4-Jess

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Je dis au revoir à Jojo en sortant du bus, salut Myriam, la voisine, qui ramasse son linge sur le fil. Elle me sourie. Je remonte l'allée de chez moi, m'apprête à rentrer dans la maison, mais comme tous les soirs, je bloque devant la porte. Je sais ce que je vais trouver derrière.

Des pièces démunies des meubles que nous avons vendus pour remplacer la chaudière qui avait rendu l'âme, mon père vautré devant la télé qui n'aura surement pas fait l'effort de mettre un pantalon, un petit mot sur la table de la cuisine sur lequel ma mère me demande de faire à manger parce qu'elle va encore devoir faire des heures sup... C'est tous les soirs pareils.

Il est loin le temps où ma mère m'accueillait avec des pâtisseries faites maison en rentrant de l'école, ou mon père arrivait en fin de journée sortant de ma mercedés en costume cravate, où j'allais jouer avec la voisine après mes devoirs... Non, décidément, grandir, c'est à chier.

Je pousse un profond soupir et pousse la porte. Mon père passe une main dans ses cheveux blonds, du moins ce qu'il en reste.

—Coucou chérie, bien l'école aujourd'hui?

Il n'a même pas pris la peine de décoller son regard de l'écran. C'est la seule chose qu'il a refuser de vendre pour pouvoir garder la maison, sa précieuse télé, sa fenêtre sur le monde. Moi j'ai réussi à sauver mon ordi et mon scooter. Un seul véhicule pour trois quand on habite dans une impasse à 6 km de la ville, c'était trop juste.

— Bien, je lance à mon père alors que je suis déjà en train de monter les escaliers jusqu'à ma chambre.

Comme tous les jours depuis 4 ans, je tire les rideaux pour ne pas voir la vue de ma chambre, celle qui donne sur la maison d'en face. Pas que les voisins soient désagréables. Ce sont les pharmaciens, ils ont une petite fille de 4 ans que je garde souvent. Non, c'est juste que la mélancolie à fixer d'un regard sans vie les miettes d'une vie passée, ce n'est pas mon truc. Je préfère me plonger dans mes devoirs pour avoir le temps que regarder les petites annonces pour un job avant d'aller faire à manger.

Je sais d'avance que mes parents ne voudront pas. Je les entends déjà.

— Hors de question. Déjà que les commères de la ville doivent s'en donner à coeur joie depuis que ton père n'a plus de travail, hors que question qu'elles sachent qu'on a pas d'argent.

Faudrait que je trouve un truc dont ils n'entendront pas parler.

Dix minutes par jourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant