Chapitre 5

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Au château, le blond resta un moment à fixer la demoiselle, puis il se laissa tomber à côté d'elle, la faisant sursauter.

- Tiens. Ça te fera du bien.
Il lui tendait son joint entamé de moitié. Elle hésita, mais sa main se leva vers la feuille roulée et la première bouffée la fit tousser. Il ri légèrement en lui avançant un verre d'eau. Puis la seconde passa mieux et la troisième encore mieux. J.J la gardait à l'œil et profitant de l'effet somnolant du joint se lança.

- Pourquoi tu rejettes Kie?

Elle lui lance un regard lourd et rougit.

- Parce qu'elle aurait dû me laisser où j'étais.

Le blond soupira.

- Parce que toi morte ça aurait changé quelque chose ?
- Non. Mais je n'aurais pas à vivre avec ça.

Elle prit une nouvelle taf, elle parlait. Elle qui voulait garder le silence, il la faisait parler.

- Kiara était inquiète. Ses parents aussi. Le prof, le proviseur aussi.

Emilia ricana en soufflant ses fumées grises.

- Ils sont inquiets ?

Son visage était crispé et elle se tourna bien vers lui. Celui qu'elle avait bousculé, pas plus tôt que ce matin, celui qui avait toutes les filles de l'île dans son lit.

- Je vais te dire pourquoi ils étaient inquiets. Parce que j'ai arrêté d'être celle qu'ils avaient l'habitude de voir. Parce que je ne pourrais plus être comme avant.

La demoiselle serra sa mâchoire en fixant le garçon face à elle.

- Et pourquoi pas ?

J.J savait qu'il y avait autre chose derrière ses yeux ternes de vie, mais il ne savait pas quoi. Et il voulait savoir.

- Parce qu'on ne répare pas une assiette qui est fissurée en petits morceaux, on ramasse les morceaux et on les jette tous à la poubelle. Et on en achète une plus tard.
- Et ton frère ?

Son regard changea de tout au tout. Ses deux perles inertes devinrent brillantes de haine et de colère. Mais J.J s'en fichait pas mal qu'elle s'énerve. Au contraire, elle vivrait, même alimentée par la haine, elle vivrait. Il le sait. Il connaît ce fonctionnement pour le pratiquer tous les jours.

- Ne parle pas de lui sans le connaître.
- Kiara s'inquiète pour toi, comme pour lui.
- Kiara ne sait rien !

Elle s'était levée et il la regarda d'en bas. Assis sur ce canapé en osier troué. Et elle le surplombe facilement.

- Elle ne sait rien ! Tu ne sais rien et personne ne saura jamais, tu m'entends !

- Dis-moi.

Emilia parut désarçonnée par cette demande. Mais le blond était sérieux. Elle ne pouvait pas endurer son fardeau seul ? Et bien, il allait l'aider. Elle pouvait l'adorer ou bien vouloir sa mort après, il s'en fichait. Tout simplement parce qu'il avait vu le regard de la métisse en la pensant morte. Et ça l'avait tué. Ça l'avait tué parce qu'il ne voulait pas voir cette expression sur ses traits qu'il aime tant. Il se releva à son tour, lui faisant face et elle recula.

- Explique-moi Emilia. Je t'écoute.
- Non... Non...
Les mains levées, elle voulait le garder à bonne distance. Il haussait la voix et son cerveau lui remettait en flash-back les événements de la veille. Elle hochait la tête énergiquement, cherchant à faire fuir ses images, reculant au même rythme que les pas du garçon devant elle.

- Allez ! Je suis sûr que ce n'est rien de grave en plus !

Il devait ouvrir la cicatrice en grand, entrer et faire disparaître ses peurs avant que ça ne l'ait tuée et que Kiera perde la tête dans cette histoire. Il devait le faire. Pour elle. Pour qu'elle lui accorde un regard autre que celui de frère ou de Pogue. Quitte à devenir un salop. J.J lui attrapa le poignet qui contenait le joint et la réponse fut immédiate.
John B, qui rentrait à cet instant, vis le blond, la tête tournée et figée. La claque avait résonné dans toute l'entrée, et même lui n'osait pas faire un pas chez lui. Elle avait laissé coulée quelques larmes, son regard était douloureux et sa main se posa sur sa bouche. Reculant une nouvelle fois, elle courut s'enfermer dans une des deux chambres.

- Tu lui as fait quoi ?
- Je l'ai fait réagir...

J.J avait le goût du sang dans la bouche. En une claque, elle lui avait coupé l'intérieur de la joue. Un exploit que même son père ne pouvait se réjouir de faire avec ses poings.

- Et sinon? Avec la fliquette ?
- Elle reste ici le temps que son père soit retrouvé. Et après, on verra.

Le blond fixait encore la porte de sa chambre. Celle où s'était réfugiée Emilia.

- Je vais me coucher. Tu prends le canapé ?
- Ouais. Pas le choix.

John B passa une main dans sa nuque et avança. Mais à la porte de la chambre du blond, il entendit très clairement des pleurs. Il voulait interroger son colocataire, mais celui-ci était déjà dans le canapé, la porte close et les yeux clos.
Soufflant, il alla se changer et glissa dans ses draps.
Mais le sommeil leur fut arraché par un cri. L'un comme l'autre, les cheveux en pétard et leur caleçon de la veille au corps, ils tentèrent d'ouvrir la porte de la pièce où dormait Emilia. Mais rien à faire. John B frappa.

- Emilia, c'est John B. Tu peux ouvrir s'il te plaît?

Mais aucune réponse, seulement les bruits d'une lutte et le blond ne perdit pas une minute. Son pied s'enfonça dans la porte. Le loquet lâcha par chance. Elle pleurait. Sa respiration était saccadée.

- Non... Non... S'il te plaît...

Outer Banks - La princesse de la PlaineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant