11- Amelia

2.1K 131 0
                                    


 On m'interdit d'aller voir Daniel pour lui dire au revoir. J'ai envie de tout exploser dans cette gendarmerie de merde, mais soyons honnête, ça ne ferait qu'aggraver les choses. En arrivant dans l'entrée, je vois Rémi debout, apparemment passionné par la contemplation du bout de ses chaussures. C'est donc lui qui a appelé Myriam. Je ne la lui pardonnerai pas celle là.

— Salut meuf, lance-t-il comme si ma vie ne venait pas d'exploser en éclats.

Comme je le toise sans répondre, il continu.

— Ne m'en veut pas. Elle a repris contact avec moi par internet il y a deux ans déjà, elle voulait des nouvelles de toi. Alors je l'ai appelé. Il n'y avait personne d'autre.

— Personne ça aurait été mieux qu'elle.

Ma soeur... Je ne l'ai pas vu depuis des années. Depuis qu'elle s'est pris la tête avec mon paternel quand elle avait 16 ans, qu'elle a fait ses valises et qu'elle m'a laissé là, sans se préoccuper une seconde de qui prendrait les coups pour ses conneries. Et elle revient, comme ça, comme une fleur. Elle préfère reprendre contact avec mon pote plutôt que moi. Mais qu'est-ce qu'elle croit, qu'elle peut se permettre de faire intrusion dans ma vie quand ça lui chante?

En vérité, j'éprouve une putain d'angoisse à la revoir. Je ne sais absolument pas ce qu'elle est devenue, et elle n'a pas la moindre idée de la façon dont a tourné sa petite soeur.

Rémi me tape dans le dos.

— Je sais que tu ne me le pardonneras sans doute jamais, mais je sais que j'ai fait le bon choix. Tu seras mieux là bas.

— Parce qu'en plus on quitte la ville?

— Elle a une baraque à deux heures d'ici. Et un mari et un gamin je crois... Elle est pharmacienne maintenant.

Je lève les sourcils d'étonnement. Ma frangine? Celle qui n'assistait qu'à une cours sur 6 à l'école serait devenue pharmacienne. C'est vraiment n'importe quoi.

Puis on ouvre la porte du sas. Je sursaute en la voyant. Elle a vieillit. Pas étonnant depuis le temps que je ne l'ai pas vu. Le pire, c'est que si je l'avais croisé dans la rue, je ne l'aurais pas reconnu. Ses traits ont changé, ils sont devenus plus sévères que ceux de la petite ado effrontée qu'elle était. Elle porte un tailleur noir, elle qui ne voyait que par les bas résilles colorés, ça change. Je me rend compte que le souvenir que j'avais d'elle s'était lissé au fil du temps. Une mémoire d'enfant n'est pas infaillible.

Elle passe à côté de moi comme si je n'existais pas et fonce directement à la rencontre de Courteix pour disparaitre dans son bureau. J'ai les jambes qui tremblent et la boule dans ma gorge est descendue dans mon estomac. Il faut que je m'assois. Rémi fait de même en me passant une main dans le dos. Je le repousse un peu trop fort mais j'ai m'en tape. Mes yeux le foudroient.

— À partir de maintenant, n'ose même plus te prétendre mon ami.

Il acquiesce, conscient de la torture qu'il m'oblige à endurer. C'est officiel, en une seule connerie, j'ai tout perdu.

Je monte dans la berline qui doit valoir le prix du garage de Daniel sans un mot. Myriam n'a pas parlé non plus. Je remarque un siège enfant à l'arrière et ça me fait bizarre. C'est ma soeur et je ne connais rien de sa vie. Elle a eu un bébé, si c'est pas un truc de dingue ça... Et je n'en savais rien. Puis je me rappelle que c'est elle qui l'a voulut, elle qui ne souhaitait pas que je fasse parti de sa vie.

— Tu as des affaires à récupérer je suppose.

Elle a dit ça sur un ton froid qui ne faisait pas semblant d'être sympathique. Elle n'est pas plus heureuse que moi d'être là.

Dix minutes par jourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant