Chapitre 23

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 21 avril 2023

366 Arroïlabaïa bidea, 64500, Urrugne

Harold,

Je suis tellement contente pour toi ! Tu vas redevenir grand-père ? Est-ce Jules qui va avoir un petit frère ou une petite sœur ou est-ce qu'Alizée est enceinte ? Tu dois être tellement heureux. J'ai conscience de l'importance que revêt ta famille, conscience de ton rôle de pilier en son sein.

Tu sais, ce que tu m'as écrit m'a fait réfléchir. C'est vrai, je me ferme la porte de l'amour. J'ai toujours dit que je n'en avais pas besoin. Que j'étais plus forte que ça. Je me suis refusée à dépendre d'autrui. J'ai été une enfant indépendante, soucieuse de s'en sortir par elle-même, dans le but de prouver qu'elle était douée. Puissante. Et ça me plait. Oui, j'aime avoir le contrôle sur ma vie, j'aime être celle que je veux être et non pas celle qu'un autre préfère.

Je me suis souvent moqué des "crushs" de mes ami(e)s , souvent ris devant leur bêtise totale et leur façon d'espionner, de s'interroger sur la personne qu'elle pensait aimer. Car c'est bien vrai, ce n'était pas de l'amour. Loin de là. Quand on aime, on accepte que l'autre nous oublie pour qu'il puisse avancer. Quand on aime, on sait s'effacer quand le besoin se fait sentir ou alors être le confident idéal. Quand on aime, on se met à trembler devant cette personne, à se soucier de chaque partie de lui. On s'en fiche alors des personnes qui lui tournent autour, tant qu'il ou elle est heureux ou heureuse. On ne tombe pas éperdument amoureux d'un corps, d'une apparence mais d'un esprit. De la manière dont l'autre se comporte avec vous. Oui, il y a une différence flagrante.

Aimer. Synonyme de torture, à mon humble avis. Pourtant, j'ai aimé. Je l'ai aimé lui, j'aime mon frère même si lui me hait cordialement et j'aime mon papy Harold. Tu sais, je crois que c'est grâce à toi que j'ai ouvert mon cœur. Que je me suis laissée aller un peu plus. Pour lui, il est sans doute trop tard. Je l'ai protégé du mieux que j'ai pu et je ferai de même avec toi, je te le promets. Je ne vous ferai pas souffrir inutilement . Pour mon frère et bien, c'est perdu d'avance mais je m'en suis fait une raison. Alors j'en souris. Je souris devant ses piques et ses allusions à ma non-parenté avec mon père. En effet, il est persuadé que je suis une enfant illégitime. Tu peux t'en douter, cela me fait doucement rire ; tant qu'à faire, il peut me dire que j'ai été adoptée. Cela me permettrait d'éviter de voir sa tête tous les matins et de devoir reboucher la bouteille de lait qu'il laisse toujours ouverte. Ou encore de faire attention qu'il reste toujours des mouchoirs dans le placard car monsieur a le nez qui coule ! Rien que de l'écrire, je me mets à rire. Je revois sa tête quand il n'y avait plus de kleenex à la maison et qu'il a dû se moucher avec du sopalin. Il avait un gros rhume et les parents avaient oublié de passer au supermarché pour lui acheter ses petits mouchoirs adorés. Il avait passé la soirée à râler sur la texture et le pauvre taux d'étanchéité de « cette abomination de la nature ». Il peut bien dire tout ce qu'il veut mais je suis et reste sa sœur, même s'il ne veut pas de moi.

Quand je reçois tes lettres, quand je les lis, je sens dans chacun de tes mots l'amour que tu portes aux autres. Dans toutes ces virgules, dans tous ces fragments de ta vie que tu acceptes de me raconter, je pourrais presque toucher ton affection envers Juliette, ton amour calme, loin de la passion démesurée bien connue ici-bas pour Héloïse. Tout est tellement puissant quand cela en est presque palpable. Tu es vrai. Authentique. Tu ne te mens pas et tu accordes de l'importance à tes émotions. Cela fait de toi un sage. Tu es mon modèle. Celui que j'admire et j'espère un jour pouvoir faire de même. Réussir à laisser parler mon cœur entièrement et arrêter de me mentir. Mais à chacune de nos missives, je me trouve grandie. Comme si chaque lettre était une leçon de vie, une étude qui me permettrait de m'élever et de toucher les étoiles.

Les Lettres De MaëlleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant