A la grande gloire des guerres médiques: marathon

Chapitre 13) Deux cent dix stades

Lorsque Miltiade et Thémistocle redescendirent vers la plaine, ils trouvèrent l'armée dans un piteux état, du moins en ce qui concernait la discipline. Rien de bien surprenant. La bataille étant terminée, les hoplites épuisés s'affalaient sur le sol, soignant les blessés, pansant les plaies, certains cherchaient déjà à faire cuire quelques monceaux de nourritures empilés à la va vite tandis que d'autres pillaient avidement le camp abandonné des Perses.

Ceux-là désenchantèrent bien vite, car le butin de la campagne d'Artapherne ne se trouvait ni ici, ni à bord de leurs navires. La prévoyance du prince l'avait fait déposer en cours de route, en lieu sûr.

Quoi qu'il en soi, le désordre était seul maître de la plaine.

Miltiade soupira mais Thémistocle lui fit cependant remarquer qu'à première vue, les pertes dans leurs camps étaient minimes, et que la très large majorité des corps étalés sans vies sur le sol provenaient des Mèdes.

Et Miltiade de le réprimander une nouvelle fois, quant à la vacuité de cette information dans l'instant présent.

Thémistocle préféra ne pas insister. Le stratège était dans un mauvais jour, et malgré la victoire, il semblait obnubilé par la fatalité.

Fort heureusement pour eux, les deux Athéniens aperçurent Polyzélos non loin d'un des joueurs de salpinx(1). Le reste des stratèges, du moins ceux qui avaient survécu, devaient encore être éparpillé de çà et là, coordonnant la récupération de l'armée.

Polyzélos dû les entendre arriver, car il se tourna alors dans leur direction. La balafre couvrant ses deux yeux avait commencé à cicatriser, mais la pâle lueur qu'ils dégageaient de laissait aucun doute possible quant à sa cécité. Thémistocle avait entendu que son camarade de rang avait été frappé à mort par un Perse, affaiblissant la garde du stratège. A ses côtés reposait un Athénien, les yeux clos, littéralement, sa main droite avait été tranché et récupéré afin de reposer aux côtés de son corps.

- C'est toi Miltiade ? demanda-t-il alors. Je crois reconnaître ton pas lourd sur le sable, toujours a raclé la terre et la poussière comme si tu venais de recevoir de mauvais augures. Il parla d'un ton qui se voulait joyeux, mais même ainsi forcé, le stratège ne parvint à dissimuler son mal être, qu'il ne chercha d'ailleurs plus du tout à dissimuler lorsqu'il reprit après une courte pause. Et pourtant Miltiade, si c'est bien toi, j'aimerai savoir quelle mauvaise nouvelle peux-tu bien porter. Ou bien te prendrai tu pour Ulysse à venir prendre conseil d'un vieil aveugle(2) ? Auquel cas tu seras fort déçu, les dieux m'ont béni pour mener ce combat, mais ma vision s'en est allée sitôt cette bataille achevée.

- Stratège Polyzélos, commença Miltiade. Je suis désolé pour tes yeux.

- Ne le sois pas ! lâcha celui-ci en retour. Ils sont un bien piètre prix pour notre victoire. Dis-moi plutôt ce qui t'amène, et qui se trouve à tes côtés ?

- C'est moi, Thémistocle, répondit l'intéressé. Et je crains que ce qui nous amène ne soit la guerre. Puis, se tournant vers le trompettiste, Thémistocle lui demanda de battre le rappel, avant de se tourner à nouveau vers Polyzélos tout en désignant le corps du doigt. Qui était ce ?

Polyzélos tourna la tête vers la voix du stratège, ne semblant pas comprendre de quoi parlait Thémistocle. Celui-ci le regarda en retour, et ses yeux croisèrent à nouveau les globes blancs, balafrés du stratège, alors seulement Thémistocle, se sentant idiot d'avoir déjà omis la cécité de son ami, précisa sa question.

- Excuse-moi Polyzélos, je...n'avais pas.

- Inutile de t'excuser, le coupa t'il en retour. Je ne suis ni un poids ni un infirme, je suis un citoyen d'Athènes ! Alors parle ! Et toi aussi Miltiade, ne me ménage pas, je suis aveugle, pas sourd, pourquoi battre le rappel ?