6-Jess

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Je descend les escaliers sur la pointe des pieds, de peur de faire craquer les marches. Je ne veux pas que mes parents sachent que je suis là. Ils se hurlent dessus depuis près de 20 minutes dans le salon. Je m'étais réfugiée dans ma chambre mais j'ai oublié mon portable dans mon sac à main, lui même resté dans l'entrée.

— Est-ce que tu as postulé au moins, crie ma mère?

— Bien sur, qu'est ce que tu crois? Que je passe mon temps sur ce canapé! Tous les jours je postule pour de nouveaux postes tous aussi merdiques les uns que les autres! Ils me répondent non, qu'est ce que tu veux que j'y fasse?

— Forcément quand on s'est fait viré pour faute grave, personne ne veut nous rembucher!

— Tu vas me le rappeler combien de fois celle là!

Dans le couloir, j'ai les mains qui tremblent, du mal à respirer. Je sens la crise de panique arriver. Je ferme les yeux pour me reprendre. Je ne peux pas me mettre dans un état pareil pour une simple dispute, c'est tous les jours. Qu'est-ce que je vais bien pouvoir affronter dans la vie si je me mets à suffoquer à la moindre difficulté? J'arrive à calmer les battements de mon coeur et me reprends doucement.

Je vois mon sac, là bas, à côté de la porte, il me tend les bras. Seul deux mètres nous séparent mais ces 2 mètres correspondent à l'arche en pierre qui donne accès au salon. Ce qui me parait être une distance infranchissable à ce moment précis. J'agite mes doigts pour faire circuler le sang dans les extrémités, fais craquer ma nuque pour la rendre plus souple.

Aller Jess, tu ne vas pas te stresser à l'idée d'affronter tes parents, c'est ridicule. Ils crient, c'est tout, c'est pas comme s'ils allaient se frapper. J'avance un pied tout doucement, toujours en demi pointe, espérant qu'ils ne me remarquent pas. La mission astronaute se passe plutôt bien jusqu'à ce que j'arrive au milieu du couloir.

— Temps que tu ne regretteras pas ton geste, répond ma mère!

— Jamais!

Mon père a attrapé une bouteille d'eau qui trainait par terre et la balance contre le mur, le mur qui donne sur le couloir... Ils se tournent tous les deux vers moi, je suis prise la main dans le sac, au sens propre.

— T'as pas des devoirs à faire toi! s'exclame mon père encore sous le joug de l'énervement.

Je me redresse doucement, pour leur montrer que je ne suis pas une menace.

— Je les ai finis, je venais chercher mon portable...

— T'as pas autre chose à te mettre sur le dos, dénigre ma mère.

Elle a toujours fait ça, me critiquer sur mon allure. Soit j'étais trop maquillée, soit pas assez, mes cheveux n'étaient jamais assez bien coiffés à son goût. Et depuis peu, c'est mon poids le problème. J'ai perdu dix kilos en six mois. Pas volontairement bien sur, c'est le stress essentiellement et il faut bien le dire, le fait que le frigo soit souvent vide joue aussi.

— Tu ne peux pas mettre une ceinture au moins, renchérit-elle?

À vrai dire, j'en porte déjà une, elle est serrée au dernier cran mais m'est toujours trop grande. Je prend une grande inspiration pour l'affronter. Ils n'ont pas à se servir de moi pour passer leur colère. Je suis victime de la situation autant qu'eux.

— C'est le plus petit des jeans qu'il me reste, il me faudrait des fringues mais... Nous savons tous les trois que nous n'avons pas assez d'argent pour ça.

Les épaules de ma mère retombent. Sa colère se change en tristesse. Elle regarde mon père qui fait un signe de la main pour dire qu'il s'en fout et part s'effondrer dans le canapé. Ma maman qui est redevenue elle même monte avec moi dans me chambre et inspecte mon armoire, dépitée.

Elle vient s'assoir à côté de moi et pose une main sur mon genou.

— On va mettre tout ça dans un sac. Tu vas aller au secours populaire, leurs donner et demander si tu peux prendre des affaires à ta taille à la place.

Je la supplie du regard, je n'ai aucune envie de faire ça. Demander la charité c'est... Je n'aurais jamais cru que ce soit aussi humiliant de demander de l'aide.

— On a pas vraiment le choix, dit-elle en tapotant ma cuisse affectueusement. Tan que ton père refusera de vendre la maison « qui a vu naitre 3 générations de Roland! » et qui nous coute un bras, il faudra bien se débrouiller. C'est soit ça, soit tu trouves des bretelle pour tenir tes pantalons...

Je lui souris. Elle a raison. Je n'ai pas envie mais je dois l'admettre. Je n'en veux aucunement à mon père d'avoir fait ce qui nous met dans cette situation mais j'avoue que ce n'est pas toujours facile. Peu importe, de toute façon, il va bien falloir qui j'y aille au secours populaire... 

Dix minutes par jourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant