l'aimait, ses amis l'aimaient et elle exerçait le métier qu'elle avait choisi. La vie était belle.

Elle lisait régulièrement des revues médicales et se rendait à des conférences et à des réunions où elle s'entretenait avec d'autres esprits brillants. Elle encourageait et valorisait toujours les autres femmes médecins et celles qui voulaient faire carrière dans la médecine. Son métier la passionnait toujours autant et elle espérait pouvoir soigner un jour des personnes amputées. On lui disait qu'on n'arriverait jamais à effectuer des greffes de mains ou de pieds mais pourquoi cela serait-il impossible ? Peut-être qu'un jour, elle serait la première personne à réussir ce type de greffe.

Quand elle en avait le temps, elle adorait passer du temps avec les enfants de Vanessa. Elle leur lisait des histoires ou jouait aux dames ou à d'autres jeux avec eux, mais ce qu'elle aimait le plus, c'était fabriquer des maisonnettes de fées avec eux. Elle le montrait comment on aménage l'intérieur d'une boîte pour en faire une jolie maison en miniature. Les enfants adoraient passer du temps avec « Tata Ginny ». Quand ils lui demandaient si les fées existaient, elle répondait toujours la même chose : « croire aux fées, c'est croire en ses rêves. Croire en ses rêves, c'est faire le premier pas pour les réaliser. »

*

Un jour, Virginia reçut la visite d'une mère de famille qui amenait sa fille en consultation. Cela arrivait souvent car beaucoup de femmes se sentaient plus en confiance avec une femme médecin. La petite fille insista pour se trouver seule avec elle. Virginia l'examina et constata que tout allait bien avec elle, ce qui n'était pas étonnant puisqu'il s'agissait simplement d'une visite de contrôle.

- Tu as grandi de deux centimètres ! constata la docteure.

- Oh, c'est dommage ! s'écria la petite fille.

- Pourquoi ? Tous les enfants grandissent, c'est normal.

- Mais quand on grandit, on arrête de voir les fées et les choses magiques !

- Non, la magie ne s'arrête pas quand on grandit. On la voit différemment, c'est tout.

La petite fille détourna le regard et se mit à regarder une aquarelle que Virginia avait accrochée au mur. C'était celle de la fée Cresca, qu'elle avait peinte pendant les vacances quand elle avait 14 ans.

- Il est joli, ce tableau, dit-elle. Vous l'avez fait vous-même ?

- Oui, j'aime bien peindre.

- Et votre mari aussi ?

- Je ne me suis jamais mariée. Je préfère ma liberté.

- Mais... toutes les femmes doivent se marier, non ? C'est terrible de finir vieille fille !

Virginia leva les yeux au ciel. Encore une enfant complètement endoctrinée ! Enfin, elle avait au moins l'occasion de lui parler.

- Pas forcément, expliqua-t-elle. Ma sœur est mariée et heureuse, je suis célibataire et heureuse. Il y a aussi des femmes qui sont malheureuses quelle que soit leur situation. On est toutes différentes.

- Et les garçons ?

- Même chose. Il y a des hommes qui se marient, d'autres non. Mais si tu veux un bon conseil, quand tu seras grande, évite à tout prix les hommes qui te disent qu'ils ont 'gardé une âme d'enfant'. Ce sont les pires.

- Pourquoi ?

- Ce qu'ils cherchent, c'est une mère, pas une compagne.

- Moi, j'aime bien jouer à la maman, répondit la petite fille. Je m'occupe bien de mes petits frères.

- C'est ton droit. Mais peut-être qu'un jour, tu auras envie d'autre chose. Tout est possible.

- Vous croyez ? Quand même, il y a un garçon qui ne grandit pas. Il est déjà entré dans ma chambre la nuit.

Virginia se sentit envahie par la peur. Il n'y avait qu'un seul garçon au monde capable de faire ce genre de chose.

- Ce garçon... il n'aurait pas une ombre capricieuse, par hasard ?

- Si ! Vous le connaissez, docteur Woolshire ?

- Rappelle-moi ton nom, s'il te plaît.

- Wendy. Wendy Moira Angela Darling.

- Bon. Écoute-moi bien, Wendy, c'est très important. Si un garçon que tu ne connais pas te propose de partir très loin, tu ne dois surtout pas lui faire confiance. Jamais. Ça pourrait te mettre très en danger.

Wendy hocha la tête mais Virginia ne se sentait qu'à moitié rassurée. Elle avait un mauvais pressentiment concernant ce qui allait se passer.

Quelques nuits plus tard, les trois enfants Darling s'enfuirent par la fenêtre de leur chambre. Virginia dormait et ne se réveilla pas quand une ombre passa sur les toits, tout près de sa maison. Virginia Woolshire croyait toujours aux fées mais elle était devenue adulte et pleinement épanouie et plus personne n'abuserait jamais d'elle.

Une maison pour les féesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant