7-Amelia

2.5K 133 0
                                    


Je suis garée juste en face du bar de la gare. Le QG de Veillac. J'ai une barre de fer planquée dans le dos de mon blouson en cuir et une arme secrète dans ma poche gauche. Je suis appuyée sur l'épave de Daniel, les bras croisés, je fais face au bar craignios de l'autre connard en mode provoc. Je sais qu'il va sortir. Il ne peut pas se permettre un affront pareil, ça saperait son autorité suprême, surtout venant d'une fille. Ça fait une demi heure que j'attend mais je m'en tape, j'ai tout mon temps et rien à perdre, je sais qu'il sortira.

C'est un de ses sbires, le plus costaud qui daigne venir me voir au bout d'une heure. On est en plein jour, dans une rue bondée, je sais qu'il n'attaquera pas le premier. Et tout cas, je compte là dessus car il est clair qu'à la loyal, mon mètre 70 et mes 50 kg ne feront pas le poids.

— Qu'est-ce que tu veux? demande l'armoire à glace sur un ton qui ne donnerait envie de répondre à personne d'autre.

— Je veux voir Veillac.

La brute se marre, découvrant toutes ses dents. Presque la totalité d'entre elles sont en métal. Le boss à pas les moyens de lui payer des couronnes en céramique.

— On ne vient pas voir Monsieur Veillac comme ça. C'est lui qui t'appel.

— Alors il devra supporter de voir ma gueule toute la sainte journée jusqu'à ce qu'il se pointe.

Le coloss m'attrape par le col et je sens mes pieds se décoller du sol. Il approche son visage à quelques centimètres du mien, je ne peux pas échapper à son haleine pestilentielle.

— Tu veux jouer au dure petite.

— Tu veux que les braves passants qui vont prendre leur train appellent les flics?

Je fais la maline comme ça, mais je le coeur qui frôle l'épuisement entre mes poumons, je suis à deux doigts de la crise cardiaque, la vengeance est mon seul moteur, la seule chose qui me porte à l'instant.

Les gros bras me reposent par terre, le mec me sourit encore avant de retourner dans le café. Je reprend ma posture, bras croisés, prête à entendre encore des heures, mais le chef de bande sort déjà du bar. Il a une cinquantaine d'année, porte un costume coloré pour ressembler aux gangsters des années cinquante, il est entouré de 4 mecs. Il a si peur de moi que ça. Il se tient bien droit, cigare à la main, ce gars en fait des tonnes, il se prend pour qui?

— Il paraitrait que tu demandes un entretien. Je t'en pris entre, dit-il en désignant la porte vitrée de son bar avec son cigare.

Je ne suis pas folle. Si je rentre là dedans, je ne ressortirai jamais.

— Je préfère parler dehors.

Mon coeur s'accélère un peu plus. Je sais que le moment critique approche. J'essaie de maintenir mon souffle à une séquence régulière pour ne rien laisser paraitre. Ma main a doucement glissé dans mon dos, enserrant discrètement la barre de fer. Je la tiens si fermement que les jointures de mes doigts sont douloureuses. Cette simple barre en métal me vaudra mon salut, je sais qu'à cinq contre une je ne me relèverai pas, mais il le faut. Pour la justice, pour Sami.

— Je ne parle pas affaires en public, si tu veux du travail, il faut aller à l'intérieur.

Je prend une grande inspiration, surement la dernière.

— Je ne viens pas pour parler affaires, je viens pour Sami.

Je profite de la seconde d'étonnement qui l'agite pour sortir mon arme de fortune et lui asséner un coup en pleine face. J'ai frappé de toute mes forces, de toute mon âme. Il porte sa main à son visage recouvert de sang. C'est la seule chose que je peux voir avant que les autres me tombent dessus.

Ma tête est déjà passée à travers la vitre conducteur de la Ford quand les passants commencent à crier. Je ne me laisse pas démonter. J'encaisse les coups et en rend autant que je peux. La différence est que 8 poings s'acharnent sur moi alors que je n'ai qu'une barre de fer. Je joue ma vie, mon instincts de survie prend possession de mon corps, le dirigeant à ma place. Mon cerveau est sur off, seuls mes membres agissent. Je pète un peu plus de dents au grand, explose le genoux de celui de gauche, déboite l'épaule de celui de droite. J'ai l'avantage de la jeunesse sur eux. Ils sont lents, ils frappent fort mais j'arrive à esquiver quelques coups pour en donner en retour. Je mourrais peut-être aujourd'hui sur ce trottoir mais je ne rendrais pas les armes.

— Stop! crie Veillac.

Deux des gars sont encore debout, ils me plaquent contre la voiture, m'arrachent mon arme et me menacent avec.

Le chef me toise. Il a déjà épongé le sang sur son visage, je n'ai réussi qu'à le sonné quelques secondes.

— Tu as du cran petite. Tu as sali mon costume. J'admirerais ce courage, si ce n'était pas de la bêtise. Tu pourrais être un bon atout pour moi tu sais.

— Plutôt crever.

En crachant ces mots, je m'aperçois que j'ai du sang plein la bouche. J'ai mal partout, je suis à deux doigts de m'écrouler mais je tiendrai bon. Ma mission n'est pas finie.

— Ça tombe bien, répond-il dans un sourire. Amenez la à l'intérieur.

— Toi d'abord, répondis-je.

Je me sers de mes dernières forces pour donner un coup de tête au gars qui me tient le bras gauche. Je m'appuis sur celui du bras droit pour foutre un coup de pompe dans le bide de son collègue et le repousser au loin. Le plus costaud tenait mon bras droit, dommage, je suis gauchère. J'attrape le cran d'arrêt dans ma poche, le déploie et le plante dans le ventre de l'armoire à glace. Il porte les mains sur sa blessure pendant que je me jette sur Veillac. Je ne veux pas réfléchir à ce que je fais, je ne veux pas penser que je vais porter la mort, je glisse la lame sous sur son cou.

C'est le moment que mon cerveau choisit pour se remettre en marche. Je ne peux pas faire ça. Je ne suis pas une meurtrière. Je sais que l'autre va s'en remettre, j'ai planté le gras. Mais là, j'ai une vie entre les mains. Ces connasses tremblent. L'adrénaline me crispe la mâchoire, mon coeur tambourine dans les tempes, mes poumons semblent chercher l'oxygène, quelque chose cogne dans la tête, je crois que c'est le sang qui arrive trop vite.

Aller meuf, t'es là pour ça.

Veillac n'a pas peur. Il me fixe et ne semble absolument pas effrayé par la mort alors que l'idée de la donner me tétanise.

— Vas-y petite, prends ma place, me dit-il comme s'il était fière de moi.

J'entend des sirènes de flics qui foncent dans ma direction. Je suis une lâche. Tan pis. Je donne un dernier coup à ma victime pour l'assommer, monte dans la voiture, allume le monteur et fonce dans une ruelle. Je roule le plus vite possible pour échapper aux flics, prenant les sens interdits, grillant les feu, slalomant entre les voitures. Ça klaxonne dans tout les sens, je tape dans une dizaine de caisses mais ne m'arrête pas. J'enfonce l'accélérateur de la poubelle que je conduis pour arriver au garage.

Sur les lieux, le véhicule et moi arrivons en piteux état. J'ouvre la portière conducteur cabossée avec la vitre explosée, un peu à mon image. Elle grince et menasse de s'effondrer, comme moi. Je titube devant le regard paniqué de Daniel. Il comprend tout de suite ce qu'il s'est passé. Il m'attrape par l'épaule de mon blouson, me l'enlève et me fout directement sous la douche délabrée derrière son bureau. Il m'oblige à effacer toutes traces gommables de mon corps sans dire un mot. Il m'apporte des fringues qui ne sont pas imbibées de sang avant de me redonner mon cuir qu'il a déjà nettoyé.

Quand je sors de la douche, propre, mes jambes flageolent encore. L'adrénaline est redescendue. Je suis à deux doigts de fondre en larmes. Daniel, lui, a fermé les portes du garage. Il s'affaire à couper l'eau et l'électricité, appel un copain pour qu'il vienne le remplacer demain. Il ne m'a toujours pas adressé la parole mais semble sur de ce qu'il fait.

Il faut trente minutes aux sirènes de flics pour nous rejoindre au garage, le temps de m'identifier surement. Daniel m'oblige à sortir et ferme la porte à clef derrière nous pendant que les gars en uniforme déboulent en trombe. Daniel lève les mains en l'air en signe de sédition, je l'imite. Avant de monter dans la voiture, mon beau père me lance un regard emprunt de tristesse. Il m'en veut, c'est normal. Je viens de foutre notre vie en l'air et pire que tout, je l'ai déçu. 

Dix minutes par jourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant