Outer Banks - La princesse de la Plaine

Chapitre 1

On ne présente plus les Outers Banks. Ces îles, formées par le sable et la mer, dont la différence de classe sociale persiste comme une gangrène sur une blessure mal soignée. D'un côté, Figure Eight. Quartier résidentiel pour les riches avec leur académie réservée à leur pseudo-élite. De l'autre, la plaine. Là où les gens doivent prendre deux boulots vivent.

C'est là qu'Emilia vit. Entre le lycée et son boulot chez les riches, elle doit aussi gérer son petit frère de cinq ans. Leur mère est morte lors d'une énième tempête il y dix ans, et depuis, c'est leur père qui s'occupe d'eux. Enfin, dire qu'il s'occupe d'eux est peut-être un peu trop gros. Outre le fait qu'il profite des aides que touche la famille, il boit dans les bars miteux de la ville, se met sur la gueule avec d'autres et aime prendre des rails de poudre blanche. Sinon dit, il croule sous les dettes, mais refuse de bosser pour "nourrir la gueule à deux sales mioches".

Alors Emilia s'y colle.

C'est d'ailleurs ce qu'elle fait. Son chariot de ménage en main, elle est en train de dépoussiérer les meubles impeccables de la famille Cameron. Rose a accepté de l'embaucher sur un coup de tête. Décision qui a fait jaser puisque Ward ne veut pas d'intrus chez lui. Alors le compromis est qu'elle ne rentre pas dans son bureau et seulement là. Rangeant à sa place un des bibelots à mille dollars de la famille, elle entend la porte d'entrée s'ouvrir.

- Putain Sarah !
- Laisse-moi tranquille Rafe ! Quand est-ce que tu vas comprendre que...

La blonde s'arrêta en voyant la demoiselle agir comme s'ils n'étaient pas là. Elle envoie un sourire à son frère dont la colère rougit son visage. Elle s'avance doucement vers la petite femme de ménage.

- Salut Lia, ça va ?
- Oui et toi ?
- Ça va. Dis-moi, tu aurais un avis concernant mon frère ?

Elle stoppa son mouvement, releva les yeux vers elle, cherchant la moindre ironie. Mais non, la princesse Kook semble vouloir une réponse. Alors elle regarde Rafe qui semble se détendre. Leurs regards s'accrochent un millième de seconde et la fille de la Plaine finit par détourner les yeux.

- Vous êtes mes employeurs Sarah.
- Et alors ? Je suis sûr que tu as un avis. Rafe est un gros con ou pas ?
- Arrête de la saouler Madame la Parfaite !

Et le ton monte entre les deux Cameron. Emilia profite de ce moment pour ranger son chariot et partir mettre le linge à sécher. Mais après avoir verrouillé le programme, elle se retourne et sursaute. Rafe se tient là, les bras croisés et ses sourcils froncés.

- Tu... Tu m'as fait peur.
- Tu as été dans ma chambre.

Son regard était sombre et elle recula légèrement. Dire que le Kook lui faisait peur serait un euphémisme.
Il le remarqua et arqua un sourire tout en s'approchant plus.

- Tu as été dans ma chambre, oui ou non ?
- Je... Oui...
- Bien.

Il recula, l'air satisfait de la réponse. Emilia le fixa sans comprendre le pourquoi du comment. Il était connu pour ses élans de violence, pour son mauvais caractère et surtout, pour martyriser tous ceux qui lui tienne tête.
Pourtant, là, il partit simplement, laissant la demoiselle dans son angoisse.
Il lui restait une heure avant la fin du séchage, et dans le jardin, comme proposé par Rose, elle entreprit de faire ses devoirs. C'était bien le seul endroit où elle pouvait le faire. À 19 h, la voisine allait lui ramener son frère. Et vers 21 h, son père allait sûrement rentrer, un sac d'insulte en bouche, et les coups faciles. Rien que d'y penser, un frisson malsain lui prit l'échine. Elle ne supportait pas ça, mais elle ne le faisait pas pour elle, mais bien pour seul être humain qui compte à ses yeux.
Finalisant son devoir de mathématiques, elle vit la blonde sortir de la maison, cherchant visiblement quelque chose des yeux.

- Emilia, tu aurais vu Wheezy ?
- Elle est partie avec Rose il y a une heure. Un rendez-vous chez l'ophtalmo.
- Ah oui, c'est vrai ! Merci !

La princesse Kook pouvait ressembler à ces filles bien habillées qui vivent avec un regard méprisant pour le restant de la chaîne alimentaire. Mais non. Sarah Cameron était un ange descendu du ciel. Jamais une remarque méchante ou un regard hautain. Juste des sourires et des regards complice. .
Prenant un siège, la blonde se pencha sur les mathématiques et l'aida. Voilà un rituel qu'il valait mieux taire. Surtout leurs commérages.  Mais les devoirs se sont éternisés, et c'est en courant, qu'elle voulue attraper l'un des rares bus à passé ici. Mais c'était trop tard. Essoufflée, elle sentit ses larmes montées.

- Je t'emmène ?

Rafe. Il était sur sa bécane, un pied au sol.
Mon offre n'est valable qu'une fois Stevenson.
Et elle accepta. Lui non plus n'était pas comme tout le monde le décrivait. Emilia l'avait vu de ses propres yeux, la différence d'attention que Ward accordait à ses enfants. L'un était "un échec, une honte" et l'autre, "la perfection incarnée".
Le trajet ne dura pas longtemps ainsi et elle descendit.

- Merci.
- Ne me remercie pas. J'aurais un service à te demander plus tard.

Et il partit en la laissant là, avec un simple clin d'œil. Elle soupira. La voix de la voisine lui fit chasser sa mauvaise humeur. Son frère la prit dans ses bras et elle se baissa.
Et la semaine passa dans un automatisme ordinaire. Lycée, boulot, Franck, son père, dodo. Et rebelote. Pourtant, en pleine semaine, la voisine accepta de garder le petit. Remarquant les cernes bleus qui vieillissaient les traits de la jeune fille. C'est donc dans son lit qu'elle passa l'après-midi et que ses yeux se sont fermés. Elle était paisible pour la première fois depuis longtemps. Elle se permettait enfin de souffler. Mais un cri la réveilla. Son père était rentré. Stressée, elle prit son réveil. Il était 21 h 47. Et elle n'avait pas fait manger. Emilia n'eut pas le temps de se ronger les ongles dont son père arriva.

- Espèce de salope !

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Voilà, un premier chapitre. Bon, je commence doucement, je sais. Mais la suite arrive !