Une nouvelle vie

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Virginia ouvrit les yeux. Elle se trouvait dans une chambre blanche. Son dos lui faisait mal, sa tête était lourde et elle se sentait très fatiguée.

Près d'elle, une petite fille se tenait assise sur une chaise. Elle sauta sur ses pieds en la voyant ouvrir les yeux.

- Tu es réveillée! s'écria-t-elle.

- Où suis-je? balbutia Virginia.

- Au manoir Woolshire, évidemment! On a eu très peur quand on t'a trouvée au fond du jardin. Tu étais si malade! Je m'appelle Vanessa, et toi?

- Virginia.

- C'est joli, Virginia! Tu veux du bouillon de poulet? Maman dit que ça fait du bien quand on est malade. On va retrouver tes parents. Tu habites loin ?

Virginia n'avait jamais rencontré un pareil moulin à paroles. Elle parvint à poser quelques questions et apprit qu'elle se trouvait à Londres, dans le monde réel. Ça alors. Comment était-elle arrivée ici?

- Mes parents ne viendront pas, dit-elle enfin.

- Tu crois? C'est pas grave, on va s'occuper de toi. J'ai toujours rêvé d'avoir une grande sœur!

Virginia avait toujours du mal à comprendre ce qui lui arrivait. Quand les parents de la petite Vanessa, William et Jane Woolshire, vinrent prendre de ses nouvelles, ils constatèrent qu'elle ne savait même pas manger avec des couverts et qu'elle ignorait complètement les choses que tous les enfants anglais connaissent, comme le prénom de la Reine ou le nom du fleuve qui traverse Londres. D'où sortait donc cette sauvageonne?

Lord Woolshire signala le problème à la police et fit passer une annonce mais personne ne vint chercher Virginia. Vanessa se sentait triste pour elle mais en même temps, elle était ravie. Pour la première fois, elle avait une amie à qui faire découvrir le monde! Comme la petite était polie et respectueuse et que les époux Woolshire n'avaient pas le cœur de l'envoyer dans un orphelinat, ils l'adoptèrent officiellement.

Virginia était soulagée mais au fond d'elle, elle avait toujours un peu peur d'être abandonnée. Pour être certaine de rester au manoir Woolshire, elle fit tout pour devenir la petite fille obéissante et bien élevée qu'on attendait qu'elle soit. Les premiers jours, il fallut l'empêcher de faire le ménage dans tout le manoir. Jane Woolshire dût lui expliquer qu'elle appréciait son aide spontanée mais qu'on ne lui demanderait jamais de cirer tous les parquets. Si elle faisait son lit et gardait sa chambre rangée, ce serait bien.

Virginia dût tout apprendre: lire, écrire, compter, manger avec des couverts, ouvrir et fermer des portes sans bruit, se tenir bien droite, prendre des leçons de valse, d'aquarelle et de clavecin, prendre des bains, se laver les mains plusieurs fois par jour, porter de petites chaussures étroites et des rubans dans ses cheveux... Ce fut difficile mais elle accepta tout bravement. Quand elle avait un peu de temps, elle jouait avec Vanessa, sa nouvelle sœur. Elles lisaient des livres d'image, jouaient aux dominos, faisaient semblant d'être des princesses et des guerrières.

Vanessa fut émerveillée quand sa grande sœur lui proposa de bricoler une maison pour les fées. Elles récupérèrent une vieille boîte en bois, calfeutrèrent les trous avec de la cire et la tapissèrent de mousse. Ensuite, elles fabriquèrent des meubles avec ce qu'elles trouvèrent : des bouchons de liège, des bouts de tissu, des cure-dents et du fil de fer. La maison terminée, Vanessa battit des mains :

- Maintenant, on n'a plus qu'à attendre que les fées viennent s'y installer !

- Les fées habitent très loin, fit remarquer Virginia. Ici, c'est dangereux pour elles. Mais si elles viennent nous rendre visite, elles auront une jolie maison où passer la nuit.

Le soir venu, les filles installèrent la maison dans le jardin. Quand leur mère vint leur souhaiter une bonne nuit, Vanessa lui raconta leurs jeux. Jane l'embrassa bien fort, puis alla parler à Virginia :

- Tu es vraiment une grande sœur merveilleuse pour Vanessa, lui dit-elle.

- Merci, mère.

- Et plus tard, tu seras une mère merveilleuse pour tes propres enfants.

Virginia se redressa, confuse.

- Pourquoi dites-vous cela, mère ?

- Parce que je le pense ! Quand tu auras quinze ans, je te présenterai à des jeunes gens de la bonne société. Tu te trouveras un mari et tu deviendras une bonne épouse et une bonne mère.

Virginia acquiesça et la laissa la border dans son lit. Elle n'osait pas exprimer son malaise à voix haute. Devenir une femme de la haute société, se marier, avoir des enfants, cela ne l'intéressait pas vraiment. Elle préférait continuer à rêver.

- Bonne nuit, mère.

Une maison pour les féesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant