19 mai 2023
366 Arroïlabaïta bidea, 64500, Urrugne
Harold,
Pardonne moi d'avoir mis tant de temps à te répondre. Nous sommes partis en vacances ; c'était chouette. Mes parents étaient ravis même s'ils ont râlé sur le personnel. Je crois que secrètement, ça les amuse de tout contrôler et de faire entendre leur voix. Ils se chamaillent de plus en plus ces temps-ci, sans doute à cause du stress. Ils ont dû mal avec le fait de me laisser partir. Car oui, je vais bientôt déménager. J'ai été prise dans une fac de psychologie à Londres donc dès que j'ai mon bac, je mets les voiles. A moi la liberté ! A moi ma télécommande et le choix de mes programmes ( je mets une option sur « Le meilleur Pâtissier »). Pourtant, tu vas me manquer. Cela me fera bizarre de ne pas avoir des nouvelles de toi, de ne pas te partager ma vie.
J'ai fait ton exercice de visualisation hier soir, avant de me coucher. Tu sais, j'ai toujours eu du mal à m'endormir et tu m'as bien aidée.
Devant mes yeux fermés, j'ai vu apparaître peu à peu une herbe verdoyante, un ciel parsemé de quelques nuages rosés et un coucher de soleil. Je m'y suis sentie à l'aise. Toutes mes angoisses enfermées dans cette boule de lumière s'en allaient au loin. Elles se sont éloignées, se fondant dans des couleurs telles que l'orange, le jaune et le rose pastel. Le vent me portait des effluves de lavande et de romarin. Le bruit d'un cours d'eau qui glougloutait paisiblement m'a bercée et j'ai sombré dans le sommeil. Alors que le paysage s'effaçait, je l'ai vue. Debout sur une colline une femme regardait l'horizon. Elle ne s'est pas retournée mais dès l'instant où mon regard s'est posé sur elle, j'ai su, instinctivement, que je la connaissais. Qu'elle était importante dans mon histoire. Mais elle ne s'est pas détournée de l'objet de sa contemplation.
Je dois te laisser et ranger ma feuille avant de quitter la maison. Bises à ta famille et à ta petite Juliette,
Maëlle
Ps : Excuse-moi, je ne peux pas trop t'écrire en ce moment mais je pense fort à toi et à ma perruche préférée.
PPS : « Date » se prononce « deyte », enfin en quelque sorte...
Les mains tremblantes et les yeux emplis de larmes, Maëlle met le dernier point à sa lettre. Allongée sur le dos, elle fixe le plafond. Ses pensées dérivent vers la mer. Cela fait bien longtemps qu'elle ne l'a pas vue. Ses roulements apaisants lui manquent terriblement. Elle en aurait bien besoin.
Elle est tirée de sa rêverie par une voix puissante qui brise sa bulle silencieuse:
" Mademoiselle Lordfort, vous êtes attendue dans la salle 43. Ne vous inquiétez pas, tout va bien se passer "
Tout va bien se passer. Les mots résonnent dans son esprit, tournent en une boucle infinie. Depuis quand tout avait arrêté de bien aller ? Après l'annonce, rien ne s'est passé comme prévu. Elle le sait parfaitement; elle n'ira pas mieux. Elle n'en peut plus de ces espoirs insensés, de ces désillusions. Se laisser aller, oublier. Ne plus penser surtout. Respirer. Encore. Fermer les yeux, se détendre et attendre. Faire confiance aux médecins.
Puis le calme l'emplit tout entière et elle ferme les yeux.
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Un homme se tient devant la porte. Son flegme naturel, sa confiance en lui et son assurance parfois exagérée ont complètement disparu, remplacés par l'angoisse la plus terrible. Même avant de monter sur scène, le trac n'est pas aussi intense. Il recule, terrifié. Ses mains moites s'agrippent à une boîte de chocolats qu'il vient tout juste d'acheter. Elles tremblent tant qu'il a peur de la faire tomber.
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Les Lettres De Maëlle
Teen FictionElle. Pas tout à fait une enfant, pas encore une adulte. Lui. Un vieil homme qui a vu la vie, qui en connait tous les rouages. Deux inconnus. Deux personnes que rien ne prédestinait à se rencontrer. Mais pourtant, le hasard les a réunis. Un coup...