18-Jess

2K 132 0
                                    

 Il me faut encore plus de temps pour me préparer ce matin. D'abord pour cacher mes cernes mais surtout pour choisir mes vêtements. Je veux être impeccable aujourd'hui, rayonnante même. Il est hors de question que quiconque puisse penser au lycée que je viens de passer un weekend atroce. Non, tout le monde croit à ma vie parfaite et il faut que ça reste ainsi. C'est une sorte de bouclier. On n'attaque pas les princesses. Je sais trop ce que ça fait d'attirer des regards de pitié, de voir les yeux de parfaits inconnus te prendre pour de la merde parce qu'on t'a déjà mis plus bas que terre. Non, je dois être au sommet pour que personne ne puisse m'atteindre. Je le prends au pied de la lettre en montant sur des talons de 10 cm de haut.

Jojo me reproche mon retard habituel et je lui répond que je ferais un effort demain avant de m'assoir à ma place habituelle pendant qu'Amelia cherche une chanson sur son portable sur la banquette du fond.

On en a pas parlé, ce n'est pas un accord que nous avons formulé mais il me semble logique. Ce que l'on s'est dit sur le net hier doit rester sur nos ordinateurs. On ne doit pas l'évoquer dans le monde réel. En même temps, je n'avais pas l'impression de parler à madame Je-me-la-craque-en-blouson-en-cuir. C'était une autre fille que celle qui m'ignore ce matin. Une fille avec qui j'ai discuté jusqu'à deux heures du mat.

Je ne lui ai pourtant rien dit. Ni sur le pourquoi du comment j'avais faillit mourir dans ses bras. On a juste parlé des adultes, de leurs actes égoïstes et comment ils affectaient la vie de leurs enfants qui n'avaient pas demander à naître. Même si je n'ai rien raconté de ce qu'il peut bien se passer dans ma vie, je lui ai quand même confier des trucs que même Sixtine ne sait pas. Sur ce que je ressens parfois. Cette colère contre la vie qui change sans qu'on ne lui demande rien, sur les gens que l'on aime et qui peuvent nous trahir.

Je n'ai pas été la seule à me confier. C'est qu'elle sait faire des phrases cette sauvage. J'ai découvert que je n'étais pas la seule à ressentir ça. Ça ne m'a pas rassuré pour autant, ça n'a même servit à rien à part me divertir pour que les mots de mon père arrêtent de résonner dans mon esprit. Cette conversation n'a pas réussi à les effacer, ils seront gravés en moi à jamais, mais à baisser le volume des insultes dans ma tête.

Je jette un coup d'oeil discret à l'arrière du car. Elle s'est assise sur le siège du milieu de la dernière rangée, les pieds posés sur les accoudoirs des banquettes de devant. Elle arbore cette tête de « j'ai le monde entier contre moi et je l'emmerde ». Je trouve cette attitude égoïste et totalement contre productive. Non, sérieusement, ce n'est pas à cette fille avec qui j'ai parlé hier soir. 

Dix minutes par jourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant