44- Amelia

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Je m'étire longuement dans mon lit en faisant attention à mes points de suture. Ce que ça fait du bien de ne pas se faire sortir du sommeil par le bruit strident d'un réveil. J'ai passé un des meilleurs weekend de ma vie. Sami et Remi sont restés jusqu'à hier soir, ils ont pu faire la connaissance de Jess, je crois qu'ils l'ont adoré et je ne pouvais pas rêver mieux. Avant de partir, j'ai parlé a Rémi de mon projet de rester ici cet été et peut-être de suivre ma copine à la fac. Il m'a souri et m'a tapé dans le dos. Chez lui, ça veut dire beaucoup. A savoir: « Tu fais le bon choix, je suis fière de toi ».

Ça m'a fait chaud au coeur. Je pense en parler à Jess ce soir lorsqu'elle viendra. Je sais qu'elle aura passé la porte de la maison avant même que le bus ait redémarré. Si elle est d'accord, je l'annoncerai à Myriam demain. Elle va peut-être être déçue, je n'en sais rien, elle est étrange depuis vendredi. Elle me regarde comme si elle me couvait, avec un regard protecteur et un sourire maternelle. C'est flippant, mais agréable, de se sentir aimée je veux dire.

Je baille, encore ensommeillée par ma longue nuit et descend me servir un café. Je m'assoie à table pour boire ma tasse en surfant sur les réseaux.

Je repose le mug, abasourdie par ce que je vois. Ce n'est pas possible, je dois encore rêver, je ne veux pas y croire. Qu'est-ce que ... Non.

« Comment mener une guine en bateau ».

J'essaie de trouver une explication. Ça ne peut pas être Jess, elle n'a plus internet. Mais... Qui d'autre y aurait accès?

Je me lève d'un coup et commence à faire les 100 pas. C'est impossible. Jess ne m'aurait pas menée en bateau, tout ce qu'on a vécu, je refuse de croire que c'était du flan. Et pourtant... Tout est là, un album public pour en rajouter une couche.

Et si...? Elle m'a dit que c'était le bus scolaire qui l'avait déposé à l'hôpital. Tout le monde a du faire le lien. Ils ont commencé à parler et voilà, elle a voulu se justifier. Genre « nonon, je vous jure, c'était juste pour me moquer d'elle, tenez, regardez. » Elle disait qu'elle se moquait bien de ce que pouvaient dire les gens, tu parles ouais.

De colère, je lance ma tasse à travers la pièce qui vient s'écraser contre le meuble de cuisine.

Putain! Mais qu'est-ce que je peux être conne! Comment j'ai pu croire que la roue avait tourné, qu'une fille comme elle pouvait s'intéresser à moi? Et dire que j'étais prête à rester pour elle.

J'ai envie de tout péter dans cette baraque. Je tourne comme un lion en cage. Je vais devenir folle.

J'essaie de me poser calmement sur le canapé, de remettre les choses en ordre, de réfléchir posément. Il n'y a qu'une chose qui me vient à l'esprit: rien ne changera jamais dans ma vie, tout les gens que j'aime finissent soit par pâtir de mes choix, soit par se barrer. La seule chose qui pourrait me retenir ici, se serait ma famille. Et alors quoi? Je les ai bien mis en danger avec mes conneries, ils auraient pu s'en prendre à eux si ils ne m'avait pas trouvé à la sortie du lycée. Je n'apporte que des emmerdes et le reste du monde se fout de ma gueule. Ils se sont très bien débrouillés sans moi jusqu'à présent, ils se porteront aussi bien si je ne fais plus partie de leur vie.

Je monte les escaliers 4 part 4 et commence à faire mon sac. Je laisse l'ordinateur et le portable de Marc qui ne me serviront à rien de toute façon. J'embarque le peu de chose qui m'appartient, et les balance dans le coffre de la 204. Je n'ai plus de moto, reste plus qu'à espérer que je ne croise pas les flics avant d'avoir mis un max de kilomètres entre cette ville et moi.

Je tapotte les poches de mon jean et compte le peu de fric que j'ai sur moi. J'ai a peine de quoi tenir une semaine. Merde, j'avais prévu de partir du lycée le jour où je me casserai pour de bon, l'enveloppe avec mes économies est dans mon casier. Chiotte.

Je démarre la caisse sur les chapeaux de roue et prend pour la dernière fois la route vers cette putain d'école où je compte bien ne plus jamais remettre les pieds après ça. 

Dix minutes par jourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant