Chapitre 9

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Le premier a imaginé une tempête de sable, le second une nuée de piques et le dernier un gaz toxique. Les autres n'ont pas encore d'idée, on dirait. Le premier démon, un beau brun ténébreux au regard rouge vif, lance son attaque. Juste avant qu'elle ne me touche, je rentre mes ailes, me laissant tomber en piqué. La tempête me frappe quand même mais je ne suis pas surprise de tomber. Je sens mes forces me quitter, comme si la tempête les avait aspirés. J'entends leurs rires moqueurs.

- Ch'ai pas qui c'est mais, c'est une merde !

- C'ÉTAIT, mec ! Il est mort !

- Bien joué !

Puis le vent qui siffle dans mes oreilles devient trop fort pour que j'entende ce qu'ils disent. Je continue à descendre, mon tee-shirt ample claquant au vent. En-dessous de moi, je perçois déjà les hurlements terrifiés, de peur qui s'élèvent de la foule. J'écarte les bras à la manière d'un ange foudroyé. Mon tee-shirt claque toujours. Je joins, dans un violent effort, mes jambes. Le vent a rammené mes longs cheveux devant mon visage, formant une barrière que ma vue pourtant perçante, peine à franchir. Le soleil qui me réchauffe, me rassure. J'entends aussi les sirènes de pompiers à l'autre bout de la ville, quelqu'un a dû les appeller pourqu'ils viennent ramasser mon corps. Ben ne va pas être content, normalement personne ne doit voir mon tatouage, mais il est trop tard pour revenir en arrière, m'excuser de cette lâcheté. Le remercier de m'avoir donné ces conseils qui me font profiter un maxium de la fin de ma vie d'ange aux mystérieuses ailes blanches. Soudain, malgré la barrière de cheveux, je vois cinq silhouettes ailées voler en piqué vers moi. Peut-être n'est-ce que des oiseaux qui viennent voir pourquoi je ne remonte pas, le sol me tendant ses bras me tuera bientôt. Si c'est des démons, je n'ai aucune chance, mes forces me quittant encore et toujours comme le sang qui s'écoule d'une blessure ouverte. Je n'ai plus aucune chance. La nuit tombe brutalement mais trop sonnée pour m'en étonner, je me réjouis, les gens ont leurs attention détourné. Avec un violent effort, je tourne la tête pour voir. Comme prévu, il ne reste que deux ou trois personnes qui suivent ma chute, impuissantes, je peux voir leurs visages horrifés suivre les courbes de mon corps. Je décide d'ouvrir mes ailes. Impossible ! Je n'arrive pas à déplier mes ailes. Je vais mourir, écrasée comme une crêpe au sol. Je le savais déjà, mais cette formule résonne comme une prise de conscience. Ma tête se remet en position intiale. Et juste avant de quitter cette terre, je apperçois le visage inquiet de Ben à travers mon rideau brun et bleu de cheveux. Trop tard, les démons ont eu raison de moi, je ferme les yeux, Ben et ses amis n'auront qu'à ramasser mes plumes blanches sur le sol. Je sens déjà l'odeur du goudron. Un cri retentit à la hauteur de mon oreille. Je peux presque sentir la morsure du béton sur mon dos, je sens mes os qui se brisent au contact du sol. Je quitte cette terre, le sourire aux lèvres, les yeux fermés, les jambes tendues, les bras écartés, en guise d'ailes, mes cheveux éparpillés en éventail autour de ma tête. Je vais, veux mourir heureuse. Heureuse d'avoir eu cette chance, d'avoir pu voler. D'avoir pu tomber amoureuse même si ma timidité m'a empêché de l'avouer à la personne. Il lui suffira d'ouvrir ce carnet qui est caché sous mon oreillé. Son nom est écrit de ma plus belle écriture sur plusieurs pages. Heureuse d'avoir eu des amis formidables. Heureuse.

Ange blancOù les histoires vivent. Découvrez maintenant