Chapitre 1

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[JULIEN SCHWARZER]Marseille, Novembre 2008

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[JULIEN SCHWARZER]
Marseille, Novembre 2008

Je reprends une taffe de mon joint, je regarde mes potes en train de faire de la merde et je pouffe de rire en recrachant cette satanée fumée.
J'sais que je suis en train de me détruire la santé, mais j'en ai plus rien à foutre. J'crois même que ça m'arrangerait de crever assez rapidement. Comme ça, j'aurais plus à vivre cette chienne de vie.

C'est tellement le bordel dans ma vie que je sais même plus comment faire pour tenter de m'en sortir. J'ai pensé au deal, mais je supporterais pas de voir pleurer ma mère par mes conneries. Elle a déjà trop souffert pour que j'en rajoute une couche.

Tout d'un coup, je serre la mâchoire quand, en me promenant dans les rues avec mes frères, on passe devant le cabinet des huissiers. C'est à cause d'eux tout ça, de toute façon.

Avec mes parents, on fait partie de la classe moyenne. Ceux qui gagnent trop pour avoir des aides, mais pas assez pour pouvoir finir le mois. Alors la visite des huissiers, qui viennent saisir tes meubles, avec leur foutu sourire aux lèvres en vue du travail accompli, c'est devenu une routine. Alors on déménage, encore et toujours, dans l'espoir de trouver enfin un appartement avec un loyer raisonnable. Tout ça, c'est notre vie, comme celle de plein de marseillais finalement.

Tout comme voir mon père rentrer du travail ivre, le visage rouge et bouffi par l'alcool, vociférant toutes sortes d'insultes envers ses cons. Le visage apeuré de ma mère, et la crainte de se prendre un mauvais coup un jour, sous la colère et le sang chaud de mon père, tout ça rythme aussi mon quotidien depuis tellement de temps que je ne me souviens plus de quand tout ça a commencé exactement. Peut-être depuis toujours, finalement.

—ça va ? Me demande mon ami Angelo, me voyant avoir le regard dans le vide

-ouais. Je hausse les épaules

En vrai, je sais même pas si ça va ou pas. Je sais plus. J'vais faire un bac pro clim, alors que j'voulais faire du médical, juste parce que quand j'ai dit que je voulais rentrer vite dans le monde du travail, on m'a mal orienté. Mon père alcolo a décidé de s'barrer d'la maison comme ça, sans prévenir, nous laissant seuls, ma mère, moi et notre merde. Il s'est limite volatilisé dans la nature et j'crois pas que j'vais faire un effort pour essayer de le revoir. Nan. J'lui en veux trop.

Pas par rapport à l'alcool. Ça j'peux le comprendre. Il donne sa santé au travail, pour un salaire de merde, et malgré les deux salaires, le sien et celui d'ma mère, infirmière, on a quand même du mal à joindre les deux bouts. Alors évidemment que quand tu sors du taf, t'as juste envie de te vider l'esprit, et de penser à autre chose qu'aux lettres de relance EDF. Et franchement, ouais, l'alcool c'est un bon moyen pour oublier. Sinon, pourquoi l'expression dirait « boire pour oublier » ?

Là où la pilule a du mal à passer, c'est plus sur le fait qu'il nous abandonne. Il a p't'être ses raisons, et je suis sûrement pas au courant de tout, parce que vu comment ma mère le défend, c'est certainement parce qu'elle sait quelque chose que je sais pas. Mais même s'il a des circonstances atténuantes, je reste persuadé qu'il avait pas le droit de nous faire ça.

Là on se retrouve vraiment comme deux cons, à être à découvert dès le 10 du mois.
Alors nan, j'suis plus si sûr que ça que ça aille vraiment.

On décide d'aller se poser à Kalliste, notre quartier général finalement. Mais je ralentis ma marche et saisis le bras de mon ami quand je vois une nouvelle voiture garée pas loin. Et au vu d'la marque et de l'état de la carrosserie, le proprio a l'air d'avoir un sacré paquet de pognon.

-tu sais elle est à qui ?

Angelo: de quoi ? Il demande, perdu

-la tchop. Je lui désigne le bolide d'un signe du menton. Tema elle a l'air neuve

elle est aux nouveaux. Intervient un autre de mes amis qui a visiblement entendu la conversation. Une famille de toubibs blindés aux as.

-ils ont pas honte sérieux de nous vomir leur fric à la gueule ? Nous on s't'aille les veines pour un 1200 euros et lui il s'pavane avec ça. Un rictus de dégoût prend place sur mon visage.

Angelo: ils vont pas durer longtemps ici, moi j'te l'dis. Ils ont envie de voir comment on vit ici comme si on était au zoo et qu'on était du bétail. Quand ils nous auront suffisamment vu, et qu'on aura rayé leur voiture toute neuve, tu verras qu'ils vont vite partir. J'hoche la tête, sûr qu'il a raison.

A ce moment, on voit une gadjj sortir d'un bâtiment, suivant un couple plus âgé. Elle tourne la tête vers nous, nous sourit et nous fait un petit signe de la main gauche pour nous dire bonjour, sa main droite portant son sac LV.

Le A: c'est eux. Je tourne la tête vers lui. Les LEROY. En tout cas, j'crois que t'as tapé dans l'œil de leur fille ! T'as vu comment elle t'as maté ? Tu devrais t'la faire ! Il me donne un coup d'épaule sous les rires de mes potes

-nan. Ça m'intéresse ap'. Elle veut juste un coup d'bite d'un mec de rue pour pouvoir se faire mousser auprès d'ses potes les bourgeois. Les filles de riches, c'est toutes des timpes de ce style de toute façon. Elles veulent trop prouver que c'est pas des fifilles à papa alors elles tentent de faire genre en s'affichant avec nous. Elles sont dans leur période de rébellion comme des gamines

t'as tord ! Elle est sacrément bonne celle-là ! Enfin bref. Ça te dérange pas du coup si je me la fais ?

-fais c'que tu veux poto, j'te dis, j'm'en fous d'elle, elle m'intéresse absolument pas. Et puis c'est pas mon style. J'préfère les brunes bien salope. On rigole tous comme des attardés avant d'être interrompus par la voix d'un homme

—LAURA ! TU VIENS OU QUOI ?

La blonde de tout à l'heure répond j'sais pas quoi au mec et se dépêche de rattraper ses parents en trottinant du mieux qu'elle peut avec ses talons. 

Mais même à l'arrière de la voiture, elle a continué à nous regarder, à me regarder, longuement. J'crois qu'finalement, mon pote avait pas tort quand il disait que j'lui avait tapé dans l'œil.

Mais si on m'avait dit ce qui allait se passer avec cette gadji, j'l'aurais pas cru. Le début des problèmes ne faisait que commencer...

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Première rencontre (furtive) entre Laura et Julien ...

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